200 sous zéro 2019 par Nathaniel Watson

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Un brevet de 200kms du Club Vélo Ran­don­neurs de Mon­tréal

Je suis allé au McDon­alds de St-Lam­bert pour mon rit­uel Egg McMuf­fin avant le brevet. Il n’y avait pas de pros­ti­tuées là-bas cette fois et le ser­vice s’é­tait amélioré. Comme d’habitude, j’étais bien en avance, mais ma pré­pa­ra­tion me rendait nerveux. Il y avait plusieurs nou­velles choses dans mon équipement qui n’avaient pas été testées. Le ‑21 prédit avait atteint un niveau moins mau­vais ‑12,5 ° C. Néan­moins, il fai­sait plus froid que mes deux brevets d’hiv­er précé­dents. Mon pre­mier brevet, il y a 8 ans, était un 200 avec le groupe Adiron­dack, où il fai­sait ‑8 C au départ et mon­tait à 0 l’après-midi. Et en 2015 avec le CVRM, il ne fai­sait pas si froid mais le vent souf­flait trés fort du sud.

Nous n’étions que Jonathan et moi, et je m’at­tendais à être seul tout le temps. Il a un excel­lent équipement et il est fort (plus jeune de 25 ans, plus léger, etc.). Nous sommes par­tis un peu tard, vers 7h15, après que notre prési­dent, Jean Robert, ait pris la pho­to rit­uelle. J’avais eu du mal à choisir des pneus et j’ai fini par emporter mes Com­pass Bar­low Pass 38. Très con­fort­able mais avec une bande de roule­ment min­i­male. En fin de compte, c’é­tait prob­a­ble­ment le mau­vais choix.

Je ne sais com­ment mais nous avons man­qué le virage à droite sur Pel­leti­er et n’avons tourné à droite que lorsque nous sommes arrivés à Tascher­au, mais peu importe. J’ai pu rester avec Jonathan en grande par­tie à cause de mon habi­tude New Yorkais d’ignorer les feux rouges pen­dant qu’il attendait le vert. Les 43 pre­miers kilo­mètres se sont bien passés. Il est arrivé à St-Cyprien (Con­trôle 1) avant moi et Jean était là pour nous ren­con­tr­er. Jonathan a ajouté une autre paire de cou­vre-chaus­sures. Mes mains étaient trop chaudes avec mes gros gants de motoneige. Jonathan avait de beaux Bar Mitts qui fonc­tion­nent vrai­ment bien. Il n’a qu’à porter une petite paire de gants à l’in­térieur. Il a fière allure sur son mag­nifique Mari­noni Tur­is­mo disque. Quant à moi, je chevauchais mon vieil ami, un TREK 520 âgé de 30 ans, qui avait été con­ver­ti en triple Campy Veloce par Mari­noni il y a 18 ans et qui avait été mag­nifique­ment repeint. J’ai tra­ver­sé les États-Unis à deux repris­es sur ce bike dans les années 90, mais c’est un peu trop gros pour moi.

En con­tin­u­ant vers le sud, je me suis arrêté pour chang­er de lunettes. Nous regar­dions le soleil d’hiv­er bas dans le ciel. La route était bonne et nous allions bien. Après mon caca à la sta­tion Shell, je me sen­tais beau­coup mieux! Jonathan a mis un peu de dis­tance entre nous et avec lui hors de vue, j’ai tourné trop tôt vers l’ouest, emprun­tant l’ancienne route, la 202. Ce qui s’est avéré être une très bonne erreur, car le pont sur le 15 de la mon­tée Guay était fer­mé ! Je ne sais tou­jours pas com­ment Jonathan s’est éloigné de ce détour, mais cela m’a per­mis de rat­trap­er son retard. Il m’a dou­blé peu de temps après sur la Mon­tée Glass, se deman­dant com­ment je l’avais devancé!

Les con­di­tions de la route étaient encore pass­ables, mais pas pour longtemps. Nous ne fai­sions plus par­tie du par­cours que j’avais arpen­té la veille. Au fur et à mesure que nous gravis­sions la mon­tée jusqu’à Cov­ey Hill, 20 km d’escalade par­fois imper­cep­ti­ble mais tou­jours en mon­tée, la route deve­nait de plus en plus enneigée et il neigeait égale­ment. On aurait dit que la char­rue était passée plusieurs heures aupar­a­vant. Ce tronçon est tou­jours dif­fi­cile parce que vous allez sou­vent plus lente­ment que vous ne le pensez. Eh bien, en ce qui me con­cerne, ça m’a pris beau­coup de temps pour me ren­dre au par­cours Pitch ’n Putt où com­mence la colline pro­pre­ment dite. Sur la gauche, de l’autre côté de la fron­tière, il y avait d’énormes nuages bas et vous deviniez qu’il neigeait beau­coup dans l’état de New York, à quelques kilo­mètres à peine. Il y avait de plus en plus de neige sur la route, ce qui masquait la glace per­fide en dessous. La neige s’accumulait entre les pneus et les garde-boues. C’est là que les 28, plus petits, auraient été meilleurs. Plus d’e­space entre le pneu et le garde-boue . Plusieurs fois, j’ai descen­du et déblayé la neige avec un démonte-pneu. La roue arrière ne tour­nait pas libre­ment et je devais tra­vailler plus fort. Peut-être qu’au­cun garde-boue n’au­rait été meilleur, mais alors la neige se serait retrou­vée sur mes jambes. En tout cas, je ne pou­vais pas les enlever main­tenant.

Dans ma vitesse la plus basse, je me tenais debout et la roue glis­sait. J’ai bien­tôt com­mencé à marcher de temps à autre, mais c’é­tait aus­si dif­fi­cile à cause de la glace! J’avais envis­agé de porter des chaus­sures nor­males et des pédales plates lors de ce tra­jet. Mais rapi­de­ment la neige s’est tassée dans les cleats et quand j’ai repris la route j e ne pou­vais plus clip­per sur les pédales Shi­mano 105. Jonathan avait des pédales SPD, un autre choix intel­li­gent de sa part. Zigza­guer, une de mes spé­cial­ités, n’était pas pos­si­ble non plus. Et lorsque vous tombez et que vous posez le pied par terre, votre pied glisse sur la glace et cela ne se ter­mine pas bien. Je soignais encore une blessure à une côte depuis trois semaines.

L’a­ban­don d’un brevet se pro­duit tou­jours pour plusieurs raisons, rarement une seule. L’année dernière, j’ai aban­don­né trois fois et je ne voulais vrai­ment pas le refaire. C’est un peu comme de la mas­tur­ba­tion. Vous vous sen­tez mieux, mais pas pour longtemps. Il était 12h30. Je devrais être au deux­ième con­trôle main­tenant. Je me suis donc arrêté quelque part vers le km 89 pour appel­er CAA, ce que je n’avais jamais essayé. J’al­lais bien en pédalant, mais après m’être arrêté, je me suis mis à avoir froid rapi­de­ment.

« FOR ENGLISH PRESS 9! » Mais au Québec, cela n’aide pas beau­coup. Vous obtenez une per­son­ne qui par­le un peu anglais, mais ne peut pas réelle­ment le faire. La pre­mière chose qu’elle m’a demandée était: « Quelle est l’année et le mod­èle de votre véhicule? » « Je suis à vélo. Je n’ai pas besoin d’une remorque, c’est juste un pick-up. » « Mon­sieur, nous devons con­naître la mar­que, le mod­èle et l’année de votre vélo. » C’était décourageant pas mal !

Votre cou­ver­ture CAA ne vous cou­vre qu’en cas de panne, dit-elle. Votre vélo est cassé? Pourquoi n’ai-je pas sim­ple­ment dit OUI ?? Pour faire une his­toire plus courte, j’ai été appelé par qua­tre per­son­nes dif­férentes et, à chaque fois, le prix prévu a aug­men­té pour attein­dre finale­ment env­i­ron 400 $, car j’avais besoin d’un lift jusqu’à St-Lam­bert, 57 km à 2.50$ le km. Puis les chiens sont sor­tis. WHO LET THE DOGS OUT? WHO? WHO? Trois grandes bêtes en avaient assez de ma présence et sont venues après moi. Je n’ai pas peur des chiens. Je me suis accroupi et je leur ai ten­du la main, comme César dit tou­jours de faire. Cela a par­tielle­ment fonc­tion­né. Puis la dame est sor­tie avec sa petite-fille. Nous avons bavardé et j’ai expliqué ce qui se pas­sait, je lui ai dit que j’allais bien, mer­ci, et elle est par­tie sans me faire entr­er à l’intérieur.

J’avais don­né l’adresse de la rue, mais avec la mau­vaise ville. C’é­tait Have­lock, pas Hem­ming­ford! Je fai­sais du jog­ging sur la route pour me tenir au chaud. Son fils est passé avec son tracteur et est entré dans la mai­son, comme pour leur dire qu’il y avait cet étrange cycliste à l’ex­térieur. Il est repar­ti, pas­sant juste à côté de moi sans établir de con­tact visuel. J’ai com­mencé à penser au film Far­go…

Finale­ment, j’ai dû frap­per à la porte et deman­der à entr­er, mais avant de le faire, j’ai glis­sé sur la glace et suis tombé assez fort sur la tête. Bien sûr, j’avais enlevé mon casque quelques min­utes plus tôt. Si c’é­tait la LNH, j’au­rais dû aller dans une pièce som­bre. Les casques sont sou­vent inutiles.

“Eh bien, je n’ai pas l’habi­tude d’in­viter des hommes chez moi que je con­nais pas …” expli­qua-t-elle. «Très com­préhen­si­ble», répondis-je en reti­rant mon cha­peau pour qu’elle puisse mieux voir quel âge j’avais. Mais ensuite elle s’est radoucie et m’a servi une tasse de thé. J’ai joué avec les chiens.

Alexan­dre Racine, 22 ans, de A. Racine ESSO à Lacolle est arrivé en camionette après un cer­tain temps. Il avait fal­lu 90 min­utes au pre­mier appel. J’ai envoyé un tex­to à Jean Robert pour lui faire savoir ce que je fai­sais, et il m’a répon­du tout de suite: «Pourquoi ne m’as-tu pas appelé? Je serais allé te chercher! ». Je l’ai donc appelé et il est venu très généreuse­ment me chercher à Lacolle, où qua­tre généra­tions de Racine aidaient les gens depuis 1936.

Nous sommes ensuite par­tis à la recherche de Jonathan et l’avons trou­vé sur le long et ennuyeux tronçon que je nomme «The Back Nine». Il roulait sur le chemin Cow­an, au km 137 de la route, et se por­tait bien. Un homme d’aci­er! Il a ter­miné à 20h05 en 12h 50min. Avec suc­cès et dans le délai de 13,5 heures. Paris-Brest-Paris est dans sept mois et il n’au­ra aucun prob­lème à le réus­sir. Moi, par con­tre … il faut que j’‘arrête les CHIPS!

Nathaniel Wat­son