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De 0 à 119 km : Je reste dans un peloton rapide durant une heure. Je ralentis et un groupe de quatre cyclistes me rattrape. Je prends la tête du peloton. Je regarde derrière et m’aperçois que je roule seul. En réalité, j’ai dépassé une fourche sur plus de 1 km. Je retourne sur mes pas et je rencontre trois autres cyclistes qui m’indiquent la direction. Je roule avec eux près d’une heure jusqu’à ce que je m’aperçoive d’une crevaison à l’avant. Je remplace le tube. Je continue à rouler seul. Je lis mal l’embranchement de la ‘5th line’. Je lis ‘Street’ plutôt que ‘5th’. Bref, je confonds le 5 pour un S. Cela prolonge ma route de 10 km aller-retour.
Je m’aperçois d’une autre crevaison. Le pneu se dégonfle lentement. Je décide de souffler le pneu et d’attendre mon arrivée au premier contrôle pour remplacer le tube et chercher la cause de ces crevaisons à répétition. Je suis le dernier à me pointer au premier contrôle. Les bénévoles me demandent de relaxer et m’envoient prendre un bon repas pendant qu’ils réparent ma crevaison. Ils me suggèrent de mettre un tube de format 23–25 au lieu de 20–28 qui serait la cause des crevaisons. Ils me donnent deux tubes gratuitement et ils m’encouragent à continuer la randonnée. Les bénévoles du contrôle plient bagages et je repars à 12h45, longtemps après les autres.
De 119 à 253 km : Je crève au 140e km. Comme le pneu se dégonfle lentement, je décide de pomper de l’air le plus souvent possible afin d’économiser les deux tubes de secours qu’il me reste. J’alterne les pompages à toutes les heures, jusqu’à ce que le tube lâche définitivement. Alors, j’ai la brillante idée de jeter le pneu de 25x700 et de le remplacer par un pneu de 23x700. Avec ce nouveau pneu, je ne crèverai plus le reste du parcours. J’arrive au contrôle suivant à 20h. J’apprends qu’en plus de moi, un autre cycliste manque à l’appel avant la fermeture du contrôle. Je repars vers 21h.
De 253 à 366 km : Je suis conscient que le fait de rouler seul dans la nuit augmente les risques de me tromper de route. Je suis embêté au 260e km. Le nom de Bluff Rd n’apparaît pas à l’intersection de la CR 19. Je retourne en arrière sur 2 km et je dérange des fêtards pour leur demander la bonne route. C’est le bruit de la musique qui me dirige à leur villa vers 1h00 a.m.. La dame m’informe gentiment que mon chemin était le bon. Peu de temps après, je me trompe de direction sur la Poplar S/R. Cela me retarde d’une vingtaine de minutes supplémentaires. Je demande des informations à différentes reprises au sujet de la direction à prendre sur la River Rd East. Après avoir posé des questions à plusieurs jeunes qui, visiblement, sortaient des bars, c’est un chauffeur de taxi qui me donnera la bonne direction. Sur Tiny Beaches Rd, je vire en rond à quelques reprises pour m’assurer que je roule sur la bonne route. Aussi, je dois rebrousser chemin pour vérifier la distance entre Hwy 12 et Wie Marsh Entrence Rd. Encore là, je perds du temps. J’arrive le dernier au contrôle de Victoria Harbour à 4h a.m.
Mathieu Lapointe, avec qui j’ai fait le voyage en auto Montréal-Oshawa, m’apprend qu’il abandonne à cause de sa santé. À mon arrêt au contrôle, je suis traité aux petits oignons par les bénévoles. Je mange rapidement et, pour la première fois depuis 24 heures, je dors durant 45 minutes avant de repartir vers 5h30. Je pars de bonne heure parce que le contrôle suivant fermera à 8h30 et que je dois parcourir les 50 km en-dedans de 3 heures en tenant compte des risques que je me trompe de route.
De 366 à 548 km : Je roule encore seul. Je me trompe une fois de route, ce qui me prolonge d’environ 4 km aller-retour. Je pointe à 8h. Je rencontre trois cyclistes au contrôle. Le fait de rencontrer trois cyclistes à ce contrôle m’encourage à continuer. Ils partent et je décide de ne pas les suivre parce que, si je brise mon rythme, j’ai peur de m’endormir.
Pour la première fois, je rejoins un cycliste arrêté par un train à un passage à niveau. Je le dépasse. Je me trompe de route à l’intersection Town Line/ 14 th Line et je fais un détour de 11.2 km aller-retour. C’est un employé de la voirie qui m’aidera à retrouver mon chemin. Je rattrape les trois cyclistes que j’avais rencontrés au dernier contrôle au moment où j’arrête dîner à un casse-croûte. Je les vois repartir depuis la terrasse du casse-croûte. Je roulerai encore seul. Le soleil réchauffe la température. La route est en gravelle sur environ 5 km aux environs du 480e km. Je rejoins les 3 cyclistes qui roulent au ralenti sur la gravelle, mais je décide d’acheter un cola à l’épicerie et de les laisser filer. Je talonne deux des trois cyclistes une vingtaine de kilomètre plus loin. Nous arrêtons à un restaurant-bar pour nous rafraîchir et nous abriter du chaud soleil. Un des cyclistes décide d’abandonner la randonnée et je continue en compagnie de l’autre jusqu’au contrôle à Sobey’s Grocery Store où j’arrive à 16h08. Je repars en compagnie de Ken Knitson et Lawrence Midura du New-Jersey. Je ne serai plus seul jusqu’à la fin du parcours.
De 548 à 672 km : Après une heure de route, nous décidons de dormir une quinzaine de minutes à l’ombre, le temps que les rayons du soleil s’inclinent. La route est en réparation sur une dizaine de kilomètres. Nous roulons dans les roulières sur la gravelle au centre du chemin. Les automobilistes nous contournent sans se plaindre de la portion de route que nous accaparons. Les automobilistes roulent aussi lentement que nous.
Nous arrivons au contrôle à 00h38. Je mange de la lasagne. Mon estomac devient capricieux. Je veux dormir durant 3 heures, mais je dois me résigner à dormir deux heures si je veux continuer le parcours en compagnie de Lawrence. Au lever, je tarde à me préparer et Lawrence part 15 minutes avant moi.
De 672 à 756 km : Je pars en compagnie de Ken. J’ai calculé 5.2 km au lieu de 6.2 km pour atteindre la fourche de Madawaska Cr. Cela m’a embêté. Grâce à la présence d’esprit de Ken, j’ai corrigé mon erreur. Je perds Ken de vue derrière moi après une heure de route. Je vois un cycliste devant moi. Je pense rattraper Lawrence alors qu’il s’agit plutôt de Jacques Besant. Jacques me dit qu’il a un nom français mais qu’il est anglophone. Je lui réponds que j’ai un nom anglais, mais que je suis francophone.
A East Rockingham Rd, la carte dit de tourner dans un direction alors que le chemin indique le contraire. Nous ne voulons pas faire une erreur de 30 km aller-retour. Nous cherchons la bonne direction durant 20 minutes Nous décidons de nous fier à notre intuition qui s’avèrera exacte. Le trajet est parsemé de longues côtes abruptes jusqu’au contrôle de Foymount, lui-même situé sur une crête.
De 756 à 855 km : Nous sommes 6 cyclistes à repartir. Je suis en compagnie de Jacques Besant et Lawrence Midura. Jacques nous abandonne au premier kilomètre. Il me dira plus tard que sa chaîne a déraillé. Je continue avec Lawrence. Le soleil plombe et l’eau de nos gourdes se réchauffe rapidement. Au sommet d’une côte, je manque d’eau. Je cogne à la porte d’une résidence. Je demande de l’eau froide et de la glace pour moi et pour Lawrence. Le propriétaire acquiesce. Plus, il nous donne aussi du cola. Une heure plus tard, nous arrêtons dîner dans un restaurant suisse. On dirait que tous les cyclistes s’y étaient donnés rendez-vous là. J’ai d’abord commandé une soupe et un hamburger suisse. Comme le service est lent, j’ai décommandé la soupe. Je n’ai mangé que la viande et le fromage du hamburger, car mon estomac est devenu capricieux. Il ne digère plus les barres tendres et le gatorade. Sur une vingtaine de kilomètres, on dirait que’ le même traçé de la route se répète à tous les 500 mètres: Je monte une côte sur 200 mètres qui courbe vers la droite. Ensuite, il y a une descente et un bout droit sur 300 mètre et ça recommence sur une vingtaine de kilomètres. Le même trajet se répète : Je monte une côte sur 200 mètres qui courbe vers la droite. Ensuite, il y a une descente et un bout droit sur 300 mètre et ça recommence. Arrivés au contrôle à 13h44, je ne bois que des liquides et ne mange que des fruits. Je demande à Lawrence s’il veut dormir une heure à l’ombre d’un arbre avant de continuer. Le soleil de 16 heures et la chaleur sont difficiles à supporter. Lawrence accepte de dormir 20 minutes.
De 855 à 914 km : Lawrence me réveille et nous repartons. Sur les cinq premiers kilomètres, la chaussée est recouverte de petites pierres concassées bien tapées. Il suffit de suivre les roulières et d’éviter les amas de gravier. La chaussée ralentit un peu notre vitesse. Plus loin, mes parties génitales souffrent du frottement de la selle. La crème que j’utilise pour les fesses ne soulage pas ces irritations. Heureusement, Lawrence me donne un tube d’une crème spéciale qui me soulage dès la première application. Sur une trentaine de kilomètres, la chaussée asphaltée alterne avec une chaussée de gravier tapé. En descendant une côte à une bonne vitesse, je ne vois pas que la chaussée change de l’asphalte au gravier. Mon vélo zigzague légèrement, mais sans conséquence. J’ai fini pas m’habituer à ce type de chaussée. A l’occasion, nous rencontrons de longues montées, mais le soleil devient supportable quand il s’incline et la température se rafraîchit. Nous arrivons au contrôle à 19h33.
De 914 à 1008 km : Le panorama est beau. Le contrôle est installé sur une scène de théâtre extérieure qui donne sur un lac avec un coucher de soleil à l’horizon. Je demande à un bénévole de m’aider à huiler ma chaîne. Il m’offre de le faire seul avec une huile en bonbonne sous pression. Pendant ce temps, un autre bénévole épluche un ananas. Je suis impressionné par la générosité des bénévoles. L’un d’eux me donne des cachets de caféine qui vont m’aider à passer la nuit. Nous décidons de dormir une heure avant de repartir à la noirceur. La température est de 21 degrés vers 21 heures. Dans les vallées, la température tombe. Je décide de mettre des sur vêtement pour tuer l’humidité. Nous roulons à grande vitesse. Après deux heures de route, nous arrêtons à Harrowsmith où je mange un sous-marin. Mon estomac reste capricieux. Nous décidons de dormir 15 minutes, assis et le dos accoté sur la porte d’entrée d’une école. Nous nous réveillons après une heure. Un policier s’arrête devant l’école et nous interroge. Nous lui posons des questions sur le parcours. Il nous souhaite une bonne route. Nous continuons à rouler vite jusqu’au contrôle où nous rentrons à 3h12 a.m.
De 1008 à 1205 km : Je parle avec le responsable du contrôle qui est d’origine francophone. Il est âgé de 77 ans. Il me dit qu’il a commencé le vélo à l’âge de 60 ans et qu’il a fait 3 fois le Paris-Brest au cours des 10 années qui ont suivi. Pendant cette période, il a déjà été président des Randonneurs Mondiaux.
Mon estomac reprend du mieux et je déjeune copieusement. Je dors une heure et Lawrence vient me réveiller pour continuer la route. La brume garde la température fraîche jusqu’à 9 heures. La chaleur reste supportable pour le reste de la randonnée, mais les bidons d’eau se réchauffent vite. Nous rencontrons un à‑pic constitué de petites roches cimentées et de gravelons. Nous avons réussis à le monter sans descendre du vélo. Il semblerait que plusieurs participants ont monté certaines côtes à pied durant la randonnée.
Nous achetons de la glace régulièrement pour conserver la fraîcheur de l’eau dans les bidons. Je bois du cola pour me rafraîchir et limiter le suintement. Je ne suis pas tenaillé par le sommeil comme je l’étais à la fin du Rocky Mountain en 2008. La raison est que le reste du trajet est parsemé de collines et de vallons escarpés qui me gardent éveillé. Le trajet se complique sur soixante-dix des cents derniers kilomètres. Nous arrêtons souvent des automobilistes aux intersections pour leur montrer notre feuille de route et leur demander notre chemin, car à certains croisements, le prolongement de la route se fait à une centaine de mètres plus loin. Aussi, des noms de rue ont changé ou des mots sont légèrement différents. Les gens sont empressés de nous aider. Nous arrivons à destination à 17h35. Les bénévoles qui m’avaient aidé aux trois premiers contrôles, quand j’étais le dernier cycliste à se pointer, pleurent de joie de me voir terminer en-dedans de 84h30.
Conclusion: Je remercie les organisateurs d’avoir réalisé un travail titanesque en nous offrant ce beau parcours.
Edgar