Deux cousins au pays des grizzlys: Rocky Mountain 1200 2008 par Gilles Marion

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Hiv­er 2005, Mar­cel, mon parte­naire sportif de tou­jours, me fait part d’une épreuve de 1200km qu’il a repérée sur la toile et qui se déroule dans le mag­nifique décor des Rocheuses : le Rocky moun­tain 1200. C’est décidé, nous fer­ons nos brevets cet été et serons au départ à l’été 2006. Pre­mière décep­tion, l’évène­ment est reporté en 2008 et il ne se tien­dra doré­na­vant qu’aux 4 ans. Bon, on peut bien atten­dre encore 2 ans… Print­emps 2008, on s’in­scrit et 2e décep­tion, nous nous retrou­vons sur une liste d’at­tente suite à un tirage au sort. Ils ne reti­en­nent que 110 par­tic­i­pants. Heureuse­ment un cour­riel de l’or­gan­i­sa­tion nous ras­sure en nous dis­ant qu’il y aura des inscrits qui ne com­pléteront pas leurs brevets oblig­a­toires et qu’ils nous atten­dent sur la ligne de départ.

Kam­loops, BC, mer­cre­di 23 juil­let 2008, 4 heures du matin, nous sommes enfin sur la ligne de départ avec 22 autres braves inscrits au départ de 84 heures. Le reste de la bande inscrit au départ de 90 heures est par­ti 6 heures plus tôt, dont notre con­frère Edgar Har­vey, lui aus­si mem­bre du club Vélo Ran­don­neurs de Mon­tréal.

Tem­péra­ture par­faite, léger vent de dos, journée idéale. C’est par­ti ! Rapi­de­ment, on se retrou­ve un petit groupe d’en­v­i­ron 8 ran­don­neurs. Le groupe restera ensem­ble les deux pre­mières étapes, soit 229km. Au départ de la troisième étape Mar­cel con­state qu’un de ses porte-gourde est brisé. Le temps de le chang­er, nos com­pagnons nous ont déjà quit­té et c’est à deux que nous roulerons jusqu’au con­trôle de Val­mont.

Qua­trième étape, nous rejoignons Ian Fill­inger, nous échangeons les relais pen­dant env­i­ron 1 heure avec lui mais il est vrai­ment costaud, on le laisse fil­er et nous arrivons à Jasper à 19 heures 22, avec 444 km en banque. Nous sommes très heureux d’ar­riv­er à cette heure-là car le pro­fil de la journée était mon­tant mais un léger vent de dos nous a aidé, il nous a accom­pa­g­né une bonne par­tie de la journée. On s’in­forme si Mr. Ken­neth Bon­ner est arrivé, nous l’avions per­du de vue. Oui, 17 min­utes avant nous et il est déjà repar­ti!

J’ou­vre une petite par­en­thèse pour vous par­ler de l’ad­mi­ra­tion que nous parta­geons Mar­cel et moi pour Ken­neth Bon­ner. Un géant! Non, pas physique­ment, il mesure 5pieds 6 po. env­i­ron, mais à 65 ans, il va bat­tre le record du par­cours en ter­mi­nant en 50 heures 34.Il roule des dizaines de mil­liers de km par année (50,000km en 2006) et enfile les épreuves de 1200 km comme si c’é­tait des journées de 100 km.

Change­ment de direc­tion et main­tenant, c’est le vent de face qui est avec nous. Le pro­fil est mon­tant jusqu’au con­trôle de Beau­ty Creek, 86km plus loin. Arrivée à 00:15, bouffe et dodo dans un petit camp en bois rond. Je com­mence à avoir des prob­lèmes gas­triques et je ne ferme pas l’oeil de la nuit. 4:00, lever et bouffe, départ à 5:00, on met le nez dehors, brrr…, il fait 3 degrés. Comme j’en­fourche mon vélo, je sens l’oblig­a­tion d’aller vis­iter la petite cabane au fond des bois et cette oblig­a­tion se répétera tout au long de la journée. J’y lais­serai d’ailleurs une bonne par­tie de mon énergie. Je suis inqui­et car la par­tie dif­fi­cile du par­cours est juste devant moi à quelques km et ce n’est pas la grande forme. Pen­dant que je péta­rade dans les mon­tées, deux « pass » à plus de 2000 mètres, Mar­cel lui « pète » le feu et il doit m’at­ten­dre en haut de chaque mon­tée.

Même la longue descente de près de 40km vers le con­trôle du lac Louise ne me redonne pas de la vigueur, un vent de face con­stant nous ralen­tis­sant pass­able­ment. Nous arrivons au con­trôle à 12:35, 637km de com­pléter. Je suis épuisé et « vidé ».Je n’ai pas faim mais je mange un peu quand même, s’il y a une chose que je sais, si tu ne manges pas, tu n’a­vances pas.

Je me dis une étape à la fois. L’é­tape suiv­ante n’a que 26km. Puis celle vers Gold­en 111km. La longue descente vers Gold­en est vrai­ment infer­nale. Nous sommes sur la Tran­scana­di­enne, un ven­dre­di en fin de journée avec des camions qui se suiv­ent à la file indi­enne et qui ne se gênent pas pour nous faire savoir de s’en­lever de là. Mais il n’y a pas d’ac­cote­ment dans cette por­tion de route et on doit faire avec. Je ne me suis jamais sen­ti aus­si frag­ile sur un vélo.

Nous sommes arrivés au point de con­trôle de Gold­en à 19:15. Avec l’al­lure que j’ai et sous les con­seils de France, mon épouse, la meilleure crew qui soit, « elle nous accom­pa­gne dans les points de con­trôle, cela est per­mis », on ne repart pas ce soir. C’é­tait la meilleure déci­sion à pren­dre vu mon état de fatigue. Après une bonne douche et 6 heures de som­meil, c’est un ran­don­neur tout neuf ou presque, qui est prêt pour cette journée de près de 400km qui nous attend.

Départ à 4:00 pour cette longue étape de 150km et qui inclut la Rogers Pass avec ses 5 tun­nels. Tout va très bien et l’op­ti­misme règne. Nous sommes con­fi­ants d’at­tein­dre l’ar­rivée en fin de journée. Nous rejoignons le point de con­trôle de Rev­el­stoke puis nous quit­tons avec plaisir la Tran­scana­di­enne et son flot de cir­cu­la­tion pour une belle route sec­ondaire qui nous amène au con­trôle d’En­der­by. Seul une crevai­son pour moi et une pour Mar­cel tein­tera cette sec­tion. Après le départ d’En­der­by, Mar­cel con­state que son pneu arrière se dégon­fle encore. Il devra chang­er son pneu, en pleine mon­tée, au gros soleil avec un mer­cure qui indique 34 degrés. Le pneu s’é­tait per­foré lors de sa dernière crevai­son. Arrivée à Salmon Arm à 17:20, départ à 18:10. C’est la dernière étape pour ral­li­er notre point d’ar­rivée. Elle est longue de 112km et il y a tou­jours un bon vent de face. Il nous sem­ble que les 50 derniers km sont encore plus insup­port­a­bles pour nos oreilles, pris en sand­wich entre la dou­ble voie de cir­cu­la­tion et de l’autre côté, des trains et encore des trains.

C’est avec beau­coup de joie que nous retrou­vons le curl­ing club de Kam­loops, same­di soir à 10 heures 55, lieu qui fut le point de départ de cette belle aven­ture: 66 heures et 55 min­utes plus tôt.

Pour ceux que l’aven­ture intéresse, je vous donne mes + et mes — :

Les + : une organ­i­sa­tion et des bénév­oles atten­tion­nés, le mag­nifique décor des Rocheuses et la facil­ité de se retrou­ver sur le par­cours.

Les — : la cir­cu­la­tion intense sur la Tran­scana­di­enne: du lac Louise jusqu’à Kam­loops et aus­si les écarts de tem­péra­ture. Il peut faire 40 degrés à Kam­loops et gel­er au lac Louise. La semaine avant l’événe­ment, il a fait ‑3 degrés au lac Louise, en juil­let!

Et même si nous étions au pays du griz­zly, nous n’avons heureuse­ment pas fait sa ren­con­tre et il sem­ble qu’il soit peu prob­a­ble de l’apercevoir sur les routes des Rocheuses.

Prochaine édi­tion en 2012. Bon entraîne­ment !

Gilles Mar­i­on.