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Fin août 2007, je venais à peine de finir mon premier Paris Brest Paris, en 85H08, avec mes amis de l’Amicale Cyclo de Trévé que je voulais déjà en faire un autre, quatre ans plus tard, en 2011.En 2007, je l’ai parcouru sous licence du club de vélo de Challans en Vendée et sous les couleurs de l’amicale cyclo de Trévé, ville limitrophe de Loudéac. Toutefois, pour l’édition de 2011, je me suis mis en tête de m’inscrire sous les couleurs du Canada, ayant fait allégeance à la Reine d’Angleterre pour devenir Canadien en Novembre 2005.
Mais pour représenter le Canada à la plus belle randonnée cyclotouriste, je me devais de mieux connaitre mon pays d’adoption. Le Canada a pour devise «d’un océan à l’autre». Alors, en Septembre 2007, je suis allé au bord du Pacifique, à Vancouver et après avoir passé l’hiver à travailler au centre de service de la Mountain Equipment Coop, j’ai décidé de devenir le mec de la MEC qui a fait la route de la MEC en passant par Lamecque. Je trouvais la phrase rigolote et j’aime bien me lancer des défis qui peuvent paraitrent inutiles. J’ai entrepris de traverser en vélo le Canada en autonomie complète.
Le 2 Juin 2008, je suis parti de Vancouver et j’ai pointé dans tous les magasins de la coopérative d’équipement de sport. A l’époque, il y en avait neuf au total, à savoir : Vancouver, North-Vancouver, Victoria, Calgary, Edmonton, Winnipeg, Toronto, Ottawa, Montréal, Québec et Halifax, à l’autre bout du continent, sur la côte Atlantique. J’ai évidemment proposé mon projet à mon employeur mais je n’ai nullement suscité son intérêt. Ils ont beau avoir pour slogan d’aider leurs membres à développer des activités sportives et écologiques de grandes natures. Il semblerait que je ne sois pas assez intéressant pour eux. Mais ce n’est pas grave : je suis surtout Breton et on a la réputation d’être déterminé alors j’ai quand même été au bout de mon idée et j’ai entrepris cette aventure sans leur soutien. Malheureusement, le 16 juillet, alors que je venais de rejoindre mon camp de base de Joliette, après plus de 45 jours de voyage et plus de 6500 kilomètres, en consultant mon compte en banque, j’ai dû prendre la sage décision de mettre mon voyage en sommeil. Je n’avais plus d’argent sur mon compte en banque, alors j’ai cherché un travail pour me refaire une santé financière.
Mais il me restait deux magasins à rejoindre, Québec et Halifax. Je devais aussi me rendre à Lamecque au Nouveau Brunswick. Je vous rappelle que je voulais être le Mec de la Mec qui fait la route de la Mec en passant par Lamecque. J’ai de la suite dans mes idées et en mai 2009, je suis retourné sur les routes pour compléter mon voyage et aller au bout de mon projet. Je suis parti de Montréal pour rejoindre les deux derniers magasins de Québec et Halifax et j’en ai profité pour faire le tour de la Gaspésie, la route de l’Acadie. Je me suis rendu à Lamecque au Nouveau Brunswick, aux Iles du Prince Edward, aux Iles de la Madeleine pour finir en Nouvelle Ecosse au magasin MEC d’Halifax.
De là je me suis rendu par avion en Europe et en Bretagne, à Loudéac plus exactement pour être proche de ma famille. Je voulais aller au bout de mon voyage, je suis aussi allé au bout du voyage de ma Maman. Je me suis rendu le 30 juin 2009 au chevet de ma mère. C’était le jour de son 64ième et dernier anniversaire. Elle était en soin palliatif après son troisième combat contre le crabe en quatre ans. C’était sa dernière lutte et j’étais auprès d’elle pour l’accompagner à sa fin de voyage. Elle est décédée le 23 juillet 2009, à l’âge de 64 ans. Trois ans et demi après mon Père qui lui avait 57 ans au moment de son décès.
En avril, je suis retourné pour la troisième fois au Québec. Et après avoir travaillé un petit peu, je me suis mis en tête de faire le tour du Québec en Vélo. J’ai appelé ce voyage «les grandes voies du Québec». Je suis parti le 26 Aout 2010 du pays de la Bottine Souriante, à mon camp de base de Joliette. Je me suis rendu chez Jean-Pierre Ferland à St Norbert, chez Fred Pellerin à St Elie-de-Caxton, chez le voleur de voies de Shawinigan, Jean Chrétien. J’ai remonté la rivière Saint Maurice jusqu’à La Tuque, chez Félix Leclerc dont les souliers avaient beaucoup voyagé. J’ai rejoint le Lac St-Jean, Ville Saguenay, pris le pont à Chicoutimi pour suivre la rivière Marguerite jusqu’aux Escoumins. Ensuite, j’ai longé le littoral de la Côte Nord du fleuve St Laurent pour atteindre le village natal d’une autre grande voie du Québec : Nataschquan et la maison de Gilles Vigneault.
Je voulais me rendre jusqu’au bout de la route à Pointe Parent, la réserve Montagnaise au bord de la rivière Nataschquan. Au bout de la route 138, sur le panneau jaune et noir signalant la fin du chemin, j’ai accroché la clef de la maison de mes parents que je ne voulais pas jeter comme une vulgaire clef. Puis comme le dit la chanson de Charlebois, je suis revenu à Montréal. Et comme pour tous les voyages qui vont au bout de la nuit, je suis allé chez Céline à Charlemagne, pas l’écrivain mais bien la chanteuse populaire.
Maintenant que je connais plus le Canada que la majorité des citoyens de ce pays, je pense que je peux fièrement et légitimement représenter ce pays à la plus belle randonnée cyclotouriste: le 17ieme Paris Brest Paris 2011.
J’ai passé l’hiver avec l’idée fixe de participer à cette épreuve de Paris Brest Paris avec le maillot du Canada sur le dos. Il n’y avait pas que mon idée qui était fixe, mais aussi le pignon de mon vélo de coursier. J’étais coursier vélo dans les rues de Montréal avec un vélo sans vitesse et sans freins en fixe, 46 dents sur le plateau et 16 dents sur le pignon, sans roue libre. Un métier génial, mais très dangereux et surtout pas payant. Une vraie job d’esclave ou j’avais vraiment l’impression d’être un vrai forçat de la route.
A la mi-mai, après trois accidents dans la même semaine dont un qui me vaut actuellement un avis de recherche de la Police de Montréal, j’ai arrêté mon travail pour me focaliser sur l’objectif de mon année et ainsi je me suis consacré à la préparation de mes brevets qualificatifs pour le PBP. J’ai passé mes brevets à Montréal au Club Vélo Randonneurs de Montréal. Je les ai finis le 25 juin par le Brevet de Randonneur Mondial de 600 kilomètres. Le 30 juin 2011, je décollais de Montréal pour rejoindre Nantes en France.
Depuis mon arrivée en France et en attendant le départ du 17° Paris Brest Paris, je me suis baladé en vélo en Bretagne et le long du littoral Atlantique, soit plus de 2800 kilomètres qui m’a permis de faire le tour de ma famille et de mes amis. Depuis le 26 Aout 2011, si j’additionne mon tour du Québec, ma saison hivernale de coursier vélo dans les rues hostiles de Montréal et ma préparation au Paris Brest Paris, je totalise plus de 25000 kilomètres au compteur. Je ne pense pas qu’il y a beaucoup de personnes à avoir roulé autant cette année.
Depuis 2007 et ma décision de boycotter le pétrole, le vélo est mon principal moyen de transport. Je n’utilise plus de voiture, je ne passe plus à la pompe à essence. Je préfère l’essence de jarret. Le jour de ma mort, je lègue mes jambes à la tribu anthropophage de votre choix. Des jambons pareils, il ne faut pas que cela se perde.
Pour cette deuxième édition, je vais profiter de la logistique de mes amis du club de Trévé. Ils m’accueillent chaleureusement dans leur équipe de cyclo et je monte à Paris avec eux pour rejoindre le domicile de nos amis d’Elancourt, chez Christian et Josette. Ce couple d’ami reçoit les cyclistes de l’amicale cyclo de Trévé et ils nous font profiter de leur extrême gentillesse et de leur grande hospitalité. Ils font un peu office de directeurs de courses. Ils habitent à 10 kilomètres du point de départ et ils nous nous installons dans leur jardin et leur sous-sol pour préparer notre aventure.
Malheureusement, en montant à Paris avec mes amis de Trévé, cela ne me permet pas d’être présent le samedi à 14H30 devant le gymnase des droits de l’homme de St Quentin en Yvelines pour la photo de groupe des canadiens et des québécois engagés sur cette épreuve. En 2007, j’avais réussi à être à moitié dessus, pour 2011 je ne serais pas sur la photo.
J’ai pris le départ libre de 21 heures, mes amis de Trévé et de Loudéac aussi. Nous partirons en dernier dans la soirée par petit groupe de 25 randonneurs. Les conditions climatiques de la journée nous ont donné raison. Nous évitons la forte chaleur de l’après-midi et les longs délais d’attentes avant de pouvoir s’élancer sur les routes.
Je pars donc dans l’escadrille du Goéland, à 21H03. Je roule avec eux pour le début de la nuit. On est neuf en tout dans notre groupe. Je leur avais annoncé mon intention de rouler tout seul sur ce Paris Brest, mais je veux profiter de l’ambiance de groupe encore un petit peu. Cela me rappelle l’esprit de convivialité d’il y a quatre ans. Mais c’est difficile à gérer un groupe de neuf randonneurs sur plus de 1200 kilomètres et surtout je n’ai pas le même type de préparation que mes amis.
Je me sens bien dans les premiers cents kilomètres, je suis en pleine forme et certains des membres du groupe me demandent régulièrement de rouler moins vite. A Longny-au-Perche, la route s’élève et en haut de la deuxième bosse, je ne coupe pas mon effort. Sans les prévenir plus que ca, je lâche mes amis pour rouler tout seul à mon rythme. Je suis habitué de rouler tout seul depuis maintenant quatre ans, et je veux profiter pleinement de ma forme physique.
J’arrive au premier point de contrôle de Villaines-la-Juhel, au kilomètre 221, à la fin de la première nuit. Il est 06H35 quand je pointe. Comme à tous les points de contrôle que je vais rejoindre, je me restaure, je fais le vide de ma vessie et le plein de mes bidons, je mange et je me repose un petit peu. Je m’octroie une quarantaine de minutes.
Je repars au petit jour. Je suis en bonne forme physique. Et je file vers la Bretagne et Fougères. Je double énormément de personnes et rare sont celles qui arrivent à soutenir mon rythme. Il y a eu Norbert, un belge de Bruxelles qui est à son quatrième PBP et surtout mon ami Carl Morin, un québécois qui roule sur un vélo à pignon fixe qu’il a construit lui-même. Je suis content de l’avoir rencontré en si bonne forme. Il va un peu vite pour moi pour le moment et je le laisse continuer son chemin à son rythme. J’atteins le point de contrôle de Fougères à 11H37. On est au kilomètre 306.
Maintenant les routes de Bretagne me sont plus familières et Tinténiac est atteint à 14H51. Ma moyenne kilométrique globale depuis le départ de St Quentin est de 20.5 km/h et ma vitesse de croisière est de plus de 23 km/h. Je commence cependant à ressentir une douleur persistante sur ma rotule droite. C’est une douleur gênante mais elle ne m’empêche pas d’avancer à bon rythme. Je continue à doubler beaucoup de randonneurs.
A Tinténiac, j’enfile mon maillot Jaune et Noir du Stade Loudéacien. Je suis originaire de cette ville qui sera le prochain point de contrôle et dans cette commune mon nom de famille est irrémédiablement associé à ce club de foot qui aurait fêté ses 102 ans cette année. Mais tout comme mes parents, il ne fait plus partie de ce monde aujourd’hui et c’est pour leur rendre hommage à tous ces chers disparus que je revêts un ancien maillot du club. Cette idée fixe, je l’ai en tête depuis Noel dernier.
J’arrive à Loudéac à 19H25. J’ai déjà parcouru 449 kilomètres et cela fait plus de 22H23 que je suis parti de St-Quentin-en-Yvelines. Je vais dormir chez un couple d’amis, Eric et Vanessa. Je fais un peu de social avec tous mes amis qui sont venus me soutenir et m’encourager. Jean-Jacques, Olive, Charlot, Nico, Pierre m’accueillent chaleureusement. Ma première grosse journée est terminée. Je vais rapidement me doucher, manger, donner quelques nouvelles via Facebook et surtout je vais dormir deux heures. Ma douleur au genou est toujours vive mais je compte sur une petite nuit de sommeil pour me refaire une santé. Juste avant de me coucher, j’arrive à contacter mon frère Sébastien sur Facebook pour lui dire que je serais en haut du Roc Tredudon entre 09 heures et 10 heures mardi matin. Je viens à peine de me coucher et l’orage gronde fortement. Il pleut abondamment sur tous les concurrents, sur les routes de Bretagne. Moi je suis au chaud dans mon lit.
Le réveil de ma montre sonne. Tabarnack, il est 03H15 !!! J’ai mal réglé ma montre et ma montre est restée bloquée sur mon ancien heure de réveil que j’avais paramétré en juin dernier pour mon brevet des 400 kilomètres. Vous vous souvenez, celui que j’ai failli manquer pour cause de panne d’oreiller.Morphée m’a une fois de plus pris en otage !!! Moi qui voulais dormir 2H30, je me suis tapé une nuit de sommeil de plus de 06H15. Je consulte mon GPS qui m’indique que ma moyenne globale à chuter à 15 km/h. Ce n’est pas dramatique mais maintenant il va falloir pédaler pour rattraper mon temps perdu dans les bras de Morphée.
La bonne nouvelle de ma sieste prolongée, c’est qu’il vient juste d’arrêter de pleuvoir, et que je suis bien reposé. Je vais pouvoir repartir en pleine forme pour aborder une des parties les plus difficiles de ce parcours. Je me prépare et me restaure à toute vitesse. Je me remets sur le vélo, il est 03H35. Je connais bien les routes que j’emprunte maintenant et je suis bien content de les parcourir de nuit. On voit moins les bosses quand on roule de nuit. Je roule facilement, mon genou ne me fait plus mal et j’enchaine les kilomètres à vitesse grand V. C’est simple, personne ne me double.
Je prends mon petit déjeuner à St Nicolas du Pelem où je m’arrête à peine une demi-heure. Au petit matin, j’arrive à Carhaix. Il est 07H15. Je fais juste un tour au point de contrôle et je me dirige vers la boulangerie que tient le frère d’un de nos amis de Trévé. Pas de chance, elle est fermée. Je continue donc mon chemin via Poullaouen où je ne trouve pas de boulangerie. Ce sera aux Huelgoat que je trouverais des pains au chocolat et une part de far breton. Mais malheureusement pas de café pour l’accompagner.
Non seulement je me suis trompé d’heure de réveil mais je me suis aussi trompé dans mes calculs horaires pour donner rendez-vous à mon frère en haut du Roc Tredudon. Si j’étais parti à l’heure convenue de Loudéac, je serais passé beaucoup trop tôt à notre point de rendez-vous, au sommet de la Bretagne. Mon erreur de réveil m’a permis d’éviter la pluie et je suis arrivé pile à l’heure pour que mon frère vienne m’encourager au bord de la route. Je suis donc assez content de mon erreur de réveil. Je ne ferais pas une grande performance au niveau de mon temps mais ce n’est pas l’objectif de cette année. Je souhaite juste faire mieux que la dernière fois et si possible passer sous les 80 heures.
Seb comme moi est un passionné de longue distance. Mais lui, il préfère la course à pied de type Trail. Il connait la région et mes besoins pour le reste du parcours. Il m’apporte des pates de fruits, des bananes, de l’eau et un peu d’Overstims. Je reste 10 minutes en haut avec lui et je lui donne rendez vous vers 13H00 dans le bourg de Sizun, à coté de chez lui pour manger un bout en sa compagnie.
En fin de compte, mon erreur de réveil et la prise d’otage de Morphée ne me sont pas trop préjudiciable pour le moment. J’ai une pêche d’enfer et je roule à tombeau ouvert vers le port de Brest. Sur le pont de la rade de Brest, à la sortie de Plougastel Daoulas, je tombe sur le train Loudéacien. Un peloton d’une quinzaine de coureurs de Loudéac. Je les connais bien et je suis super content de les voir en pleine forme à la moitié de notre parcours. Ils sont partis deux heures avant moi de Loudéac et je les ai déjà rattrapés.
Ma moyenne kilométrique est en augmentation constante. J’ai une pêche d’enfer, j’ai bien récupéré de ma première partie de parcours. Je passe les côtes facilement et je suis en recherche de vitesse maximale dans les descentes. Le cul décollé de la selle, le menton sur la potence, les mains qui enserrent à peine le guidon et les jambes souples sur les pédales. Dans la descente avant Landerneau, j’atteins ma vitesse de pointe à plus de 68.5 km/h.
Je n’ai pas mangé à Brest, il y a trop de monde. Je préfère me rendre à Sizun ou je vais retrouver mon frère Sébastien. J’y retrouve sa conjointe Katell et mes deux nièces, Léa et Anaë. Juste avant d’arriver à Sizun, je rattrape mes amis de l’escadrille du Goéland de Trévé qui eux aussi sont parties largement avant moi de Loudéac, plus tôt ce matin. Je suis content de ma façon de rouler. Je suis puissant et je me rends compte que les 400 kilomètres hebdomadaires que j’ai fait cet hiver en fixe dans les rues de Montréal, me donnent une puissance de pédalage au dessus de la moyenne.
Je suis trop content de retrouver ma famille au bord de la route. Ils sont venus m’encourager. Cela me fait chaud au coeur et je les remercie de tous les encouragements qu’ils m’ont donnés. Je vais manger avec eux dans le bourg de Sizun. De Sizun à Carhaix, la route descend, et personne ne me double. Et j’arrive dans la ville des Vieilles Charrues à 16H49.
Ma stratégie est de rouler au maximum en plein jour et surtout de profiter de mon camp de base de Loudéac. Ma connaissance du parcours m’aide beaucoup à gérer mon effort. Je sais où je peux lâcher mon énergie et je connais les endroits un peu plus difficiles du parcours Je rencontre des gens sympathiques sur la route qui me ramènent à Loudéac. Je discute avec un journaliste du quotidien L’équipe qui m’annonce que pour la première fois, le journal du sport en France va s’intéresser à cette épreuve cyclo sportive. Juste avant St-Nicolas-du-Pelem, je rencontre des membres du club de Lamballe, le club le plus représenté avec plus de 30 participants. En discutant avec l’un d’entre eux, celui-ci m’annonce qu’il a été un de nos voisins il y a plus de 30 ans et qu’il a bien connu mes parents. Denis Rault était prof de mathématiques dans mon collège à Loudéac.
Je roule à bonne allure pour revenir à Loudéac malgré les bonnes côtes que nous réserve cette partie de la Bretagne. Mais je sais que je vais pouvoir me reposer prochainement. J’arrive au point de contrôle à 20H25. Mon deuxième frère, Xavier est présent avec sa femme et son fils pour m’accueillir. Je retrouve aussi quelques amis venus m’encourager. Cela fait chaud au coeur de se sentir soutenu par ses proches. Bien sûr, j’ai remis le maillot jaune et noir du Stade Loudéacien pour rejoindre ce point de contrôle.
Je ne perds pas trop de temps à la buvette et je remonte rejoindre le plus rapidement possible mon camp de base chez mes amis Eric et Vanessa. Je leur raconte mes péripéties de la veille et ils me promettent de m’aider à me réveiller à temps cette fois ci.Après une bonne douche et un bon repas je vais me coucher vers 21H30. Cette fois ci je me réveille tout seul à 23H30 et je suis à nouveau sur le vélo à minuit. La météo est correcte et je repars tout seul pour la troisième et dernière grosse partie de ce parcours.
Je me suis bien reposé et je roule à bonne allure. C’est toujours un peu difficile de redémarrer la machine mais rapidement je trouve mon rythme de croisière. J’enchaine les kilomètres et je rejoins rapidement Illifaut, le contrôle secret qui n’a rien de vraiment secret puisque les organisateurs le mettent systématiquement au même endroit. Rejoindre Tinténiac et Fougères se fait sans difficulté, même si j’avais l’impression que la ville de Fougères avait été déplacée dans la nuit. C’est au petit matin que je j’atteins ce point de contrôle. Je m’arrête manger et je reste comme d’habitude une quarantaine de minutes, le temps de bien me restaurer et de satisfaire mes besoins naturels. Je mange aisément et avec appétit. J’ai l’habitude de dire à tout le monde que si je fais autant de vélo dans ma vie,c’est parce que je suis gourmand et par conséquence je peux manger tout ce que je veux sans craindre la surcharge pondérale. Mon énergie est la nourriture et j’en brûle un maximum en roulant à vélo.
10 kilomètres après Fougères, je ressens de la fatigue. Comme on dit au Québec, je commence à cogner des clous avec ma tête. Dans le bourg du Loroux, je trouve un abri de bus en tôle avec un banc en bois. Je vais m’allonger et je règle ma montre pour me reposer 25 minutes. Je suis au bord de la route mais je suis quand même à l’abri et je ne dors pas directement sur le sol pour ne pas prendre froid. Cette petite sieste me fait le plus grand bien et je repars quasiment à neuf.
Le prochain point de contrôle est Villaines-La-Juhel. Je m’arrête assez régulièrement pour boire des cafés et je n’hésite pas à consommer des gels Overstims pour me donner des coups de fouet. C’est la première fois que j’essaie ces gels et je peux vous dire que c’est efficace. Cinq à dix minutes après avoir ingurgité un tube, j’ai une pêche d’enfer et je peux tenir un rythme élevé pendant une quarantaine de minutes.
A Villaines-La-Juhel, comme dans tous les autres points de contrôle, l’ambiance est excellente. Le travail des bénévoles est extraordinaire, leur disponibilité et leur gentillesse font de cette épreuve un évènement unique. Il en est de même pour tous les supporteurs anonymes qui nous encouragent au bord des routes. Il y en a même qui organisent spontanément des stands où ils offrent gratuitement des cafés, de l’eau, des gâteaux, des crêpes, etc… Je pense qu’il n’y a qu’au Paris Brest Paris que je peux vivre ce genre d’ambiance. En cela, cette épreuve est unique au monde.
De Vilaines à Mortagne-au-Perche, la topographie du terrain nous rappelle que nous traversons les Alpes mancelles. C’est vallonné et avec plus de 1000 kilomètres au compteur en trois jours de route, cela se ressent d’autant plus. Pour ma part, je me sens super bien. Il faut dire que les 25000 kilomètres que j’ai parcourus en un an se ressentent dans mon aisance de pédalage. Mon hiver avec mon vélo de coursier à pignon fixe m’a bien préparé. Il est très rare que j’arrête de pédaler pour profiter de l’inertie de ma roue libre. Je tourne les jambes continuellement avec facilité.
J’atteins Mortagne-au-Perche à 16H55. J’en profite pour me restaurer une nouvelle fois. Dans ce type d’épreuve, il est important de bien s’alimenter. Chacun de nous va dépenser entre 35000 et 45000 kcal. Il ne faut pas manquer de ressources énergétiques. Je profite de mon arrêt pour faire une petite sieste d’un quart heure, allongé dans l’herbe.
Il me reste deux étapes et seulement un point de contrôle, à Dreux avant de rejoindre l’arrivée à St Quentin en Yvelines. Et il reste seulement une vingtaine de kilomètres de petites côtes jusqu’à Longny. Après, on va retrouver la plaine de la Beauce. Le paysage sera plat et un peu plus monotone. J’en profite pour intégrer un petit peloton d’une dizaine de randonneurs. Il y des Américains, des Anglais, un Australien, quelques Français et bien sûr je suis le Canadien du groupe. Je m’installe en tête de groupe avec un Monsieur des Yvelines dont la fille vit maintenant à Montréal. Au mois de Juin dernier, alors qu’il allait visiter sa fille, il voulait participer avec nous au Brevet de 400 kilomètres. Cela ne s’est malheureusement pas produit. Je commence à discuter avec lui. Je n’utilise peut-être pas de moteur thermique mais je suis un peu verbomoteur, et c’est tout en discutant à plus de 35 km/h de moyenne que l’on rejoint Dreux, un peu avant 21 heures. Discuter en pédalant, cela passe le temps, surtout en fin de parcours.
A mon départ de Dreux, la nuit est tombée. Je repars tout seul et là encore, je double du monde sur la route. La route est plate. Je file à bonne allure. Je suis au pied de la côte de Gambeyseuil à 23H02. Je me donne comme défi d’arriver avant minuit au pointage final. Malheureusement, à la fin de l’ascension, il me reste encore 25 kilomètres et il est déjà 23H36. Je n’y arriverai pas alors je lève le pied. En plus, un fléchage peu visible me fais prendre une mauvaise direction pendant cinq cents mètres. Une chance que je rencontre un cycliste en sens inverse qui lui aussi s’était trompé de chemin. En discutant avec lui, j’apprends qu’il vient aussi d’un club de vélo de Loudéac.
A dix kilomètres de l’arrivée, dans le village d’Elancourt, je retrouve nos directeurs sportifs, Christian, Josette, Gérard et William. Je m’arrête cinq minutes avec eux pour boire une ou deux gorgées de bière. Encore une petite côte, et l’on quitte les routes de campagne pour atteindre l’agglomération de St Quentin en Yvelines. Comme tout le monde j’ai hâte de rentrer, mais je respecte la signalisation routière et surtout les feux de signalisation qui sont nombreux avant de rejoindre le rond-point d’arrivée du gymnase des droits de l’homme.
A cinq bornes de la fin, je ressens une perte de pression dans mon pneu arrière. J’ai pris un trou dans la chaussée qui a dû pincer ma chambre à air. Alors que je n’ai rencontré aucun pépin mécanique de toute ma randonnée, je finis un pneu crevé. Je ne veux pas changer ma roue pour arriver dans le créneau des 75 heures. Je fais confiance à mon pneu Schwalbe Marathon. Je fais confiance à la technologie allemande.
Je coupe le fil d’arrivée à 00H57. J’ai bouclé mon deuxième Paris-Brest-Paris en 75H53. Je suis super content de mon temps que j’ai amélioré de plus de neuf heures par rapport à l’édition précédente de 2007. Il est vrai que les conditions climatiques étaient nettement meilleures cette année et en plus, j’ai roulé à mon rythme quasiment tout le long du parcours.
J’ai fini un peu fatigué mais pas outre mesure et deux jours de récupération plus tard, j’étais déjà prêt à refaire une autre épreuve de ce type. Mais il faut maintenant attendre quatre ans avant de s’élancer à nouveau dans l’aventure du Paris Brest Paris.
Et qu’est-ce que je fais maintenant ? Je retourne au Québec le 20 Octobre prochain par un vol Air Transat au départ de Nantes et à destination de Montréal. Je retourne à mon camp de base de Joliette d’où je chercherais un nouveau boulot. Il me faudra convaincre une compagnie de m’embaucher et ce n’est pas le plus facile, surtout pour un immigrant nomade comme moi, mais je suis comme tout le monde, je dois gagner ma vie en travaillant alors si vous connaissez quelqu’un qui a un projet professionnel pour moi, faites le moi savoir.
Je suis ouvert à toutes propositions…
Jean-François Le Strat