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Pour la toute première fois cette année, le Club Vélo Randonneurs du Québec a proposé à ses membres au moins un brevet par mois. L’occasion d’offrir la possibilité de compléter, comme cela se fait en Angleterre et en Belgique depuis un certain moment, le défi « Randonneur around the year », ou Randonneur toute l’année. Disons simplement que le défi, ici au Québec, se produit dans un contexte météo complètement différent.
Adepte du vélo d’hiver depuis de nombreuses années pour mes déplacements quotidiens, c’est en fait le 200 sous zéro qui m’a attiré vers le club en premier lieu. En 2016, je découvrais l’histoire du Paris-Brest-Paris, un objectif encore lointain à cette époque, et la possibilité de s’y qualifier sur les sorties homologuées du club. C’est donc en janvier 2017 que je m’inscris à mon premier brevet de 200km, une distance que je n’avais encore jamais complétée. Avec de l’équipement emprunté, un restant du souper de la veille assez faible en glucides et un avocat mûr, j’avais découvert à la dure que c’est principalement le sucre qui nous fait avancer.
Nous étions sept au départ ce matin-là. Je n’étais même pas sûr d’y trouver quelqu’un, tellement les informations disponibles sur le site web du club semblaient sortir d’une autre époque. Jean qui a été président durant 20 ans (2001–2021) y était pour distribuer les cartes de brevet. Deux gars de Québec, Olivier et Éric, avaient pris la route dans la nuit pour arriver à l’heure. Olivier, avec qui je me suis lié d’amitié par la suite, allait également m’initier à l’effet salvateur du Coca-Cola un peu plus tard cette journée-là. Un certain Claude était là aussi et il allait assommer tout le monde avec son rythme infernal. Finalement, il y avait Yvon, une autre légende du club, avec qui j’allais compléter plusieurs autres brevets hivernaux dans diverses conditions météorologiques. D’ailleurs, c’est de la pluie verglaçante qui nous est tombée dessus pendant 12h cette journée-là. Malgré tout, j’ai eu la piqûre et huit ans plus tard, je peux dire que j’ai participé à tous les brevets hivernaux du club, mis à part en 2021 alors que le 200 sous zéro avait été annulé en raison de la pandémie.

Année après année, aucun de ces brevets ne s’est déroulé dans des conditions similaires. Quand ce n’était pas la pluie verglaçante, c’était la neige. Une année, il a fait relativement chaud avec une température oscillant au-dessus de zéro et du soleil. Une autre année, il a fait moins 30 degrés Celsius avec le facteur éolien. Deux fois seulement, j’ai terminé hors délais en un peu plus de 13 heures 30 minutes, la neige ou le froid ayant ralenti ma progression.
Avant le départ, toujours les mêmes questions parmi les personnes participantes. Neigera-t-il? Fera-t-il froid? Les pneus cloutés seront-ils requis? Le brevet sera-t-il annulé en raison d’accumulation de neiges ou de conditions météo dangereuses? Impossible de le savoir une semaine à l’avance. C’est toujours le vendredi que les décisions se prennent. Avec le temps, l’expérience entre en ligne de compte et on s’inquiète moins du temps qu’il fera. On laisse les réponses venir en nous.
Janvier
Ma huitième année avec le club s’ouvre donc en 2025. Ce sera également ma quatrième et dernière année à titre de président du club, ayant pris la décision de me retirer et de laisser ma place à d’autres pour administrer les affaires du club.
En lever de rideau, un nouveau parcours de 200km : un tour des îles de Montréal et Laval, au départ de Saint-Lambert. Cela change du traditionnel 200km Covey Hill, l’idée étant de réduire les barrières à l’inscription pour ce brevet hivernal en offrant la possibilité s’il y a des enjeux quelconques de pouvoir retraiter à la maison facilement.
Nous sommes 4 personnes au départ. Kathia, vice-présidente et cycliste toute saison aguerrie, est présente et déterminée elle-aussi à compléter la série d’un brevet par mois cette année. Ensemble, nous n’avions pas réussi à terminer dans les délais en 2024, lors de ce brevet où il a fait moins 30 degrés Celsius. Il faisait tout simplement trop froid et nous avions dû rester beaucoup plus longtemps que prévu aux contrôles, afin de reprendre des forces et de nous réchauffer. Étienne, que je ne connais pas encore est présent et équipé comme il le peut avec son vélo d’hiver de ville. Jean-Philippe est là aussi, mais il rencontre un problème avec son frein hydraulique et il fait un aller-retour chez lui pour le régler, avant de raccourcir la route et nous rejoindre au quart du parcours.
La température est plutôt clémente, quoique très humide, et il n’y a pratiquement pas de neige au sol. Épuisé par la résistance produite par ses pneus à clous, Étienne retraite chez lui après le deuxième contrôle.
Au troisième contrôle, à Sainte-Anne-de-Bellevue, on s’arrête pour s’offrir une belle assiette de frites à partager… le bonheur total.
À 20 kilomètres de l’arrivée, le grésil se mêle de la partie. La traversée du pont Champlain pour terminer à Saint-Lambert devient absolument horrible avec le vent et cette neige glacée frappant notre visage. Nous terminons malgré tout et j’arrive complètement détrempé et gelé à la maison. Vite, une bonne douche chaude!
Février
En février, nous nous attaquons à un autre nouveau parcours, celui du 200 en Montérégie. Une sorte de double boucle offrant, encore une fois, une porte de sortie à mi-chemin en cas de pépins. En revanche, la météo est tout autre. Il est tombé 72cm de neige la semaine précédente. Il fait également très froid avec une température au départ de ‑13°C. Heureusement, le soleil est là pour nous faire gagner quelques degrés de plus. Nous sommes cinq au départ, tous habitués aux brevets hivernaux, avec Kathia et Jean-Philippe qui poursuivent sur leur lancée de janvier, puis Stéphane et Michel qui s’ajoutent. À noter que ce dernier a déjà complété un brevet d’hiver sur un vélo à pneus surdimensionnés, terminant seulement quelques minutes après les premiers. Cette fois-ci, il roule sur son vélo de gravelle.
La malchance s’abat sur Kathia quelques kilomètres après le départ, alors qu’elle est victime d’une crevaison. On s’arrête avec elle et on l’aide à accélérer la réparation. Dans ces conditions, on opère rapidement et on s’assure de ne pas laisser personne seul dans la galère. Les doigts gelés, elle replace son pneu et on repart assez rapidement, dans une relative bonne humeur.
Au premier contrôle, on reçoit la visite surprise d’Yvon qui déçu de ne pouvoir rouler cette journée-là, prend le temps de venir jaser avec nous autour d’un café. On apprend qu’il vient de subir une opération à un genou et qu’il doit prendre son mal en patience avant de remonter sur le vélo, chose qu’il n’envisage pas pour tout de suite. On le verra finalement sur le brevet du mois suivant et il remportera le prix du revenant de l’année au gala du club en novembre en raison de sa résilience et de sa remise en forme impressionnante!
De retour sur nos vélos, nous sommes protégés du vent par les murs de neige accumulée en bordure de route. Nous croisons les engins de neige affairés à déblayer le chemin. Le groupe se scinde en deux durant la journée et la grisaille s’installe en fin d’après-midi. Le rythme soutenu commence à nous fatiguer et nous commençons à perdre le moral lorsque nous avons l’impression de tourner en rond et de nous éloigner du point d’arrivée. La circulation devient aussi plus dense par endroit et plombe le moral. Nous finissons par revenir au point de départ un peu avant 18 heures, épuisés. Je rentre à la maison à vélo et je m’arrête en chemin chez Tousignant pour engloutir un hamburger et une poutine pendant que la neige tombe de façon un peu plus intensive, en me disant qu’il y a d’autres sports bien plus agréables à pratiquer en hiver!
Mars
Le 200km de Covey Hill se déroule le 22 mars, le lendemain de la première journée du printemps. Signe des changements climatiques, la quantité de neige record accumulée en février a pratiquement toute disparu. Nous sommes même en mesure d’emprunter une piste cyclable dans le coin d’Hemmingford qui n’a pas vu de déneigeuses de l’hiver. Le mercure au départ n’est pas si commode à ‑2°C, mais ça se réchauffera en après-midi pour atteindre près de 15°C.
Nous sommes 6 au départ, dont trois pour qui c’est le premier brevet de 2025 : Chris, Simon et Loïc. Chris en est à sa première sortie avec le club, mais détient de nombreuses années d’expérience avec Randonneurs Ontario. Il nous partage d’ailleurs ses réflexions et félicitations sur l’essor et le rayonnement du CVRQ au cours des dernières années.
Nous roulons en groupe pratiquement toute la journée et nous sommes rejoints sur quelques kilomètres par Yvon qui amorce son processus de remise en forme. Question de s’économiser, il s’arrêtera juste avant Covey Hill pour rentrer chez lui.
Arrêt obligatoire à la Microbrasserie Livingstone qui, en plus de la bonne bière, nous sert grilled cheese et nachos.
Cette belle journée se soldera par deux ennuis mécaniques. Une première crevaison pour Loïc que j’accompagne pour revenir rapidement dans le groupe au premier contrôle. Puis, une autre crevaison pour Simon, à seulement 5 kilomètres de la fin. Nous blaguons au sujet de la rivalité tubeless vs tubes, avant de retraiter dans nos chaumières respectives.
Avril
La belle température du mois de mars fait place à la pluie en avril, pour ce 4e brevet de la saison : 200km vers Sorel et retour.
Cette fois-ci, on compte beaucoup plus d’inscrits avec une forte participation de 11 personnes. Le vrai début de saison commence à se faire sentir!
Nous quittons Saint-Lambert en direction de Sorel via Montréal et la rue Notre-Dame. Simon doit malheureusement abandonner tôt en raison d’un ennui mécanique. Ça roule en groupe, ça papote, jusqu’au premier contrôle où nous sommes rejoints par Marian qui est parti avec du retard. Le vent est de la partie, mais il ne pleut pas encore. Nous prenons le temps de nous arrêter à la Pâtisserie Délices d’antan pour de succulents beignets aux pommes trempés dans diverses sauces sucrées, une recommandation signée Francis.
C’est après le traversier de Sorel que la météo se gâte et que la pluie s’intensifie. Cela durera jusqu’à la toute fin du brevet. Heureusement, il ne fait pas si froid.
Le troisième arrêt de la journée se fait à la Boulangerie Maison de pierre à Calixa-Lavallée pour une tartelette aux pommes. J’apprendrai plus tard que l’endroit fermera ses portes à la fin de l’année. Il faudra alors trouver un autre arrêt pour déguster un Paris-Brest, sinon attendre à 2027 pour en manger un en France lors du prochain Paris-Brest-Paris!
Mai
Pas de brevet en mai, mais plutôt la flèche nationale, un défi en équipe qui consiste à rouler le plus de kilomètres en 24 heures. Pour obtenir l’homologation, il faut s’assurer de rallier 360km sans s’arrêter plus de deux heures et en faisant gaffe de rouler au moins 25km dans les deux dernières heures de l’épreuve. Ce défi existe dans les clubs randonneurs depuis plus de 70 ans.


Pour une seconde année de suite, je forme avec Kathia et Francis l’équipe surnommée les Randowokes : éveillé.e.s toute la nuit! Romain, présent en 2024, cède sa place à deux nouveaux Randowokes, soit Jean-Philippe et Simon. C’est ce dernier qui a imaginé le parcours, sous le thème des ponts couverts, dont le récit est disponible ici. À cinq personnes, l’équipe est complète et nous devons nous assurer d’être au moins trois à l’arrivée qui est prévue au Siboire Saint-Laurent : une chouette microbrasserie où nous irons rejoindre les deux autres équipes participantes qui auront exploré d’autres chemins. Bien entendu, nous nous assurerons de n’avoir perdu personne en chemin!
Différence notable pour cette aventure, notre parcours des ponts couverts de la Rive-Sud de Montréal est frappé de plein fouet, dès le départ, par un système dépressionnaire qui nous fait passer 19 heures sous la pluie battante, du départ jusqu’à 15h dans l’après-midi du samedi. Les autres équipes ont plus de chance en partant dans la direction opposée à la nôtre, vers les Laurentides.
Néanmoins, notre équipe maintient le cap et la bonne humeur, en prenant le temps de s’arrêter pour un petit déjeuner costaud à Noyan et en prenant le temps d’inspecter et d’en apprendre davantage sur les différentes structures des ponts couverts. Nous parvenons enfin à rejoindre les autres équipes au Siboire à l’arrivée et nous célébrons tous ensemble l’accomplissement de ce défi.
Juin
En juin, ce sont les feux de forêt dans l’Ouest canadien qui se mêlent de la partie, alors que les impacts se font sentir jusqu’au Québec. C’est sous un ciel orangé que je participe avec une vingtaine d’autres participants au 300 Sacacomie.
Pour ce brevet, j’ai l’occasion de rencontrer quelques nouveaux membres et de discuter avec eux. À mi-chemin, au lac Sacacomie, je prends le temps avec Marian et Frédéric de me saucer dans l’eau pour me rafraîchir. Cela me permet de retrouver un certain aplomb pour terminer la route en compagnie de Richard : le doyen du club qui, à 76 ans, ne fait pas vraiment son âge. Le vent de dos au retour nous pousse jusqu’à atteindre des pointes de vitesse dépassant largement les 40km/h. En revanche, la mauvaise qualité de l’air se fait sentir et je termine ce brevet avec un bon mal de tête.
Juillet
Je profite d’une petite pause entre la Saint-Jean-Baptiste et la fête du Canada pour aller faire du cyclotourisme en amoureux au Cap-Breton. Je redécouvre alors comment il est agréable de rouler moins et de prendre le temps pour s’arrêter et découvrir les lieux. De retour à Montréal, je vois venir le 600km super randonneur et ses 8000 mètres de dénivelé. C’est l’une des deux dernières épreuves qui me restent pour obtenir la reconnaissance Randonneur 10000. En anticipation de cette grosse sortie, je décide d’activer mes jambes la semaine précédente en allant affronter le chemin du Nordet, à partir de Montréal. Martin m’accompagne pour l’occasion et nous passons une agréable journée à rouler dans les Laurentides.
La fin de semaine suivante, je me déplace à Québec avec ma blonde Geneviève et Zaher, l’un des deux autres inscrits à l’épreuve, qui doit partager la banquette arrière avec notre chien Zorro. Le fait de covoiturer s’avère très agréable et nous permet de faire connaissance. Malheureusement, je souffre d’insomnie la veille du départ et c’est avec un lourd déficit de sommeil que je rejoins Zaher et Yvon le lendemain matin. Peu importe, ce n’est pas la première fois que cela m’arrive et ce ne sera sans doute pas la dernière. Je sais à ce moment-là que je pourrai probablement survivre jusqu’à la fin, mais que ce ne sera pas facile. L’essentiel sera de trouver le bon rythme pour m’économiser. J’ai appris qu’avec le déficit de sommeil, il ne faut surtout pas trop pousser sur les pédales, car les réserves d’énergie s’épuisent assez rapidement.
En plus, nous devons composer avec la canicule qui s’abat sur nous en cette mi-juillet. Malgré tout, je me sens plutôt à l’aise au départ, alors qu’on longe le fleuve en direction nord. Ça devient plus difficile en mi-journée, quand le mercure atteint son point maximal. Nous perdons Yvon derrière nous, alors que les côtes se succèdent. Impossible de faire autrement, chaque inclinaison est à plus de 10%, parfois même dans la gravelle. Ce brevet représente l’ultime défi de résilience.
Nous nous arrêtons à La Malbaie, afin de se recharger en sel avec une poutine, puis un peu après la ville pour une crème molle à la vanille. Nous rigolons avec les motocyclistes qui se font prendre en photo par des touristes italiens. À Saint-Siméon, nous sommes surpris par Francis et sa conjointe Julie qui nous encouragent au son d’une cloche à vache en bord de route, eux qui sont en vacances dans la région. Nous retrouvons le sourire et l’énergie pour poursuivre en direction de Chicoutimi. Nous passons par Sagard, où nous longeons le domaine de la famille Desmarais et sa réplique du Château de Versailles en plein cœur de la forêt boréale.
À l’approche de La Baie, j’effectue involontairement un « pocket call » à Yvon, qui me rappelle tout de suite. Je réponds et nous apprenons qu’il est environ à 1 heure de route derrière nous. Alors que le soleil se couche, nous nous entendons pour l’attendre à Chicoutimi, afin de traverser la nuit ensemble. Avec Zaher, nous profitons de cette attente pour nous rincer à la douche extérieure de la marina de La Baie. On ne s’arrête pas plus longtemps, car il y a énormément de vent et la musique d’un spectacle de Marco Cagliari nous empêche de faire la sieste. Nous poursuivons donc notre route en direction de Chicoutimi, avec l’idée de nous arrêter quelque part pour se reposer. Cette recherche s’avère infructueuse jusqu’à ce que l’on arrive au centre-ville de Chicoutimi. Nous choisissons de nous arrêter dans un parc face au fjord, ce qui s’avère être une bien mauvaise décision. C’est la fête dans la ville et la musique résonne partout. Deux hommes entretiennent une conversation juste à côté de nous et un autre fait tout un tapage en cherchant à recueillir des canettes dans les poubelles. J’arrive à m’endormir à moitié peut-être 5 ou 10 minutes, puis on repart rejoindre Yvon à la sortie de la ville.
Notre trio traverse la nuit dans l’humour et la bonne humeur. Difficile d’identifier clairement où nous sommes, alors que tout semble être du pareil au même. Les routes ressemblent drôlement à celles de la Montérégie, alors que nous sommes bel et bien au Saguenay.
Nous revenons à La Baie un peu avant l’aube, au même dépanneur qui nous avait accueillis la veille. C’est bientôt le moment d’amorcer la traversée du Parc national des Grands Jardins, un endroit dont Yvon m’a tant raconté les difficultés, lui qui l’a affronté à plusieurs reprises sur le Défi des 21 auquel il a participé pour une dixième fois quelques jours auparavant! Quelle incroyable saison de sa part d’avoir surmonté autant d’épreuves, dont son opération, et quel plaisir pour moi de partager cette première avec lui! Malheureusement, les montées ont raison de notre esprit de groupe et chacun y va à son rythme. Zaher est clairement le plus à l’aise des trois et je tente tant bien que mal de m’accrocher.
Au petit matin, nous prenons un moment pour faire une microsieste à Boileau. Nous voyons Yvon pour une dernière fois à cet endroit. Il atteindra l’arrivée environ 1 heure après nous, quelle résilience!
Je découvre successivement la montée du Trou-de-la-Vieille, la montée du Lac à la Cruche, la montée du Coq et la Galette, avant de finalement redescendre vers Baie-Saint-Paul. Nous profitons de notre arrêt au IGA de la ville pour engloutir un bol poké rempli de légumes et de riz, ainsi qu’un melon d’eau bien frais et juteux qui nous redonne le sourire et l’envie de poursuivre.
C’est sans se douter qu’à la sortie de la ville nous attend une autre côte à fort pourcentage, celle que l’on appelle la côte du Pérou. Le dénivelé y est tellement important qu’un homme nous suivant à moto tombe sur le côté en plein milieu de la côte. Étant motocycliste lui-même, Zaher prend le temps de retourner plus bas pour l’aider à remettre la moto sur ses roues. Ça fera deux côtes du Pérou pour Zaher.
Vers Saint-Féréol-des-Neiges, nous sommes confrontés à une dernière difficulté, sous la forme d’une pluie diluvienne qui vient nous rappeler que mère nature ne nous a pas oubliés. On se réfugie sous le porche d’une maison où une pancarte annonce un « Bienvenue cyclistes, eau potable disponible », alors on en profite pour remplir nos gourdes depuis le boyau d’arrosage qui nous est rendu disponible. La pluie ne cessera pas jusqu’à l’arrivée à Beauport, où Geneviève est venue nous récupérer avec notre chien, bien heureux de me retrouver.
Août
Rendez-vous à 5 heures du matin, à Repentigny pour le départ du 400km Mauricie, le 2 août. J’arrive au départ chargé à bloc, après une très bonne nuit de sommeil. Pour contrecarrer l’insomnie qui m’a tant fait souffrir sur le SR600, j’expérimente la valériane, un somnifère à base de plantes 100% naturel, pour m’aider à dormir. J’ai tellement bien dormi, que j’ai eu de la difficulté à me réveiller.
Nous sommes un peu plus d’une douzaine de personnes au départ et pour la première fois depuis des lunes, le peloton reste soudé sur les 200 premiers kilomètres, jusqu’à ce que l’on atteigne le parc de la Mauricie et ses côtes qui brisent le rythme de plusieurs. L’esprit de solidarité reprend à la sortie du Parc, alors que l’on se retrouve pratiquement tous au McDo de Grand-Mère. Ça se maintient jusqu’à un peu après Yamachiche, où le groupe se scinde à nouveau en raison d’un orage. Chacun en petits groupes, nous nous réfugions où on le peut pour éviter le pire de l’averse et ne pas risquer de se faire frapper par un éclair! Notre groupe croit d’ailleurs y avoir passé, lorsque tout autour de nous devient tout blanc et que le tonnerre frappe un instant de seconde plus tard.
Au son d’un mini haut-parleur, nous parvenons finalement à rejoindre la Pizzéria Repentigny, où nous partageons une pizza, servie comme c’est l’habitude avec du beurre pour la croûte.
Septembre
Je pars avec Geneviève pour trois semaines de cyclotourisme au Japon en septembre. À notre retour en soirée le 19 septembre, après un vol de 12 heures, je me dis que le vélo est déjà prêt et que mon cycle de sommeil est déjà tout déréglé. Pourquoi pas alors se lever à 5h du matin pour prendre le départ, depuis Vaudreuil-Dorion, du 400km des Laurentides! Une bien drôle d’idée, mais une belle façon de poursuivre sur ma lancée et d’homologuer un brevet en septembre.
Je n’ai évidemment pas de problème à m’endormir et je me réveille un peu avant le cadran. Au départ, il fait froid et plusieurs participants réévaluent leurs choix vestimentaires. De mon côté, je n’ai même pas mis mes jambes d’appoint ni mes couvre-chaussures. Nous passons deux longues heures à avancer dans la noirceur. Au traversier de Pointe-Fortune, mes doigts gelés peinent à retirer les 20 dollars qu’il nous faut pour payer la traversée.
Le soleil se lève finalement et nous réchauffe. Je roule en compagnie de Frédéric, Loïc et Marc. Je n’ai pas l’énergie de m’accrocher dans les côtes à partir d’un certain moment et je ne peux m’empêcher de m’arrêter toutes les 15 minutes pour passer aux toilettes. Je combats définitivement le décalage horaire, mais je me dis qu’il n’y a rien de mieux que d’être à l’extérieur pour y arriver!
On se retrouve tous à la P’tite patate à Léo, à Labelle, et j’en profite pour retrouver le réconfort d’un plat bien de chez nous : une grosse poutine bien chargée en sel et en glucides avec une boisson gazeuse. Je suis servi avant tout le monde et j’en profite pour repartir plus rapidement, me disant que je me ferai probablement rattraper éventuellement. Une quarantaine de kilomètres plus tard, j’atteins la Réserve faunique Papineau-Labelle avec Frédéric et Loïc. C’est une section de 20km de gravelle qui nous attend et elle rendra la vie difficile à plusieurs. Chaussé de mes pneus de 40mm qui mesurent en réalité 43mm sur les jantes, à la bonne pression de surcroit, je n’ai aucune difficulté à traverser cette section, me détachant de mes coéquipiers. À la sortie de cette section, j’arrive même à apercevoir Richard, parti du casse-croûte bien avant moi et qui a dû galérer en pneus étroits.
À Duhamel, je rate le dépanneur qui n’est pas évident à apercevoir depuis la route que nous empruntons. Je m’en aperçois 5 kilomètres plus tard en confirmant avec des marcheurs si j’ai bel et bien raté mon occasion de me ravitailler. Heureusement, je suis chargé d’onigiri et d’autres collations ramassées la veille au 7‑Eleven à Tokyo et je peux donc continuer de m’alimenter correctement sur cette deuxième longue section sans ravitaillement du parcours. Je m’arrête aussi à un chalet, où une dame m’offre de remplir mes bidons. Je poursuis seul jusqu’au McDo de Papineauville, où je rejoins Mo, Marian et Sebastian. Richard arrive quelques instants après et c’est avec lui que je repars pour la fin du trajet. Par malchance, je suis victime de deux crevaisons, que j’ai à réparer dans la noirceur la plus totale et le froid. Étant en tubeless, c’est le manque de scellant à l’intérieur de mon pneu qui fait en sorte que la première réparation ne tient pas. Un petit coup de scellant dans le pneu à la deuxième réparation me permet de régler le problème de manière définitive. À notre arrivée, Richard n’a pratiquement plus de voix et nous sommes tous les deux frigorifiés. C’est la musique à plein volume que je rentre chez moi en faisant attention de ne pas m’endormir au volant.
Octobre
Deux semaines plus tard s’organise le Grevet de 200km au cœur des couleurs de l’automne. Le nombre de participants au départ démontre bien toute l’appréciation pour ce type de parcours qui nous amène loin de la circulation automobile dans des secteurs où l’on peut apprécier la beauté des paysages. Parmi les partants, plusieurs en sont à leur première sortie avec le club. C’est l’idée derrière cette sortie depuis la première édition en 2022 de tendre la main aux adeptes de la gravelle et de les intéresser aux activités du club et à la longue distance.
Nous restons groupés jusqu’au premier contrôle, c’est l’occasion pour plusieurs de se retrouver une première fois depuis un moment et de se raconter nos aventures estivales. Après le premier contrôle, je roule avec Jean-Philippe et sa bande d’amis qu’il a invités. C’est l’occasion de répondre à leurs questions au sujet du club. Malheureusement, la conjointe de Jean-Philippe, Martine, est victime d’une chute dans une section plus accidentée. Plus de peur que de mal, elle parviendra à remonter sur son vélo et à boucler l’arrivée avec précaution.
Un peu avant Bromont, je profite de la stabilité que procurent mes pneus de 2.1 pouces pour descendre les sentiers à vive allure jusqu’au village. J’y retrouve le groupe formé en partie des Randowokes Francis et Kathia avec qui j’ai bien envie de poursuivre la journée, n’ayant pas roulé avec eux depuis un certain moment. Les chemins de gravelle s’élargissent pour cette deuxième portion du parcours, mais le dénivelé continue de progresser. Nous faisons un dernier arrêt à Sutton, au Round-top Bagel, et nous atteignons finalement les plaines un peu avant notre retour à Farnham. Une bonne partie du groupe a répondu présent à l’invitation de terminer la journée à la Microbrasserie Farnham Ale & Lager, où un groupe de collectionneurs de voitures est également présent, chacun sa passion!
Novembre
En novembre, nous retrouvons un classique avec le 200km de Covey Hill. Le froid commence à s’installer pour l’hiver, mais il n’y a pas encore de neige au sol, ce qui fait en sorte que le taux de participation est quand même assez élevé pour cette période de l’année. Nous sommes plus d’une vingtaine de personnes au départ avec, encore une fois, plusieurs nouveaux visages. Fidèle à mon habitude, je pars après tout le monde, puisque j’ai pour une avant-dernière fois, la responsabilité de distribuer les cartes de brevet au départ. Le temps de tout ranger et de m’assurer que tout est en ordre, le groupe est déjà parti. Heureusement, Jean-Philippe, Francis et Kathia attendent pour m’accompagner. Nous remontons progressivement le groupe jusqu’au premier contrôle.
La température est agréable et les paysages sont plutôt chouettes sur ce parcours dont on ne se lasse jamais. J’avais donné rendez-vous à tout le monde à la Brasserie Linvingstone, une fois passé Covey Hill, mais nous arrivons trop tôt. L’établissement est normalement le refuge par excellence durant la saison froide en raison de son hospitalité, de ses couvertures de laine et de son plancher chauffant, mais ce sera pour la prochaine fois.
Après Covey Hill, moi, Francis et Jean-Philippe décidons de mener un véritable contre-la-montre par équipe, pour parvenir le plus rapidement possible au prochain contrôle. Nous rattrapons Stéphane et sa conjointe Nathalie avec qui nous terminerons la route. Nous avons dû faire bien attention à un coup de bordure dans une descente, alors que je passe bien près de m’envoler au même moment où Stéphane est surpris par un saut de chaine juste à mes côtés. Sagement, nous décidons de réduire nos ardeurs pour rentrer sains et saufs à la maison.
Décembre
Le dernier brevet de la saison du club a lieu le 5 décembre. Nous sommes alors 6 personnes à prendre le départ du 200km en Montérégie, une répétition du brevet de février. Cela fait déjà un mois que je ne roule plus à l’extérieur, sauf pour me rendre au travail et la neige a commencé à s’installer dans les rues de Montréal et de ses environs.
Je suis inquiet à l’approche de ce brevet. Le poids de la saison commence à se faire sentir, et je souffre de douleurs vives au haut du dos qui m’empêchent de terminer mes sessions d’entraînement virtuelles. En quittant la maison à vélo ce matin-là, je peine à me rendre deux coins de rue plus loin pour rejoindre Kathia qui m’y attend. La douleur est vive et traverse ma poitrine au point où je me demande si je serai en mesure de poursuivre. Kathia me propose quelques étirements spécifiques que je répète à chaque feu de circulation où on s’arrête.
Nous arrivons finalement à Saint-Lambert pour le départ où nous rejoignons Francis, Jean-Philippe, Martin et Stéphane. On m’impose de prendre du Tylenol et j’obéis, au péril de ma santé à en croire Donald Trump. Les étirements, le réchauffement des muscles et le Tylenol font en sorte que la douleur s’exténue.
Premier arrêt dans un Tim Hortons à 50km, le premier de trois Tim que l’on visitera aujourd’hui. Le menu des fêtes est enfin arrivé et je partage avec Francis la même excitation de déguster tous les produits offerts en collaboration avec les biscuits Biscoff de la marque Lotus. Croissant à la tartinade Biscoff, beignet crème boston aux Biscoff, Latte Biscoff et Iced Cappuccino Biscoff nous sont offerts. Je commence avec le beigne et le latte, je m’étire et je remplis un bidon à moitié glacé. Le deuxième tourne en slush à l’extérieur, je ne le boirai pas de la journée.
Le vent est du sud-ouest et je vois sur mon Garmin que nous roulons droit dans cette direction. Ça dure pour encore 20 km après le premier contrôle et je peine à rester accrocher aux autres. Je les vois ralentir pour moi, on s’était dit que personne ne resterait derrière aujourd’hui. Je suis enfin soulagé quand nous tournons vers l’ouest. Le vent de dos me permet de garder des réserves et de mettre moins de pression sur ma douleur qui revient.
En approchant Saint-Rémi, le trafic s’intensifie. Un premier automobiliste baisse sa fenêtre pour nous crier quelque chose. L’accotement est très étroit, mais nous arrivons à la lumière où se situe notre contrôle. Moi et Martin arrivons avec un peu de recul et voyons un homme sorti de son véhicule qui invective le groupe de Kathia, Jean-Philippe et Stéphane. La lumière tombe verte et l’homme entre dans son véhicule et accélère en klaxonnant violemment derrière nos amis. Moi et Martin perdons de vue le groupe et n’arrivons pas à passer la lumière tout de suite. On attend notre tour, puis nous allons rapidement voir ce qui s’est passé. En s’approchant, on entend des gens crier, on accélère. Stéphane se relève du terre-plein où son vélo est allongé. L’homme est à l’extérieur de son véhicule et est retenu par 3 autres personnes, dont deux hommes bénévoles de la collecte pour la guignolée. Le chauffard nous crie des insultes et est convaincu que nous n’avons rien à faire sur la route. Au même moment, nous apercevons une voiture de police et Jean-Philippe part la rejoindre pour lui prier d’intervenir. Nous passons une heure au contrôle, afin que Stéphane et Jean-Philippe puissent remplir le rapport d’accident. La police nous dit que le chauffard sera chargé de 15 points d’inaptitudes et de 2000$ d’amende pour avoir brûlé un arrêt et chargé Stéphane avec son véhicule. Des charges criminelles auraient pu être portées pour voie de fait. On ne connait pas la suite.
Nous repartons enfin et poursuivons notre route, mais la bonne humeur du groupe a fait place à de l’inquiétude. La neige tombe et la visibilité devient un peu plus difficile. Les routes empruntées ne sont pas toutes tranquilles et cela mine le moral des troupes. Martin et Jean-Philippe évoquent l’option d’abandonner et d’écourter le parcours. Évidemment, je suis bien décidé à compléter ce brevet, étant à moins de 50km de l’arrivée de ce douzième brevet en autant de mois. Nous croisons la parade du Père Noël dans un village, ce qui nous permet de retrouver le sourire!
Au troisième Tim, j’opte pour le combo croissant et Latte Biscoff en plus d’une tartelette au caramel. Jean-Philippe et Martin mettent en opération leur plan et repartent immédiatement en écourtant leur trajet. Un groupe d’hommes plutôt âgés de la table d’à côté entretiennent la conversation avec nous. Deux d’entre eux nous parlent de leurs aventures à vélo à la fin des années 60. L’un d’eux nous présente une photo de son vélo Look et nous parle des Championnats du monde qui auront lieu à Montréal l’année prochaine. Il faut croire que ce n’est pas tout le monde qui déteste les cyclistes. Nous repartons de meilleure humeur. À Candiac, Stéphane rentre à la maison. Je poursuis avec Francis et Kathia jusqu’au bout. C’est l’heure du souper et il y a moins de circulation, la route devient un peu plus tranquille et sécuritaire.
Le brevet se termine au Dépanneur Couche-Tard sur l’avenue Victoria à Saint-Lambert, là où j’ai terminé mon premier brevet. Une belle touche symbolique à cette fin de saison, alors que je termine avec mon ami d’enfance Francis et mon ancienne collègue chez Dumoulin Bicyclettes, Kathia, que j’ai convaincus d’intégrer le club. Il y a 8 ans, j’intégrais le club sans connaître personne. Aujourd’hui j’y retrouve un groupe d’amis avec qui j’ai envie de poursuivre avec d’autres aventures à vélo pour encore bien longtemps!
Est-ce que je vais répéter ce défi « Randonneur toute l’année » ? Bonne question! J’ai visité mon thérapeute sportif le mardi suivant ce dernier brevet. Mon corps a besoin de repos et j’ai des exercices à faire avant de pouvoir retourner sur le vélo. Je ne prévois donc pas faire le brevet en janvier pour l’instant, le tout sera réévalué à mon prochain rendez-vous mi-janvier.
J’en profite pour féliciter les autres cyclistes quatre saisons et en particulier Kathia qui, sans avoir participé à une sortie du club en août, a quand même terminé durant ce même mois la Race Accross Québec en 2e position chez les dames et dans le top 10 au général. On peut dire qu’elle mérite autant que moi le titre de randonneuse toute l’année!













