À la conquête du Colorado par Marcel Marion

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A l’au­tomne 2010, sachant que je ne par­ticiperais pas au PBP à cause de mon tra­vail, je regar­dais sur le net les défis pos­si­bles pour l’été 2011. Cinq 1200Km en Amérique du nord étaient pos­si­bles.

  • Texas Ran­do Stam­pede 1200 Km avec 35511 pieds d’as­cen­sion, mai 2011 : trop tôt dans la sai­son.
  • Shenan­doah en Vir­ginie : juin, trop tôt dans la sai­son égale­ment
  • The Big Wild Ride en Alas­ka, août: impos­si­ble à cause de mon tra­vail
  • Taste of Car­oli­na, 3 sep­tem­bre : impos­si­ble à cause du tra­vail
  • Col­orado High Coun­try 1200, juil­let, avec 3 pass­es en haut de 10,000 pieds

Le CHC 1200 m’in­téres­sait beau­coup pour ses paysages et ses défis. J’en­voy­ais donc mon nom pour être sur la liste des cyclistes intéressés afin de recevoir les dif­férentes infor­ma­tions. L’or­gan­i­sa­tion se lim­i­tait à 50 inscrip­tions. Les 50 pre­miers inscrits seraient retenus si les dif­férentes for­mal­ités étaient cor­rectes (for­mu­laire com­plété, frais d’in­scrip­tion payés et brevets réal­isés).

Les inscrip­tions débu­taient offi­cielle­ment le 8 févri­er à 11h00 (9h00 au Col­orado). Ce matin, mal­gré cer­tains prob­lèmes d’en­gorge­ment sur le site, j’ai réus­si à m’in­scrire. Le 11 févri­er, une liste prélim­i­naire était affichée sur le site. On y retrou­vait 76 per­son­nes enreg­istrées sur 194 intéressés. Les per­son­nes avec un X devant leur nom étaient enreg­istrées ou sur la liste d’at­tente.

A ma grande sur­prise, mon nom n’avait pas de X. Je me suis empressé d’en­voy­er un cour­riel à l’or­gan­isa­teur en lui sig­nifi­ant mon incom­préhen­sion car j’avais reçu la con­fir­ma­tion de mon inscrip­tion en ligne et de mon paiement. Le lende­main, j’ai reçu un cour­riel m’in­for­mant de son erreur et que j’é­tais réelle­ment inscrit.

Le 26 févri­er, la 1re édi­tion de la liste des 50 inscrits ain­si que la liste d’at­tente. Je me retrou­vais dans la liste des inscrits. Michel Tardif de Shaw­ini­gan était le 3e sur la liste d’at­tente. En mai, il déciderait s’il le fai­sait ou pas.

En regar­dant le cal­en­dri­er des brevets du CVRM ou de l’On­tario, j’au­rais un cal­en­dri­er ser­ré car je dois réalis­er les 4 brevets : 200, 300, 400 et 600Km avant le 5 juin. Ça sig­nifi­ait pour moi de réalis­er un brevet dans un laps de temps court soit 5 semaines. Les 3 pre­miers se feraient selon le cal­en­dri­er offi­ciel du CVRM mais pour le 600Km, je devrais m’arranger seul. Jean Robert et l’or­gan­isa­teur m’avaient don­né leur accord.

Mon plan de match serait de faire le 600Km lors de la fin de semaine de Dol­lard à cause du con­gé de 3 jours et de faire le 400Km le 4 juin.

Après ma sai­son de ski de fond, je com­mençais mon entraîne­ment de vélo intérieur le 5 mars. Pour moi, le vélo intérieur est plus un entraîne­ment men­tal que physique. Je n’ai pas réelle­ment de plaisir. Une heure est tou­jours mon objec­tif ultime. Con­traire­ment à l’an­née dernière, je m’en­traîne sur un home train­er ( elite flu­id gel) au lieu de mes rouleaux. Je veux tra­vailler un peu au niveau mus­cu­laire et pou­voir chang­er de posi­tion sur le vélo de façon sécu­ri­taire.

L’en­traîne­ment n’est pas réguli­er, mon tra­vail m’oc­ca­sionne un niveau de stress ou de détresse psy­chologique que je n’ai pas vécu aupar­a­vant. Je sais que le vélo me fait du bien men­tale­ment. Cepen­dant, j’ai de la mis­ère à dormir et le lende­main, je dois être effi­cace et per­for­mant. Vig­i­lance est de mise : suren­traine­ment ou épuise­ment psy­chologique et physique ? J’es­saie d’être zen, de met­tre en pra­tique mes con­nais­sances sur la ges­tion du stress sauf que lorsque je me réveille à 2h00 du matin et que le ham­ster roule dans ma tête et que je ne me ren­dors pas, ce n’est pas évi­dent de pouss­er la machine le lende­main soir.

J’es­saie d’être posi­tif. Je me vois mon­ter dans les pass­es du Wyoming ou du Col­orado en dette d’oxygène, une fréquence élevée pour la vitesse de déplace­ment ou descen­dant un pro­fil descen­dant en pédalant à cause d’un vent de face. Je me pré­pare men­tale­ment à vivre des con­di­tions moins faciles mais stim­u­lantes : rouler à une alti­tude de 10,000 pieds à trois repris­es, paysage de mon­tagnes, paysage de mon­tagnes déser­tiques.

En plus de vivre le défi de réalis­er un 1200 Km en 90 heures, je devrai com­pos­er avec un incon­nu soit l’alti­tude. Com­ment mon corps réa­gi­ra-t-il en alti­tude? La dette d’oxygène, les nausées„ la déshy­drata­tion, les change­ments cli­ma­tiques ?

Pour m’y pré­par­er, je me doc­u­mente sur inter­net et je me ren­seigne auprès de cer­taines con­nais­sances dont Michel Leblanc (entraîneur de Marie-Hélène Pré­mont en Grèce, Serge Dessureault (Éver­est et plusieurs autres défis extrèmes) au sujet de l’adap­ta­tion en alti­tude et de ses effets.

Je regarde et j’analyse le par­cours avec les dif­férentes infor­ma­tions que je peux trou­ver sur le net. La plu­part des pass­es que nous aurons à mon­ter ou à descen­dre sont doc­u­men­tées sur le net : Cameron Pass, Snow Range Pass, Mudy Pass, Rab­bit Ear Pass .

Au début de la sai­son des brevets avec le CVRM, Michel me con­firme que son inten­tion est de faire le CHC 1200 au lieu du PBP. Je suis heureux de cette nou­velle, nous serons deux Québé­cois et c’est plus facile de tra­vailler au moins à 2 ou avec des gens que je con­nais.

A la mi-mai, l’or­gan­isa­teur du CHC 1200 per­me­t­tait de réalis­er un brevet avec quelques jours de retard à cause de plusieurs cyclistes des régions nordiques ne pou­vaient pas réalis­er cer­tains brevets à cause du cal­en­dri­er de leur club. Mal­gré cette oppor­tu­nité, je ne voulais pas chang­er mon plan de match. Ain­si, j’au­rais une fin de semaine ou deux pour refaire un brevet si j’avais un prob­lème ou une défail­lance.

Le pre­mier brevet 7 mai, 200Km

43 inscrits dont Gilles Mar­i­on, Michel T, Syl­vain N .Des cyclistes avec lesquels j’ai déjà roulé plusieurs brevets. Avec ce nom­bre impor­tant de cyclistes, j’ai une cer­taine appréhen­sion soit celle des accrochages ou chutes. Le départ n’est pas trop rapi­de sauf que par la suite, le rythme sera soutenu. Notre groupe se scinde en 2 après avoir tra­ver­sé Edouard VII pour St-Philippe. Nous sommes un groupe de 6. De ce groupe, nous serons seule­ment 4 dans la Cov­ey Hill jusqu’à la fin. Ce brevet nous per­met de décou­vrir un Frédéric beau­coup plus en forme que l’an­née 2010. Con­stat de ce 200Km : inten­sité élevée pour ce début de sai­son ou de brevets rap­prochés, je devrai être moi-même.

2e brevet, 14 mai, 300Km

Encore un nom­bre impor­tant pour un brevet qui s’an­nonce sous la pluie. Je pars plus lente­ment, une dizaine de cyclistes se trou­vent devant dans les pre­miers cinq kilo­mètres. Je remonte à l’a­vant pro­gres­sive­ment pour être dans le pelo­ton de tête sur Grande Allée. Je sais qu’au­jour­d’hui, je devrai dos­er adéquate­ment la dis­tance avec la tem­péra­ture, les paus­es. Mal­gré que je sois bien vêtu, les paus­es sont par­fois déter­mi­nantes. On perd sou­vent de la chaleur mais ces paus­es sont essen­tielles.

Après le pre­mier con­trôle, nous repar­tons à 3 . Michel et Frédéric seront mes parte­naires pour le reste de ce 300Km. Pro­gres­sive­ment, nous par­courons les kilo­mètres et les dif­férentes mon­tées. Cha­cun accepte la tem­péra­ture et la qual­ité de la route à cer­tains endroits. Nous for­mons un bon trio. A la fin, cha­cun avoue qu’il vient de réalis­er leur plus grande dis­tance sous la pluie soit 300 Km. Pour moi, ce fut un bon test physique et men­tal.

Le 3e brevet, 21–22 mai, 600Km

Brevet hors céd­ule afin de nous qual­i­fi­er dans les délais pour le CHC 1200. J’avais don­né ren­dez-vous à Michel au sta­tion­nement de la voie mar­itime un peu avant 5 heures afin de par­tir à l’heure. A cause des travaux après le tun­nel et les détours dans la ville de Brossard, je n’ar­rive que quelques min­utes avant 5 heures. C’est avec au moins 5 min­utes de retard que nous par­tirons pour le 600KM du Lac Mégan­tic. La tem­péra­ture au départ est de 14 degrés et vari­era que de quelques degrés dans notre fin de semaine. Notre objec­tif de départ est de le faire sans dormir si pos­si­ble.

Le pavé est mouil­lé mais pas détrem­pé pour les pre­miers 100 Km et le taux d’hu­mid­ité est élevé. Les dif­férents monts et mon­tagnes sont dans le brouil­lard. Pour quelques min­utes seule­ment nous ver­rons un éclair­ci à Cook­shire. C’est avec un vent de face et une tem­péra­ture à la baisse que nous fer­ons le par­cours nous amenant au Lac Mégan­tic. A Notre-Dame-des-Bois, j’en­fil­erai un col­lant afin de con­serv­er ma chaleur au niveau des jambes.

La ville du Lac Mégan­tic est envahie par un brouil­lard qui nous transperce et qui rend la chaussée détrem­pée. Nous prenons le temps de bien souper et de se pré­par­er à rouler de nuit. Après une dizaine de kilo­mètres, le pavé devient sec.

Durant la nuit, après Lennoxville, à chaque fois que nous pas­sons près d’une éten­due d’eau ou une coulée, la tem­péra­ture baisse d’un ou deux degrés. A l’a­vant-dernier con­trôle, nous prenons le temps de déje­uner et de se réchauf­fer. C’est à la clarté que nous repar­tons. La tem­péra­ture demeure fraîche. Notre pro­gres­sion est encore bonne mal­gré la fatigue. Nous arrivons au dernier con­trôle à 9h00 pile. (Con­stats, plus de linge pour rouler la nuit ou lorsque je suis fatigué)

Dernier brevet de qual­i­fi­ca­tion, 4 juin, 400Km

Pre­mier brevet de l’an­née qui se déroule sans une goutte de pluie. Départ le matin à une tem­péra­ture oscil­lant entre 11 et 12 degrés C. Pas longtemps après le départ soit quelques kilo­mètres plus loin sur Grande Allée, tout près de Sal­aber­ry, la tem­péra­ture avait descen­du à 7–8 degrés C. J’é­tais con­tent d’avoir mis mon col­lant et un chandail à manch­es longues pour la 1re étape.

L’al­lure de ce brevet me sem­ble plus rapi­de, plusieurs cyclistes for­ment le pre­mier pelo­ton et les autres ne suiv­ent pas très loin. A l’a­vant, on retrou­ve Frédéric, Michel, Bernard, Alain, Simon et 1 ou 2 autres cyclistes dont je ne me rap­pelle pas les noms. Le rythme est soutenu. Est-ce le soleil qui donne cette énergie, le par­cours rel­a­tive­ment plat pour les pre­miers 80 Km ou un léger vent aidant ?

Il ne faut pas laiss­er le groupe aller car l’é­cart peut se creuser assez rapi­de­ment ou se tromper comme nous avons fait (Bernard, Michel, Frédéric et moi). Nous avons man­qué le rang St-Édouard en dépas­sant env­i­ron de 500 m cet embranche­ment. Durant ce temps Alain, Simon et ? sont passés devant nous. Lorsque nous les avons rejoints sur St-Armand, la rai­son invo­quée était que nous voulions libér­er notre vessie en toute dis­cré­tion (hum! Hum!). Ou était-ce réelle­ment le fait de rouler le nez sur le guidon ou les yeux fixés sur la roue du gars qui nous précède? Sans le ques­tion­nement de Michel, on aurait pu rouler plus d’un kolimètre.

Ce qui est agréable de ce brevet, ce sont les dif­férentes vues des paysages. On oublie vite le champ de mines sur Grande Allée. Pro­gres­sive­ment la plaine laisse place à un relief plus val­lon­neux ou mon­tag­neux en se dirigeant en Estrie. Les styles de mai­son ou de fer­mes changent égale­ment. Ce change­ment est assez rad­i­cal lorsqu’on emprunte St-Armand, région de M. Foglia. Ferme des cimes, pom­miers, vignes, val­lée sur notre droite, chemin étroit avec une excel­lente qual­ité d’as­phalte font qu’on oublie tem­po­raire­ment les efforts que nous four­nissons. (Je n’ai pas tou­jours le nez sur le guidon ou les yeux fixés sur la roue avant .)

A notre sur­prise, le dépan­neur n’a plus sa petite salle à manger ou ses galettes faites mai­son. On fait le plein de liq­uide, mange un peu. Durant ce temps, Alain fait recharg­er son gps dans une prise extérieure. Une quin­zaine de min­utes plus tard, c’est à 4 que nous repar­tons : Frédéric, Simon, Michel et moi.

Cha­cun sait que dans cette étape se trou­ve les prin­ci­pales mon­tées de la journée : la mon­tée au début De Rich­ford, Scenic, Owl Head . Cha­cun a pen­sé à trans­porter du liq­uide sup­plé­men­taire à cause de la longueur à par­courir avant le 2e con­trôle soit 111 Km. Notre groupe pro­gresse bien autant dans les mon­tées que pour les autres pro­fils. Je décou­vre et j’ap­prends à con­naître Simon : un gars puis­sant, bon rouleur et agréable à côtoy­er. Le fait de ne pas être chargé comme un mulet sem­ble lui don­ner des ailes.

Sur Rich­ford, cer­tains auto­mo­bilistes nous dépassent à vive allure et ne sem­blent pas appré­ciés les cyclistes. A part cela, on peut appréci­er les vignes, pom­miers et le relief. La Val­lée-Mis­sisquoi après les crevass­es de la Scenic nous per­met d’ap­préci­er son bon revête­ment. Le chemin Du Lac nous offre une vue panoramique du lac Mem­prhé­m­a­gog.

La pause à Sut­ton est appré­ciée et néces­saire afin de laiss­er un peu de temps à notre organ­isme de récupér­er. Comme à l’habi­tude, Frédéric est un des pre­miers à être prêt à repar­tir. A voir Simon avec ses achats pour le dîn­er, je lui ai demandé s’il avait fait son épicerie pour la semaine : 4 litres d’eau, lait au choco­lat, gatorade, boîte de bar­res ten­dres, 2 con­tenants de wraps, boîte de brown­ies . En par­lant, il me racon­te qu’il a par­fois de la dif­fi­culté à repar­tir, il a le ven­tre plein, s’en­dort. Hum, je pense savoir pourquoi. Michel et Frédéric sont déjà sur leur mon­ture depuis quelques instants lorsque nous les rejoignons. Frédéric et Michel par­taient du mau­vais côté lorsque je leur ai dit que la rue Académy n’est pas là.

L’as­cen­sion jusqu’à la 104 se fait bien, route tran­quille et pente douce. 50 moto­cy­clistes arrivent en même temps que nous à cette inter­sec­tion, le vrom­bisse­ment de leurs engins vient per­turber notre quié­tude.

La 215 avec son ter­rain val­lon­né et roulant nous amène au 3e con­trôle. Bien que ce con­trôle ne soit qu’à 30 Km de Sut­ton, Simon et moi prenons le temps de pren­dre une bouchée et de s’hy­drater à nou­veau. Frédéric et Michel nous dis­ent qu’ils par­tent et qu’ils rouleront mol­lo.

Après être par­tis quelques min­utes plus tard, nous rejoignons Michel sur la 112 à env­i­ron 5 Km de East­man. C’est sur Georges-Bon­nalie, quelques Km avant la 220 que notre trio rejoin­drons Frédéric. (Frédéric a seule­ment 2 vitesses à mon avis soit vite ou arrêté).

La 220 et la 243 avec ses grands val­lons nous amè­nent jusqu’à la 112. De ce point, nous savons que nous avons fini les ascen­sions et que le pro­fil sera désor­mais descen­dant ou plat jusqu’au dernier con­trôle.

Les con­di­tions nous per­me­t­tent de main­tenir encore une bonne vitesse de croisière. A Gran­by, avant de pren­dre la piste cyclable nous amenant à St-Césaire, nous arrê­tons au dépan­neur afin de faire le plein de liq­uide, de manger un peu.

A Gran­by, nous croi­sons un cycliste dont je ne me sou­viens pas du nom et qui était du départ avec nous. Il nous racon­te sa mésaven­ture, il a man­qué le 2e con­trôle en demeu­rant sur la 243 à Knowl­town et pour­suit sa route lors de notre arrêt à Gran­by.

Ren­dus à St-Césaire, je men­tionne à mes con­frères qu’il est pos­si­ble d’amélior­er le temps que j’avais réal­isé sur ce par­cours. Bien que nous par­tions quelques min­utes en retard, il était très réal­iste d’abaiss­er ce temps si on tra­vail­lait ensem­ble. Nous étions sur nos vélos à 6h45. Je cal­cu­lais 50 Km, 1h38 pour 8h23, 30 km de moyenne = 1h40 . Donc oui, il était pos­si­ble.

Ce sont tou­jours les lumières aux inter­sec­tions qui sont l’im­prévue. Mal­gré la fatigue du jour, on est capa­ble de main­tenir encore un bon tem­po. Grande Allée sem­ble plus pénible que le matin. Aux inter­sec­tions, nous ne prenons pas de chance. Sur Gaé­tan Bouch­er, Frédéric me demande si on est dans les temps. Je lui réponds “Oui”, il nous reste seule­ment 4,5 Km.

Nous arrivons au Pétro-Cana­da à 20h16 et fiers d’avoir réus­si ce brevet, de la cama­raderie et de l’en­traide mutuelle de notre quatuor.

Nous quit­tons le dépan­neur vers le sta­tion­nant de St-Lam­bert. Nous adop­tons une vitesse de récupéra­tion. Cha­cun change ses vête­ments, se pré­pare pour le retour à domi­cile et on se félicite à nou­veau.

Je prends le temps de manger et de boire avant de quit­ter. Durant cet instant, notre cycliste ren­con­tré à Gran­by arrive. Il me men­tionne qu’il a mangé au Sub­way en face du Tim Hor­tons et qu’il a été éton­né de nous voir arriv­er aus­si vite à St-Césaire. Il m’ex­plique plus en détails son détour. Je lui réponds que j’avais déjà eu ce même ques­tion­nement lors d’un brevet mais qu’en regar­dant les cartes, j’avais pour­suivi ma route.

Main­tenant que les brevets sont com­plétés pour la qual­i­fi­ca­tion, le plus dif­fi­cile est à venir soit de garder la forme et être prêt pour le 1200 km qui aura lieu du 11 au 14 juil­let.

Avant le départ du CHC, j’ai roulé un 200km — 320km — 100km — 200km — 100km durant les fins de semaine et des sor­ties vari­ant entre 1h15 et 1 h45 dans la semaine. Je ne pou­vais pas rouler plus à cause de mon tra­vail qui était plus deman­dant en cette péri­ode de l’an­née.

Départ le 3 juil­let pm vers Laramie au Wyoming en auto.(3200km en 2,5 jours). Couch­er à Toron­to, Dav­en­sport et Laramie). Laramie est à 7165 pieds en alti­tude. Je voulais pass­er au moins 6 jours en alti­tude afin d’ac­cli­mater mon corps.

La haute alti­tude

De façon générale, la haute alti­tude sig­ni­fie tout endroit se trou­vant à plus de 5280’ (1610m) au dessus du niveau de la mer. L’alti­tude moyenne du Col­orado est de 6800’ (2073m)’. Donc, logique­ment, la plu­part du temps passé lors de ce 1200 km sera en haute alti­tude.

En haute alti­tude, tout le monde est affec­té à un cer­tain degré. Les effets vari­ent d’un indi­vidu à l’autre et cou­vrent une var­iété de symp­tômes. Les deux prin­ci­pales dif­férences entre les zones de basse alti­tude (le Québec par exem­ple) et les zones de haute alti­tude sont : diminu­tion de la den­sité de l’air et diminu­tion de l’hu­mid­ité con­tenue dans l’air. À une alti­tude de 8000’ (2439m) à 10 000′ (3049m), l’air est 40 à 45% moins dense (créant ain­si le sen­ti­ment du manque d’oxygène) et le taux d’hu­mid­ité est de 50 à 80% plus bas qu’au niveau de la mer. Un pas­sage rapi­de de la basse à la haute alti­tude peut pro­duire les symp­tômes suiv­ants : mal de tête, nausées, con­ges­tion nasale, souf­fle court, insom­nie, diar­rhée, essouf­fle­ment intense, pal­pi­ta­tions ou bat­te­ments car­diaques rapi­des, fatigue facile, intolérance à l’ex­er­ci­ce, perte d’ap­pétit, étour­disse­ments, flat­u­lence accrue et toux.

Les effets nor­maux de la haute alti­tude seront portés à dis­paraître au fur et à mesure que le corps s’adaptera au plus faible niveau d’oxygène et d’hu­mid­ité. Le proces­sus d’ac­cli­mata­tion peut dur­er de quelques jours à quelques semaines, dépen­dam­ment des per­son­nes. Il est con­seil­lé de ne pas faire d’in­ten­sité lors de notre arrivée en haute alti­tude et de manger de la nour­ri­t­ure légère, boire beau­coup et éviter l’al­cool, du moins pour les 48 à 72 pre­mières heures. L’al­cool ne fait qu’ag­graver les symp­tômes. Un exer­ci­ce physique trop intense le pre­mier jour, alors que notre corps n’est pas adap­té, peut amen­er des symp­tômes plus impor­tants et plus per­sis­tants.

Les symp­tômes que j’ai ressen­tis avant le départ du 1200 km sont : léger mal de tête, aug­men­ta­tion de ma pres­sion san­guine.

Notre ter­rain de jeu

Notre ter­rain de jeu dans le Col­orado et le Wyoming sera de mag­nifiques mon­tagnes, val­lées, riv­ières, canyons, gorges et forêts où la vie sauvage est présente. Sur notre par­cours, nous côtoierons orig­naux, wapi­tis, antilopes d’Amérique, cerfs, renards .…Évidem­ment, les ranch­es avec ses chevaux et bétail fer­ont égale­ment par­tie du décor. Notre départ se trou­ve au pied des Rocheuses où les Indi­an Peaks, Medecine Bow Moun­tains et Les Snowies nous cein­tureront pour la majorité du par­cours et où nous nous promènerons dans les parcs Rosevelt, Ara­pa­ho, Medecine Bow …



Mon pre­mier entraîne­ment a été le 6 juil­let en après-midi soit un 35 km à allure con­fort­able. Je ne vois pas de dif­férence notable tant au niveau car­diaque qu’au niveau mus­cu­laire. Ce petit entraîne­ment m’a per­mis de con­stater que ma nou­velle chaîne sautait à cause du mail­lon de jonc­tion trop rigide.

Deux­ième et dernier entraîne­ment avant le 11 juil­let est un 50 km, tra­jet entre Gran­by et Grand Lake(portion du 1200 km). Alti­tude en moyenne à 8000 pieds. Le feel­ing est bon, jambes et inten­sité car­diaque. 10 juil­let, après l’in­spec­tion des vélos, nous allons souper Michel et moi ain­si que nos épous­es et la fille de Michel. Après une nuit de 6 heures, Michel vient déje­uner dans ma cham­bre avant le grand départ.

4h00, le départ est don­né aux 48 par­tants. Mon objec­tif est de rouler avec un groupe de cyclistes de mon poten­tiel si pos­si­ble. En sor­tant de la ville, le groupe s’al­longe et je ne sais pas où se situe Michel car au départ, nous ne sommes pas placés l’un à côté de l’autre. Cette sec­tion d’une longueur de 100 km env­i­ron ne présente pas de défis majeurs. Je vois des cyclistes un peu devant moi qui s’éloignent pro­gres­sive­ment. Comme je suis par­fois incer­tain du chemin à pren­dre, je préfère rouler avec mon groupe de 7 cyclistes.

Les con­trôles autres que les arrêts pour la nuit sont aux frais des par­tic­i­pants (comme le CVRM). Après le plein de liq­uide et un léger goûter, je repars pour la 2e sec­tion longue de 55 km avec une mon­tée pro­gres­sive par­tant de 1550 m à 2175 m. Mal­gré que le pour­cent­age de la pente soit léger et que mon rythme car­diaque oscille près des 130 , mes jambes sont facile­ment con­trac­tées et cette sen­sa­tion d’in­con­fort me porte à la sagesse, je ne me sens pas dans une bonne journée. Le côté posi­tif, je ne me fais pas rejoin­dre.

Le paysage est splendible, on ser­pente le long de la riv­ière Poudre et les mon­tagnes. Un nou­veau décor s’of­fre à mes yeux à chaque détour et j’en­tends le rugisse­ment de l’eau qui se fra­casse sur les rochers et défer­le cette pente.



Arrivé au 2e con­trôle, où mon épouse m’at­tend, elle m’in­forme que Michel est en avant et a 45 min­utes d’a­vance et qu’il y a une quin­zaine de cyclistes qui sont déjà repar­tis. Com­ment ça va, tu as l’air fatigué ??? Ce n’é­taient pas les mots d’en­cour­age­ment que je m’at­tendais.

Après un léger repos, je con­tin­ue l’as­cen­sion de la Cameron Pass, 2175 m à 3150m (44 km d’as­cen­sion). Dans celle-ci, j’es­saie de faire dis­paraître les idées néga­tives de ma tête en regar­dant les paysages et les som­mets enneigés qui se dressent au loin tant à l’a­vant qu’à ma droite.

Je sais qu’après le som­met, le pro­fil sera descen­dant jusqu’au con­trôle. Je prends soin de boire et de manger régulière­ment. Après avoir franchi le som­met à 10276 pieds, le tracé nous fait longer d’im­menses champs ou ranch dans la val­lée.

Arrivé à Walden vers les 14h20 et après avoir franchi 252 km, j’ou­blie mon plan A. Le plan A était de faire la Snowy Pass (10790 pieds, dis­tance de l’é­tape 122 km) la pre­mière journée et de faire le 1200 km en 2 dodos seule­ment. (voir plan A plus loin).



Une ving­taine de min­utes plus tard, j’en­tre­prends la dernière sec­tion de la journée. Le pro­fil est descen­dant et nous amène au 1er endroit pour dormir (108 km, alti­tude 2475 m à 2100m). En plus d’un pro­fil descen­dant, nous avons un vent de dos pour la pre­mière por­tion.

Je remonte tran­quille­ment 2 cyclistes qui sont dans ma mire au loin, Je les vois tra­vailler en équipe en prenant des relais de façon méthodique. Je parviens à les dépass­er suite à un léger prob­lème de dérailleur de l’un d’eux.

Une trentaine de km avant Sarato­ga, un cycliste est arrêté à un dépan­neur. J’en fais de même. Achat d’un coke et d’une banane. Assis con­fort­able­ment sur une chaise berçante, j’ap­pré­cie ces moments de détente. Durant ces instants, les 2 cyclistes que j’avais précédem­ment dépassés arrê­tent égale­ment.

Ayant hâte d’ar­riv­er, je repars le pre­mier des 4. Je sais que j’ai l’én­ergie pour main­tenir le rythme.

Arrivée à 18h53 après 360 km, je vais retrou­ver Michel à notre cham­bre que nous parta­geons. Ça fait déjà 45 min­utes qu’il est arrivé. Il me racon­te qu’il était dans un groupe de 4 en avant dans la Cameron Pass et qu’il était même le pre­mier au som­met.

Je lui racon­te que je n’avais pas de jambes et que je devais respecter mon corps. Il me demande si je repars après avoir souper. Je lui réponds : non, seule­ment demain matin vers les 4h00 soit l’heure de départ de plusieurs. Il sem­blait un peu déçu mais sachant que per­son­ne ne repar­tait immé­di­ate­ment, il déci­da de faire la même chose.

En me couchant, je me dis­ais qu’il faut que j’aie des jambes demain. Je parviens à m’en­dormir dif­fi­cile­ment à cause du bruit des douch­es ou du va et vient. Mal­gré un som­meil léger, je me sens bien au lever et nous repar­tons à3h37 du matin. A notre sur­prise, pra­tique­ment la moitié des cyclistes sont déjà repar­tis.

Je m’ha­bille en long car je sais que mal­gré l’as­cen­sion, la tem­péra­ture sera à la baisse. Au loin, dans la mon­tée, je peux apercevoir les lumières rouges qui nous précè­dent. La nuit a été récupéra­trice car j’ai de bonnes sen­sa­tions au niveau des jambes. Pro­gres­sive­ment, je remonte un cycliste, un deux­ième, troisième…Ce sont 14 cyclistes que je remon­tr­erai dans l’as­cen­sion de la Snowy Pass sur une dis­tance de 58 km (2100m à 3350m).

Plus je monte, plus la tem­péra­ture extérieure descend. Je dois arrêter met­tre des mitaines par-dessus mes gants. Je mouline bien, mon rythme car­diaque n’est pas dans le rouge et mes jambes sont décon­trac­tées. Il me sem­ble que je sois par­ti pour une bonne journée.

Il fait bizarre, dépaysant même de rouler en plein mois de juil­let avec des bancs de neige. Encore une fois, avec la lev­ée du jour, ces mon­tagnes avec ses pics enneigés sont mag­nifiques. Dans la mon­tée, j’ai dis­tancé Michel et je me dis qu’il doit s’être arrêté pour s’ha­biller car il était par­ti en court.

Pas longtemps après avoir amor­cé la descente, je crois voir un mirage, je ressens une drôle de sen­sa­tion en pas­sant à côté du lac miroir qui se trou­ve à la hau­teur du chemin à ma gauche. Le reflet de la mon­tagne sur le lac était iden­tique, une réflex­ion par­faite, une vraie pho­to de carte postale.



Lors de la descente, je sens la tem­péra­ture aug­men­tée. Un paysage de plateau entouré de mon­tagnes est mon nou­veau décor. Ces champs plus ou moins déser­tiques où broutent chevaux ou boeufs. Dans une mon­tée, je dois m’ar­rêter pour enlever mes vête­ments longs. Michel n’est pas vis­i­ble à l’hori­zon. Je décide de répar­tir et l’at­ten­dre à Laramie.

Au Mcdon­ald de Laramie, mon épouse m’at­tend et me dit que nous avons pris la bonne déci­sion de ne pas con­tin­uer la veille car elle a roulé 60 km à la pluie et neige dans la Snowy Pass. Quelques min­utes plus tard, Michel arrive. Après qu’il ait pris le temps de s’al­i­menter, nous repar­tons pour la 2e fois pour Walden. Avant d’en­tre­pren­dre les mon­tées, nous fran­chissons de longues lignes droites. Les relais se font à tous les milles. En ce début de journée, les fess­es com­men­cent à être douloureuses. Je dois me lever régulière­ment afin d’en­lever un peu de pres­sion.



Lors des mon­tées, je dis­tance pro­gres­sive­ment Michel qui se respecte. Un peu plus loin, je rejoins un cycliste qui était par­ti quelques min­utes devant nous. Le dernier tronçon de route pour se ren­dre à Walden est légère­ment val­lon­né dans cette prairie plus ou moins fer­tile.

Réu­nis à nou­veau à Walden, nous repar­tons Michel et moi pour les 2 dernières pass­es prévues à l’ho­raire de la journée. La Mud­dy Pass à 8772 pieds et la Rab­bit Ears Pass à 9426 pieds. Le ciel est de en plus menaçant lorsqu’on se dirige vers la Mud­dy Pass. Lorsque la pluie débute, nous prenons le temps de revêtir notre imper. Une dizaine de min­utes plus tard, nous l’en­levons car nous ne sommes plus sous les nuages.

Ren­dus sur le plateau de la 2e Passe, le vent et le froid se font sen­tir. Je dois revêtir à nou­veau ma veste avant d’en­tre­pren­dre la descente de 7 milles à 7 %. La pluie est de en plus en plus près. J’e­spère arriv­er en bas avant que la pluie débute. Dans la descente, je dois être vig­i­lant à cause d’une zone de répa­ra­tion et le chemin légère­ment endom­magé un peu plus loin. Lors de la descente, j’aperçois la pluie qui tombe dans la val­lée. Celle-ci me tombe dessus dans les dernières cinq min­utes avant le con­trôle.

Au motel, je dis à Michel qu’il est tou­jours pos­si­ble de réalis­er le plan A avec un dodo plus court à celui d’hi­er et de faire le dernier 530 km sans pra­tique­ment dormir la prochaine nuit. Il me demande si je suis prêt à par­tir à 8h. Je lui réponds que je dois dormir au moins une heure mais j’at­tends que la pluie cesse. Après véri­fi­ca­tion, la pluie devrait cess­er vers 22 heures. Je lui dis OK, on par­ti­ra tan­tôt. Durant ma sieste, Michel informe son épouse de notre plan. Comme à 22 heures, il pleut encore, nous retar­dons notre départ. Ce temps sup­plé­men­taire per­met à nos gps et bat­ter­ies de se recharg­er.



Le plan A orig­i­nal prévoy­ait des départs vers 4h00 à chaque matin et des dis­tances plus cour­tes d’une journée à l’autre. La 1re journée devait être la plus longue et dif­fi­cile.

Avant de par­tir, nous allons à nou­veau manger et de faire le plein de liq­uide car nous devrons être autonomes jusqu’au lende­main matin. Il est minu­it lorsque nous repar­tons. Un km plus loin, nous croi­sons un cycliste qui arrive au con­trôle. Le pavé est encore détrem­pé sauf que le ciel se dégage et la lune appa­raît timide­ment de temps en temps. Comme con­venu, j’at­tends Michel en haut des côtes. Un seul cycliste nous précède. Celui-ci a une avance de 8 heures env­i­ron. Notre objec­tif n’est pas de le rejoin­dre mais de rouler à notre pro­pre rythme.

Dans la nuit, nous faisons fuir un chevreuil qui se tient en bor­dure de la route. Et un peu plus loin à Oak Creek, un wapi­ti tra­verse la rue prin­ci­pale devant moi. Je préfère observ­er ces cervidés que de voir ram­per les vers de terre sur cette chaussée mouil­lée.

La mon­tée de la Gore Pass dans la nuit se fait à un rythme un peu moins rapi­de. Pour une deux­ième fois, je met­trai mes mitaines afin d’avoir chaud aux mains. Avant d’at­tein­dre le som­met, nous devons redescen­dre d’une cou­ple de cen­taines de pieds avant de remon­ter finale­ment à 9527 pieds pour une dizaine de km sup­plé­men­taires d’as­cen­sion.

Dans les pre­miers km de la descente vers Kremm­ling, nous avons quelques bancs de brouil­lard. La descente à l’aube se fait très bien puisque nous sommes pra­tique­ment seuls sur la route. Ren­dus à Kremm­ling, nous devons atten­dre quelques min­utes afin de pou­voir déje­uner à un restau­rant. Celui-ci n’ou­vrant pas ses portes avant 6h00. Après avoir mangé du pain doré et crêpes, nous repar­tons vers Grand Lake, une sec­tion un peu plus courte mais en mon­tant.



Le décor est épous­tou­flant dans le Canyon Byer et la riv­ière Col­orado juste avant Hot Sul­phur Springs. Cepen­dant, il n’y a pra­tique­ment pas d’ac­corte­ment et par­fois des roches qui sont tombées des parois rocheuses. Après Gran­by, le 15 milles qui nous sépare de Grand Lake, je le con­nais bien puisque je l’ai fait 2 fois en entraîne­ment la semaine précé­dente.

C’est à cet endroit, que Michel pré­cise sa pen­sée par rap­port à notre pro­gres­sion com­mune : ne pas seule­ment l’at­ten­dre en haut des côtes mais d’y aller à mon rythme. Ses prob­lèmes de diges­tion l’empêchent de bien rouler. Après avoir véri­fié son état d’âme, j’ai décidé de pour­suiv­re à mon rythme sachant qu’il pour­rait arrêter à Walden pour un roupil­lon si néces­saire.

Env­i­ron une heure plus tard à Grand Lake et quelques instants avant que je reparte pour Walden, nous nous retrou­vons. Après nos mots d’en­cour­age­ments, je pars pour la Wil­low Creek Pass en revenant sur nos pas pour 25 km env­i­ron. En lâchant la route 40, quelques km seule­ment sur la route 125 et en haut d’une colline sur ma gauche se tien­nent fière­ment 4 wapi­tis. Ils me regar­dent aller sans bronch­er sur cette route pais­i­ble. A part des fessiers qui me font souf­frir, les jambes et le moral sont bons.

Quelques km avant la fin de l’as­cen­sion de la Wil­low Creek Pass, un phénomène de la nature attire mon atten­tion. Une paroi de la mon­tagne, coupée au couteau ou presque, se tient à ma droite. Après la descente de la passe, il nous reste 22 milles sur le plat et en ligne droite pour notre dernière arrivée à Walden. Ce con­trôle est prévu pour le 3e dodo par l’or­gan­i­sa­tion. Pour moi, il s’a­gi­ra d’une heure de repos afin de bien m’hy­drater et m’al­i­menter avant le dernier droit jusqu’à l’ar­rivée (232 km)



Durant mes derniers pré­parat­ifs pour la dernière nuit, Michel arrive au motel à Welden. Il sem­ble mieux mais veut pren­dre du repos avant d’en­tre­pren­dre ce dernier droit. Moi, je souhaite descen­dre la Cameron Pass à la lumière du jour ain­si que la Poudre Riv­er avec tous ses détours.



Mes jambes sont encore bonnes dans la mon­tée de la Cameron Pass, je con­tin­ue à bien moulin­er. Je me rap­pelle de cer­tains endroits que j’avais remar­qués deux jours aupar­a­vant. J’ar­rive au som­met vers 18h30 et heureux d’avoir ter­min­er cette dernière ascen­sion majeure. Un peu plus loin, une affiche indique une descente de 15 milles. Je ne roule pas aus­si vite que je souhait­erais à cause d’un vent de face, Dans cette descente, je fais l’er­reur de ne pas pédaler, les jambes veu­lent se crisper par le vent, le froid et la fatigue. Lorsque je veux recom­mencer à pédaler, je dois y aller vrai­ment mol­lo. Par chance, elles ne cram­p­ent pas. Je reprends le rythme pro­gres­sive­ment et j’aug­mente un peu la cadence afin de prof­iter le plus longtemps pos­si­ble de la lumière du jour.

Arrivé à l’a­vant-dernier con­trôle, je m’achète un café et je mange un peu avant de repar­tir pour un dernier trente min­utes de clarté. Je ser­pente le long de la riv­ière Poudre qui est au début à ma droite et par la suite à ma gauche. Le son de la riv­ière au départ ne m’indis­pose pas mais après une quin­zaine de kilo­mètres, j’ai hâte d’é­couter le silence. La noirceur est arrivée et je roule tou­jours le long de la riv­ière. Un moment je pense à Michel et je souhaite qu’il ne s’en­dorme pas à cet endroit car un plon­geon dans la riv­ière serait fatal. Je me fais dépass­er de temps en temps par des autos qui sem­blent être très à l’aise dans ces détours.

En haut des mon­tagnes sur ma gauche, je vois des éclairs, l’or­age me précède. Quelques instants plus tard, la pleine lune essaie de pren­dre sa place entre les mon­tagnes. Paysage grandiose mais de courte durée.

J’ar­rive au con­trôle à 22h18, le mag­a­sin est fer­mé et je m’aperçois rapi­de­ment que la majorité des com­merces fer­ment à 22h00 au Col­orado. Où trou­ver du liq­uide pour ce dernier 90 km. Il me reste qu’une bouteille. Je peux encore faire un bout et je souhaite trou­ver un garage encore ouvert sur le par­cours.

Après avoir véri­fié la route à suiv­re sur la feuille de route car mon gps comme au pre­mier jour veut me faire pass­er par d’autres petites rues. Je roule dans la bonne direc­tion et j’en ai pour 11 milles avant de chang­er de rue. Je quitte la ville pro­gres­sive­ment et tout un coup ma pre­mière crevai­son. A la lumière de ma frontale, je fais la répa­ra­tion. A peine repar­ti, une deux­ième crevai­son. Il me reste une dernière cham­bre à air. Je véri­fie atten­tive­ment mon pneu à l’in­térieur et je ne trou­ve rien de spé­cial. Je repose une nou­velle cham­bre à air et je fais bien atten­tion de ne pas la pin­cer. Je réin­stalle ma roue et je repars nerveuse­ment. Je souhaite de ne plus crev­er car je devrai met­tre des rustines.

La lune et les éclairs se parta­gent le ciel et éclairent légère­ment la route. Une quar­an­taine de kilo­mètres plus loin, pra­tique­ment en plein désert, j’en­tends mon pneu arrière se dégon­fler soit ma troisième crevai­son. Je défais ma roue et j’ex­am­ine plus qu’une fois mon pneu pour voir enfin que mon pneu est fendu sur le côté extérieur. J’in­stalle une rus­tine et un morceau de caoutchouc à l’in­térieur du pneu. Je me croise les doigts que ça tien­nent le coup. J’u­tilise cette fois-ci ma pompe à main pour gon­fler mon pneu. Je suis inca­pable de met­tre la même pres­sion qu’à l’habi­tude mais je préfère être pru­dent dans le gon­flage. Lorsque je remets ma roue, j’ai de la dif­fi­culté à l’in­staller car mon dérailleur sem­ble être tor­du. Quelques instants de panique, je ne souhaite pas que mon bras du dérailleur soit tor­du car ça serait la fin ou presque. Je me res­sai­sis et j’es­saie de bien m’é­clair­er. Je repo­si­tionne ma chaine, je cen­tre ma roue et ça y est … tout est fonc­tion­nel. Je ne prends pas de chance, je dessers mon frein arrière pour être cer­tain que des petites pier­res ne demeurent pas coincées et frot­tent sur mon pneu …

Je roule mais la con­science n’est pas tran­quille, j’ai tou­jours la crainte de crev­er à nou­veau. Le ciel est tou­jours à l’or­age à ma gauche, les éclairs illu­mi­nent le ciel régulière­ment. Lorsque ce ne sont pas les éclairs, c’est la lune qui essaie de se faire une place entre les nuages. Beep, beep, bat­terie faible. En lisant ce mes­sage, je m’ar­rête et je mets en fonc­tion ma bat­terie en extra. Le tout fonc­tionne bien et je peux con­tin­uer à me servir de mon gps sans prob­lème. Je peux m’y fier, c’est seule­ment dans la ville qu’il avait voulu me faire pren­dre d’autres rues.

Un autre prob­lème survient, ma lumière s’éteint tout d’un coup. Cette fois-ci, je n’ai pas de bat­terie d’ex­tra sauf une autre lumière qui n’é­claire pas avec la même inten­sité. Par chance, le tracé est plat et dans les champs, la lumière de la lune mal­gré les nuages éclaire tout de même suff­isam­ment. Avec ces prob­lèmes qui se suc­cè­dent, je com­mence à me sen­tir seul sur cette route en plein milieu de la nuit. Ça y est mon gps flanche de nou­veau, la bat­terie extra n’a pas eu suff­isam­ment de temps pour se recharg­er lors de mon dernier arrêt à Walden. J’es­saie de redé­mar­rer mon gps, il s’al­lume quelques sec­on­des soit suff­isam­ment de temps pour me per­me­t­tre de voir où je suis et quelle dis­tance encore à franchir pour l’ar­rivée. Je con­tin­ue d’a­vancer et j’ai hâte de voir les lumières de la ville.

J’ai tou­jours cette crainte d’une crevai­son. Lorsque je passe une voie fer­rée ou fran­chis un pont, je me lève sur mes pédales afin d’al­léger ma roue arrière. Je com­mence à recon­naître des com­merces et des noms de rue. J’avais déjà passé à ces endroits en auto ou en vélo. A chaque inter­sec­tion, je prends le temps de véri­fi­er ma carte et la dis­tance sur mon odomètre. Seule­ment 5 milles et je serai arrivé. . De plus en plus con­fi­ant de ter­min­er, je repars comme si je venais de partir…McCaslin Blvd et par la suite 0,8 mille sur Dil­lon Rd et Fin­ish ». Je pèse sur les pédales mal­gré la fatigue et un manque d’al­i­men­ta­tion dans ce dernier 90 km. Une seule bouteille de liq­uide mais plusieurs bar­res ten­dres avalées.

Arrivée à 3h37 ce jeu­di matin soit après 71h37 min­utes depuis le départ. À un cer­tain moment, soit 120 Km avant la fin, je croy­ais pos­si­ble de ter­min­er en 70 heures. J’au­rai pris pra­tique­ment 5 heures pour cette dernière sec­tion. Cinq heures, pas à cause d’un manque d’én­ergie mais à cause de ces crevaisons, le temps pour véri­fi­er mon itinéraire, bat­terie … Heureux d’avoir ter­miné, je monte à la cham­bre, je mange et bois avant de pren­dre une douche et dormir.

Le lende­main matin, j’ap­prends que Michel est par­ti de Walden avec un autre cycliste et qu’il est arrivé pas longtemps après moi. Lorsque je le revois durant la journée, on se félicite mutuelle­ment et on échange sur ce 1200 km que nous venons de vivre et com­pléter.

Mer­ci à Jean Robert de nous avoir per­mis de réalis­er le brevet du 600 Km avant la date prévue au cal­en­dri­er et d’avoir fait le suivi de notre qual­i­fi­ca­tion avec l’or­gan­isa­teur du CHC 1200. Les dif­férents par­cours pour les brevets nous pré­par­ent très bien pour les 1200.

Mar­cel Mar­i­on