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Décembre 2024 — je reçois un message Slack de Kathia, membre du CA au CVRQ, qui m’informe que dans le cadre de notre partenariat avec la Race Across Québec (la RAQ, donc), j’ai gagné l’inscription gratuite dont bénéficiait notre club. Yé! Moi qui ne gagne jamais rien, c’est une excellente nouvelle, et une raison de plus de me pousser à l’entraînement en 2025.
La RAQ, qui en est à sa deuxième édition au Québec, fait partie d’une série de courses de cyclisme de longue distance qui comporte des épreuves similaires en France, Suisse, Belgique et Espagne, sur des distances s’étalant de 200 à 2500 kilomètres pour les épreuves de route (celles de gravelle étant moins longues).
Reste à décider de la distance parmi celles disponibles cette année: 300, 500, ou 1000? En décembre dernier je n’avais jamais encore parcouru plus de 300 km, mais je choisis tout de même le 500; j’aime les défis, et je sais déjà que je peux faire un 300, mais je ne suis peut-être pas encore prêt pour un 1000 km. L’inscription au 500 me motivera lors de la saison 2025 du CVRQ à tenter de plus longues sorties: une flèche en mai, un 600 en juin, et un 400 au début août. Mi-août arrive, je suis prêt!
Le départ
Vendredi 22 août, je me rends au GPAT de Terrebonne à 7h45 pour le briefing pré-course, le contrôle technique du vélo et du matériel, et bien sûr le grand départ. Contrairement à un brevet cycliste, un format qui nous est plus familier au CVRQ, le départ et la course se font en mode contre-la-montre individuel: un départ à toutes les 30 secondes, et une interdiction de rouler en groupe (à moins d’avoir formé une équipe officielle au préalable). Je n’ai pas l’habitude de rouler de longues distances en solo, surtout la nuit, mais ce sont les règles.
Marian et moi, prêts pour le départ
Plusieurs autres réguliers (et moins réguliers) que je connais du CVRQ sont sur le 500: Nicolas T., Francis M., Marian H., Anne V., Eric L. et Michel P. sont en solo, alors que Sébastien P. et Véronique S. forment une équipe. Nous sommes tous et toutes équipés d’un GPS, qui permettra à nos amis de nous suivre lors de l’événement, ce qui est très pratique. Mon départ est à 10h08 tapantes, j’enfourche ma monture de titane. Il fait soleil, il y a très peu de vent: l’occasion de pédaler fort sur les 40 premiers kilomètres, qui sont plutôt plats.
Ma photo officielle de départ, aux couleurs sursaturées (crédit photo: RAQ)
Première boucle: pas si facile que ça!
Les choses commencent rapidement à se corser une fois que les côtes débutent: il fait rapidement très chaud (le départ ayant eu lieu beaucoup plus tard que ce à quoi je suis habitué), ça monte, et le rythme général de la course est assez soutenu. On enchaîne des routes de gravelle, une petite montée à 24% à Montfort qui me force à descendre de mon vélo, et le corridor aérobique, qui est légèrement en descente et vraiment amusant à rouler, avec ses lacs et ses jolis paysages.
Une montée très ardue nous attend en bifurquant au Lac des Seize Îles. Erreur un peu critique, je n’ai pas prévu suffisamment d’eau pour me rendre bien hydraté jusqu’à St-Adolphe (km 105) vu le relief et la température, et je n’ai pas noté la localisation des dépanneurs hors du parcours. J’arriverai au marché de St-Adolphe épuisé et déshydraté, ce qui n’est jamais une bonne chose si tôt dans le parcours. Après une courte pause ainsi qu’un repas de pizza froide à la tomate et de Gatorade, j’entame la descente vers Morin Heights, en essayant tant bien que mal de récupérer de mon déficit. J’arrête une deuxième fois pour boire et manger au marché de St-Hippolyte, au km 140, après quoi je décide de rouler les 75 derniers kilomètres de la première boucle, plutôt en descente, sans m’arrêter.
J’arrive à la base à Terrebonne à 19h30, complètement cuit, et un peu découragé à l’idée de repartir pour un autre 325 km. Dans ces moments creux, on se questionne inévitablement sur nos choix de vie et de passe-temps. Francis, a.k.a. Mr Canifs Ruinée, est arrivé depuis quelques minutes, et est grosso modo dans le même état d’esprit que moi. Je croise les très sympathiques Fred et Zach de La Cordée, qui se préparent pour leur 300, on jase un petit bout; c’est toujours agréable de voir des visages connus quand on est à plat. Eric, Marian et Nicolas, arrivent successivement à la base à la fin de leur première boucle.
Et on repart!
Après deux plats de pâtes, quelques boissons gazeuses, et un peu d’eau dans le visage, je commence doucement à considérer un départ. Je quitte finalement la base vers 21h15, avec une énergie et un enthousiasme renouvelés. Je roule les 50 bornes jusqu’à Rawdon en solo, dans le noir, et à un bon rythme. J’aperçois Francis au McDo 24 heures (notre dernière chance de manger quelque chose de chaud avant 8h le samedi matin), et m’y arrête pour un trio Big Mac — un classique. Fait cocasse, avant de me lancer dans le vélo longue distance, je ne mangeais strictement jamais au McDo, mais depuis, je songe presque à me procurer une carte de fidélité. Quand on fait du vélo à des heures bizarres sur des routes de campagne, ce genre de restaurant devient en quelque sorte une oasis, et le café n’y est pas aussi mauvais qu’on pourrait le croire.
Je fais le plein d’eau en face chez Couche Tard, où je retrouve Eric et Marian, et je repars en “duo” avec Eric: on maintient entre nous une belle distance réglementaire, on ne veut pas tricher quand même, mais c’est toujours plus sûr de savoir que quelqu’un n’est pas trop loin lorsqu’on roule la nuit. Eric et moi parcourons les 90 kilomètres suivants presque sans arrêt jusqu’à St-Donat, où on fait un petit détour par le centre du village, bien désert à 4h du matin, pour remplir nos bidons et mettre une couche de vêtements en plus avant de s’attaquer au col du Nordet.
Rouler de nuit comporte certains dangers. Être bien visible est essentiel, mais il faut aussi bien voir devant soi, car la route nous réserve des fissures, des nids-de-poule, et bien souvent, malheureusement, des animaux morts dans l’accotement (en l’occurrence, j’ai évité de justesse un immense porc-épic, qui avait dû rendre l’âme dans la journée). Mais c’est aussi une expérience enivrante et méditative, où le temps et l’espace se dilatent ou se contractent (en fonction du niveau de fatigue), et où l’on se sent très loin de notre vie quotidienne.
Le soleil se pointe sur le Nordet
Le Nordet, bien que portant le nom de “col”, comporte une ascension et une descente somme toute modérées et plutôt agréables, car le dénivelé n’est pas abrupt, et la route est large. Roulant à nouveau en solo, j’y aperçois le soleil se pointer à l’horizon derrière moi. Je descends le Nordet et décide de faire une pause au bord du Petit Train, à Mont-Blanc, histoire de manger un peu (il me reste un sandwich beurre-de-pinottes-confiture dans mon sac) et de changer quelques vêtements.
Les vingt kilomètres suivants sont sur le Petit Train, donc je profite de la belle piste lisse (et vide à cette heure matinale) pour me délier les jambes et rouler à bonne vitesse. À Ste-Agathe, direction Ste-Lucie, où je m’arrête quelques minutes pour manger un sandwich à la halte cycliste Dans la Musette. La gentille propriétaire a ouvert son café tôt le matin en prévision de la RAQ, et a d’ailleurs déjà participé à des brevets cyclistes à l’époque du CVRM.
Plus que 105 km, je file vers Ste-Marguerite, et enfile Ste-Adèle, Piedmont et Ste-Anne-des-Lacs. Les organisateurs semblent avoir prévu plusieurs vilaines côtes dans cette section pour nous faire souffrir encore un peu; on commence à trouver ça moins drôle!
Au kilomètre 500, un autre 20 kilomètres sur le Petit Train, où j’essaie de dépenser toute l’énergie qui me reste, la tête dans le guidon. On traverse Bois-des-Filion, et on embarque sur la TransTerrebonne, qui semble absolument in-ter-mi-nable: à chaque intersection j’espère voir le GPAT, mais non, encore un kilomètre de gravelle, puis un autre. Les douze kilomètres les plus longs de ma vie.
Je franchis la ligne d’arrivée, 544 km au compteur et avec 5200 mètres de dénivelé, en un peu plus de 28 heures (mon objectif était moins de 30, donc mission accomplie!) Un petit public m’attend, comprenant les organisateurs, quelques amis et membres du CVRQ, mais c’est tranquille: les participants arrivent au compte-goutte. Anne et Francis sont déjà arrivés, Kathia est également là et se remet de son 1000. Eric (qui me suivait de pas très loin), Marian, Michel et Nicolas sont encore sur le parcours, mais rentrent l’un après l’autre à la base dans le courant de la journée et de la soirée.
Une bière et un trophée, tout ce qu’il faut pour retrouver le sourire (crédit photo: Martine B.)
À voir les résultats, il semble que le 500 a présenté de loin le plus haut taux d’abandon parmi les trois distances: plus d’un dossard sur quatre a la mention DNF. Outre les raisons de force majeure (bris mécanique, blessure, etc.), qui peuvent occasionner des problèmes sur toutes les distances, il semble que la difficulté de la première boucle, sous-estimée par beaucoup de participants, a beaucoup joué dans la balance: la plupart des abandons se sont produits juste avant le départ de la deuxième boucle. Repartir pour 325 km en début de nuit était en effet très dur mentalement. Le 1000 km comportait également deux boucles, mais les participants du 1000 étaient probablement plus expérimentés en moyenne dans les très longues distances.
Après une bière, deux burgers, une douche, une mini-sieste, et de très belles discussions avec les autres rescapés du weekend, je rembarque le vélo et rentre à la maison.
Il y a toujours énormément de travail derrière un tel événement, et celui-ci s’est déroulé sans aucune fausse note. Ce fut une très belle expérience, et une organisation vraiment irréprochable. Bravo aux bénévoles, organisateurs et participants, et à l’an prochain!