All Night Long ! Ma RAQ-500 2025 — 22–23 août par Frédéric Ratle

Publié le

Décem­bre 2024 — je reçois un mes­sage Slack de Kathia, mem­bre du CA au CVRQ, qui m’informe que dans le cadre de notre parte­nar­i­at avec la Race Across Québec (la RAQ, donc), j’ai gag­né l’inscription gra­tu­ite dont béné­fi­ci­ait notre club. Yé! Moi qui ne gagne jamais rien, c’est une excel­lente nou­velle, et une rai­son de plus de me pouss­er à l’entraînement en 2025.

La RAQ, qui en est à sa deux­ième édi­tion au Québec, fait par­tie d’une série de cours­es de cyclisme de longue dis­tance qui com­porte des épreuves sim­i­laires en France, Suisse, Bel­gique et Espagne, sur des dis­tances s’étalant de 200 à 2500 kilo­mètres pour les épreuves de route (celles de grav­elle étant moins longues). 

Reste à décider de la dis­tance par­mi celles disponibles cette année: 300, 500, ou 1000? En décem­bre dernier je n’avais jamais encore par­cou­ru plus de 300 km, mais je choi­sis tout de même le 500; j’aime les défis, et je sais déjà que je peux faire un 300, mais je ne suis peut-être pas encore prêt pour un 1000 km. L’inscription au 500 me motivera lors de la sai­son 2025 du CVRQ à ten­ter de plus longues sor­ties: une flèche en mai, un 600 en juin, et un 400 au début août. Mi-août arrive, je suis prêt!

Le départ

Ven­dre­di 22 août, je me rends au GPAT de Ter­re­bonne à 7h45 pour le brief­ing pré-course, le con­trôle tech­nique du vélo et du matériel, et bien sûr le grand départ. Con­traire­ment à un brevet cycliste, un for­mat qui nous est plus fam­i­li­er au CVRQ, le départ et la course se font en mode con­tre-la-mon­tre indi­vidu­el: un départ à toutes les 30 sec­on­des, et une inter­dic­tion de rouler en groupe (à moins d’avoir for­mé une équipe offi­cielle au préal­able). Je n’ai pas l’habitude de rouler de longues dis­tances en solo, surtout la nuit, mais ce sont les règles.

Mar­i­an et moi, prêts pour le départ

Plusieurs autres réguliers (et moins réguliers) que je con­nais du CVRQ sont sur le 500: Nico­las T., Fran­cis M., Mar­i­an H., Anne V., Eric L. et Michel P. sont en solo, alors que Sébastien P. et Véronique S. for­ment une équipe. Nous sommes tous et toutes équipés d’un GPS, qui per­me­t­tra à nos amis de nous suiv­re lors de l’événement, ce qui est très pra­tique. Mon départ est à 10h08 tapantes, j’enfourche ma mon­ture de titane. Il fait soleil, il y a très peu de vent: l’occasion de pédaler fort sur les 40 pre­miers kilo­mètres, qui sont plutôt plats. 

Ma pho­to offi­cielle de départ, aux couleurs sur­sat­urées (crédit pho­to: RAQ)

Pre­mière boucle: pas si facile que ça!

Les choses com­men­cent rapi­de­ment à se cors­er une fois que les côtes débu­tent: il fait rapi­de­ment très chaud (le départ ayant eu lieu beau­coup plus tard que ce à quoi je suis habitué), ça monte, et le rythme général de la course est assez soutenu. On enchaîne des routes de grav­elle, une petite mon­tée à 24% à Mont­fort qui me force à descen­dre de mon vélo, et le cor­ri­dor aéro­bique, qui est légère­ment en descente et vrai­ment amu­sant à rouler, avec ses lacs et ses jolis paysages. 

Une mon­tée très ardue nous attend en bifurquant au Lac des Seize Îles. Erreur un peu cri­tique, je n’ai pas prévu suff­isam­ment d’eau pour me ren­dre bien hydraté jusqu’à St-Adolphe (km 105) vu le relief et la tem­péra­ture, et je n’ai pas noté la local­i­sa­tion des dépan­neurs hors du par­cours. J’arriverai au marché de St-Adolphe épuisé et déshy­draté, ce qui n’est jamais une bonne chose si tôt dans le par­cours. Après une courte pause ain­si qu’un repas de piz­za froide à la tomate et de Gatorade, j’entame la descente vers Morin Heights, en essayant tant bien que mal de récupér­er de mon déficit. J’arrête une deux­ième fois pour boire et manger au marché de St-Hip­poly­te, au km 140, après quoi je décide de rouler les 75 derniers kilo­mètres de la pre­mière boucle, plutôt en descente, sans m’arrêter. 

J’arrive à la base à Ter­re­bonne à 19h30, com­plète­ment cuit, et un peu découragé à l’idée de repar­tir pour un autre 325 km. Dans ces moments creux, on se ques­tionne inévitable­ment sur nos choix de vie et de passe-temps. Fran­cis, a.k.a. Mr Can­i­fs Ruinée, est arrivé depuis quelques min­utes, et est grosso modo dans le même état d’esprit que moi. Je croise les très sym­pa­thiques Fred et Zach de La Cordée, qui se pré­par­ent pour leur 300, on jase un petit bout; c’est tou­jours agréable de voir des vis­ages con­nus quand on est à plat. Eric, Mar­i­an et Nico­las, arrivent suc­ces­sive­ment à la base à la fin de leur pre­mière boucle. 

Et on repart!

Après deux plats de pâtes, quelques bois­sons gazeuses, et un peu d’eau dans le vis­age, je com­mence douce­ment à con­sid­ér­er un départ. Je quitte finale­ment la base vers 21h15, avec une énergie et un ent­hou­si­asme renou­velés. Je roule les 50 bornes jusqu’à Raw­don en solo, dans le noir, et à un bon rythme. J’aperçois Fran­cis au McDo 24 heures (notre dernière chance de manger quelque chose de chaud avant 8h le same­di matin), et m’y arrête pour un trio Big Mac — un clas­sique. Fait cocasse, avant de me lancer dans le vélo longue dis­tance, je ne mangeais stricte­ment jamais au McDo, mais depuis, je songe presque à me pro­cur­er une carte de fidél­ité. Quand on fait du vélo à des heures bizarres sur des routes de cam­pagne, ce genre de restau­rant devient en quelque sorte une oasis, et le café n’y est pas aus­si mau­vais qu’on pour­rait le croire.

Je fais le plein d’eau en face chez Couche Tard, où je retrou­ve Eric et Mar­i­an, et je repars en “duo” avec Eric: on main­tient entre nous une belle dis­tance régle­men­taire, on ne veut pas trich­er quand même, mais c’est tou­jours plus sûr de savoir que quelqu’un n’est pas trop loin lorsqu’on roule la nuit. Eric et moi par­courons les 90 kilo­mètres suiv­ants presque sans arrêt jusqu’à St-Donat, où on fait un petit détour par le cen­tre du vil­lage, bien désert à 4h du matin, pour rem­plir nos bidons et met­tre une couche de vête­ments en plus avant de s’attaquer au col du Nordet. 

Rouler de nuit com­porte cer­tains dan­gers. Être bien vis­i­ble est essen­tiel, mais il faut aus­si bien voir devant soi, car la route nous réserve des fis­sures, des nids-de-poule, et bien sou­vent, mal­heureuse­ment, des ani­maux morts dans l’accotement (en l’occurrence, j’ai évité de justesse un immense porc-épic, qui avait dû ren­dre l’âme dans la journée).  Mais c’est aus­si une expéri­ence enivrante et médi­ta­tive, où le temps et l’espace se dila­tent ou se con­tractent (en fonc­tion du niveau de fatigue), et où l’on se sent très loin de notre vie quo­ti­di­enne.

Le soleil se pointe sur le Nordet

Le Nordet, bien que por­tant le nom de “col”, com­porte une ascen­sion et une descente somme toute mod­érées et plutôt agréables, car le dénivelé n’est pas abrupt, et la route est large. Roulant à nou­veau en solo, j’y aperçois le soleil se point­er à l’horizon der­rière moi. Je descends le Nordet et décide de faire une pause au bord du Petit Train, à Mont-Blanc, his­toire de manger un peu (il me reste un sand­wich beurre-de-pinottes-con­fi­ture dans mon sac) et de chang­er quelques vête­ments. 

Les vingt kilo­mètres suiv­ants sont sur le Petit Train, donc je prof­ite de la belle piste lisse (et vide à cette heure mati­nale) pour me déli­er les jambes et rouler à bonne vitesse. À Ste-Agathe, direc­tion Ste-Lucie, où je m’arrête quelques min­utes pour manger un sand­wich à la halte cycliste Dans la Musette. La gen­tille pro­prié­taire a ouvert son café tôt le matin en prévi­sion de la RAQ, et a d’ailleurs déjà par­ticipé à des brevets cyclistes à l’époque du CVRM.

Plus que 105 km, je file vers Ste-Mar­guerite, et enfile Ste-Adèle, Pied­mont et Ste-Anne-des-Lacs. Les organ­isa­teurs sem­blent avoir prévu plusieurs vilaines côtes dans cette sec­tion pour nous faire souf­frir encore un peu; on com­mence à trou­ver ça moins drôle!

Au kilo­mètre 500, un autre 20 kilo­mètres sur le Petit Train, où j’essaie de dépenser toute l’énergie qui me reste, la tête dans le guidon. On tra­verse Bois-des-Fil­ion, et on embar­que sur la TransTer­re­bonne, qui sem­ble absol­u­ment in-ter-mi-nable: à chaque inter­sec­tion j’espère voir le GPAT, mais non, encore un kilo­mètre de grav­elle, puis un autre. Les douze kilo­mètres les plus longs de ma vie.

Je fran­chis la ligne d’arrivée, 544 km au comp­teur et avec 5200 mètres de dénivelé, en un peu plus de 28 heures (mon objec­tif était moins de 30, donc mis­sion accom­plie!) Un petit pub­lic m’attend, com­prenant les organ­isa­teurs, quelques amis et mem­bres du CVRQ, mais c’est tran­quille: les par­tic­i­pants arrivent au compte-goutte. Anne et Fran­cis sont déjà arrivés, Kathia est égale­ment là et se remet de son 1000. Eric (qui me suiv­ait de pas très loin), Mar­i­an, Michel  et Nico­las sont encore sur le par­cours, mais ren­trent l’un après l’autre à la base dans le courant de la journée et de la soirée.

Une bière et un trophée, tout ce qu’il faut pour retrou­ver le sourire (crédit pho­to: Mar­tine B.)

À voir les résul­tats, il sem­ble que le 500 a présen­té de loin le plus haut taux d’abandon par­mi les trois dis­tances: plus d’un dos­sard sur qua­tre a la men­tion DNF. Out­re les raisons de force majeure (bris mécanique, blessure, etc.), qui peu­vent occa­sion­ner des prob­lèmes sur toutes les dis­tances, il sem­ble que la dif­fi­culté de la pre­mière boucle, sous-estimée par beau­coup de par­tic­i­pants, a beau­coup joué dans la bal­ance: la plu­part des aban­dons se sont pro­duits juste avant le départ de la deux­ième boucle. Repar­tir pour 325 km en début de nuit était en effet très dur men­tale­ment. Le 1000 km com­por­tait égale­ment deux boucles, mais les par­tic­i­pants du 1000 étaient prob­a­ble­ment plus expéri­men­tés en moyenne dans les très longues dis­tances.

Après une bière, deux burg­ers, une douche, une mini-sieste, et de très belles dis­cus­sions avec les autres rescapés du week­end, je rem­bar­que le vélo et ren­tre à la mai­son. 

Il y a tou­jours énor­mé­ment de tra­vail der­rière un tel événe­ment, et celui-ci s’est déroulé sans aucune fausse note. Ce fut une très belle expéri­ence, et une organ­i­sa­tion vrai­ment irréprochable. Bra­vo aux bénév­oles, organ­isa­teurs et par­tic­i­pants, et à l’an prochain!