Au delà de mes limites par Gilles Coutu

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Super mon pre­mier 600 km! Je ne pou­vais deman­der mieux. À mon avis, la tem­péra­ture était idéale. Cepen­dant, à ce moment, je ne réal­i­sais pas à quel point le fac­teur tem­péra­ture con­tribuerait à ren­dre les journées pénibles. De tous les brevets que j’ai par­ticipé (200/300/400) enfin il y en avait un qui était pour être fait sous un soleil chaud! Enfin, j’ar­rive à St-Lam­bert fin prêt pour ce départ de 600 km. La pho­to prise, le vélo prêt, les items de sécu­rité en place, le psy­ché gon­flé à bloc, je décolle. Mer­veilleuse mat­inée d’été tout est calme et ça roule très, très bien.

1er point de con­trôle: St-Césaire (km 55)

Je me sens bien, les jambes répon­dent bien, je mange un peu et hop, je repars en com­pag­nie de trois autres ran­don­neurs. Tout allait super bien, mais la tem­péra­ture com­mençait à mon­ter rapi­de­ment et là nous étions encore tôt dans la mat­inée. Aux alen­tours de la ville d’Or­ford en descen­dant une petite côte, Mar­tin Dugré a une crevai­son. Son pneu écla­ta comme un coup de fusil. Pas de dom­mages et surtout il gar­da le con­trôle de sa mon­ture tel un maître expéri­men­té. Pour ma part cette crevai­son m’indi­quait que je devais être con­cen­tré à tout moment de la journée pour de tels imprévus.

2e point de con­trôle: Comp­ton (km 181)

Après le début des côtes tout en regar­dant les mer­veilleux paysages, il fut temps de dîn­er. Un bon arrêt de repos, rav­i­taille­ment et rafraichisse­ment était au menu. C’est là que nous avons rejoint Mar­tin Doy­on. Nous repar­tions tous ensem­ble et sommes restés ensem­ble pour la majorité de la journée. Mon corps répondait tou­jours bien à l’ap­pel. Sur le coté de l’hy­drata­tion et la nour­ri­t­ure, tout allait aus­si bien.

3e point de con­trôle: Cook­shire (km 236)

Ouf. Un arrêt rafraichisse­ment pour moi était dû. Je ne sais pas trop, mais le fait d’avoir roulé sur le pavé noir neuf était bien. Cepen­dant, je crois que mon pre­mier coup de chaleur est attribuable en par­tie à cause de la tem­péra­ture qui s’en dégageait. L’ar­rêt fût quand même assez court et je croy­ais m’en remet­tre en ralen­tis­sant le rythme un peu. Erreur!!! À ce moment-là, j’ai sous-estimé l’ef­fet de la chaleur sur mon corps et la fatigue qui venait avec. Je me suis dit que les pre­miers 210 km se sont bien déroulés donc, pourquoi pas les prochains 200 km. J’avais hâte d’aller au Lac Mégan­tic, mais je ne savais pas que mon corps refuserait d’ingér­er de la nour­ri­t­ure pour ces 200 km, soit jusqu’à Lennoxville. Alors, mon vrai défi com­mençait. De Cook­shire au Lac Mégan­tic, ça monte, ça monte et ça monte encore. Ma tem­péra­ture cor­porelle ne ces­sait de grimper avec ces côtes. Inca­pable de me refroidir. Partout où je pas­sais, je me douchais avec de l’eau fraîche en m’a­chetant des bouteilles d’eau froide. En milieu de par­cours entre Cookshire/ Lac-Mégan­tic vis­i­ble­ment mon corps était en sur­chauffe et le groupe se détachait avec aise. Puisque je roulais seule, j’ai arrêté plusieurs fois et je me suis ques­tion­né plus d’une cinquan­taine de fois à savoir si je con­tin­u­ais ou j’a­ban­don­nais. j’ai donc adop­té une stratégie pour me ren­dre au Lac Megan­tic. Je me fix­ais un objec­tif d’une pause de cinq min­utes à tous les 10 km. À vrai dire, je ne peux vous dire si je l’ai bien appliqué, car mal­gré tout je per­dais le fil du temps. Cepen­dant, juste le fait de savoir que j’avais une stratégie pour m’y ren­dre m’a énor­mé­ment aidé puisque je focal­i­sais mes éner­gies sur de petits objec­tifs.

4e point de con­trôle : Lac Mégan­tic (km 329)

Enfin arrivé. Corps meur­tri, état lam­en­ta­ble, moral quelque peu défait, mes idées étaient floues et les par­ties du corps que vous savez, trop engour­dies pour savoir qu’ils exis­taient encore. Les autres ran­don­neurs étaient con­tents de me voir et moi de même. Au moment de mon arrivé j’ai avisé les gars que je me rendais pas à Lennoxville et que dormi­rais au Lac Mégan­tic. De plus, si mon état n’é­tait pas mieux le lende­main, j’a­ban­don­nerais. Ils étaient tous déçus pour moi, je me suis couché dans le gazon du Tim Hor­ton 15 min­utes. Que ça fait du bien! Vous auriez dû voir com­ment le monde nous regar­dait, c’é­tait drôle de voir leur tête, mais on devait être encore plus drôle qu’eux, surtout avec mon corps qui ne voulait plus suiv­re. Encore une fois, la nour­ri­t­ure ne ren­trait pas. De plus, tous les motels du Lac Mégan­tic affichaient com­plet. Vrai­ment pas de chance, me dis-je! « D’la chenoute », je ne suis plus capa­ble! Avec mes idées con­fus­es et telle­ment écoeuré j’ai dit aux gars que j’al­lais me couch­er quelque part dans le gazon. Ça n’avait aucun sens. Ils m’ont con­va­in­cu de rouler avec eux jusqu’à Lennoxville. À ce moment j’ai réal­isé que j’é­tais avec de vrais ran­don­neurs gen­tle­mans. Je n’ai que de bons mots pour ces qua­tre gars là, soit Patrick Castel­lon, Mar­tin Doy­on, Mar­tin Dugré et Frédéric Per­man. À vous qua­tre mes chers; MERCI MESSIEURS!!! La dis­tance entre Lac Mégan­tic /Lennoxville n’é­tait pas longue, mais il a été long en temps. mul­ti­ples crevaisons, vitesse réduite, une chute sans dom­mages de ma part, ho lala! Quelle nuit!

5e point de con­trôle : Lennoxville (km 420)

Houpi! Hour­ra! Allons nous couch­er. En effet, 4 heures de som­meil et enfin j’ai pu manger. L’estom­ac l’a gardé. Que ça fait du bien. En route pour Cow­ans­ville. Je me sens rel­a­tive­ment bien jusqu’au moment ou nous enta­mons la pre­mière côte de la journée soit à 0.3 km après notre départ. OUCH!! Quelle côte en sor­tant de l’U­ni­ver­sité Bish­ops! Je croy­ais être inca­pable de garder mon déje­uner. Enfin je roulais bien les pre­miers 50 km. Ensuite même rou­tine que la veille. Je ne com­pre­nais pas qu’il était seule­ment 11 h 30 et que je sur­chauf­fais déjà. En plus, je n’avais plus d’én­ergie. Évidem­ment, j’avais sur­taxé mon corps la veille et j’é­tais en carence nutri­tive. Donc, beau­coup de paus­es d’hy­drata­tion et le peu de nour­ri­t­ure que j’é­tais capa­ble de retenir. Évidem­ment encore une fois la dis­tance entre moi et les gars s’a­gran­dis­sait au fil des km. C’é­tait la dernière fois que je voy­ais leur dos penché sur leur vélo pour le reste du par­cours. À par­tir de ce moment, j’é­tais seul jusqu’à la fin de ce long défi. Avant d’ar­riv­er au prochain point de con­trôle je ne fai­sais que rêver de me lancer à l’eau dans un des nom­breux ruis­seaux que j’ai côtoyés pen­dant ce tra­jet, mais mal­heureuse­ment inter­dits aux baigneurs.

6e point de con­trôle : Cow­ans­ville (km 518)

Juste à temps, soit 40 min­utes avant l’heure lim­ite. Épuisé, mais encour­agé, réal­isant que je pour­rais man­quer la dernière heure de con­trôle, je me suis éten­du dans le gazon et j’ai gardé comme idée de ter­min­er cette ran­don­née pour moi. J’ai ensuite mangé, ce qui m’a fait beau­coup de bien et je suis repar­ti. Étant don­né qu’il n’y avait plus de côtes, le vent se mit de la par­tie pour me faire suer davan­tage. Chaleur acca­blante, je suis arrêté dans un IGA pour m’a­cheter une autre douche de 4 litres Naya. Que ça fait du bien, c’est froid et cela fait rêver à la piscine qui m’at­ten­tais au bout du par­cours. Ha oui moi qui ne bois jamais de liqueur noire, je me clenche mon qua­trième Pep­si de la fin de semaine. Bou­tons d’ac­né à venir. Mais je m’en fou, je retrou­ve de l’én­ergie, j’en­fourche mon vélo et je repars.

7e point de con­trôle : St-Lam­bert (km 606)

Je vais réus­sir! Je vais y arriv­er! Avec un gros vent de face, la vitesse n’y était pas, mais la déter­mi­na­tion y était. Je sen­tais mes forces baiss­er à chaque coup de pédale. Je ne sen­tais plus mes mains telle­ment elles étaient engour­dies. Les fess­es, on en par­le même plus depuis 200 km. C’est avec un corps meur­tri d’ef­forts que j’ar­rive à St-Lam­bert. Heureux d’être arrivé, soulagé de pou­voir enfin pren­dre du repos.

Ce 600 km était un gros défi pour moi. Autant physique que psy­chologique. Je m’y attendais. Je l’ai fait et j’en suis fier. Cer­tains m’ont traité de fou, mais bon! Mer­ci à tous ceux qui m’ont encour­agé avant et pen­dant ce défi. Sans vous tous ça aurait été encore plus dif­fi­cile. Bonne ran­don­née et soyez pru­dents.

Gilles Coutu

3 juil­let 2010