La flèche 2011 des jambes d’acier par Carl Morin

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Ce qui suit est illus­tré ici.


Nous devions être 4, nous serons 3; Mar­tin Dugré, Math­ieu Lapointe, notre cap­i­taine et nav­i­ga­teur (il avait mémorisé le tra­jet), et moi. 2 vélos mul­ti-vitesses et un pignon fixe; Mar­tin Dugré roulera sur la même vitesse au cours du tra­jet, et moi en 43 x 15.

Comme je le fais sou­vent, je quitte la mai­son en vélo pour me ren­dre au point de départ des brevets. Cette fois, nous quit­tons de Ste-Dorothée à Laval. Math­ieu m’y a accueil­li, ain­si que sa famille, bien chaleureuse­ment. Mer­ci pour le bon café!

Nous sommes par­tis vers 8:05 du matin, ce same­di 21 mai. Il fai­sait nuageux et assez frais. J’avais plusieurs nou­veautés en ma com­pag­nie: un SPOT Mes­sen­ger de Mar­tin Doy­on et mon pro­pre SPOT Con­nect, le tout pour per­me­t­tre à d’autres de nous suiv­re, mais surtout per­me­t­tre à nos com­pagnes de nous suiv­re et être ras­surées. Finale­ment, le SPOT Con­nect me fera faux bond en route, prob­a­ble­ment parce que je n’ai pas fait les bonnes manoeu­vres, alors que le Mes­sen­ger fera son tra­vail. Mer­ci Mar­tin!

Nous avons bien roulé avec un bon vent, pas­sant par Oka. Nous avons du affron­ter un vent de face par moment, mais notre équipe roulait assez ser­rée; un bon pelo­ton effi­cace. Arrivé au Parc d’O­ka, le ciel était dégagé, il com­mençait à faire chaud; nous étions bien! Sur le chemin de la piste cyclable du parc, nous avons ren­con­tré 2 cyclistes qui nous annon­cèrent que la piste était sub­mergée un peu plus loin. Nous nous sommes lancés tout de même, et nous avons du pédaler dans de l’eau, sur une dis­tance de 100 ou 150 mètres, par­mi des mass­es de tétards, sur le fond nou­velle­ment vaseux de la piste. Les pieds mouil­lés, nous avons pour­suivi notre route, sous un soleil radieux.

Nous aurons notre pre­mier con­trôle à St-André d’Ar­gen­teuil. Nous étions biens et avions fait un bon temps. Nous nous sommes alors élancés pour la suite.

Je n’ai pas bu beau­coup d’eau; les effets ont com­mencé à se faire sen­tir. J’ai com­mencé à avoir des cram­pes au mus­cles situés à l’in­térieur de la cuisse, aux deux jambes, en-dessous, juste au moment ou j’abor­dais une pente J’en avait fait plusieurs jusque là, mais force était de con­stater que je n’avais plus le même ren­de­ment qu’a­vant. En fait, je n’ai pris jusqu’alors que le 5ième de ma bouteille. Il fai­sait près de 30 Cel­sius! J’ai du mon­ter une côte à pied, mes jambes répon­dant bien mal à l’ef­fort… Morale de cette his­toire : il faut boire régulière­ment sous l’ef­fort, et plus fréquem­ment quand il fait chaud et que l’ef­fort demandé est plus grand!

Au km 75, nous avions com­mencé ce qui sera une longue série de mon­tées qu’au km 300. Nous avons fait un arrêt rel­a­tive­ment rapi­de pour nous rav­i­tailler un peu au km 100, à Mor­in­Heights. Une fois repris les bonnes habi­tudes toute­fois, je n’ai plus vrai­ment eu de prob­lèmes. A Ste-Agathe-des-Monts, nous avons pris une bonne pause et avons mangé dans un fast food. J’ai pris les restants de leur soupe poulet et riz, suivi plus tard d’un sand­wich boulettes de viande et sauce tomate. J’ai aus­si bu beau­coup.

Nous avons pour­suivi sur la belle route qui nous mèn­era au Nordet, ral­liant St-Donat par une belle épreuve de côtes bien pentues, sous un soleil per­dant gradu­elle­ment de sa force. A St-Donat, j’ai argué faible­ment pour une plus longue pause; Mar­tin et Math­ieu sont alors d’avis que nous devri­ons prof­iter du jour; je crois au con­traire que nous devri­ons nous repos­er et bien nous rav­i­tailler avant d’en faire plus. Mais voilà; mes deux com­pars­es craig­nent que nous arriv­ions trop tard… Comme je ne sais trop quelle sorte d’épreuve nous attend, je me plie à la majorité. C’est vrai qu’il nous restait à peu près 12 hres pour com­pléter un peu plus de 200km. Math­ieu part en avance, un peu découragé de notre per­for­mance et de ce qui reste à faire. Mar­tin est égal à lui-même, peu expres­sif, mais je sens une cer­taine ten­sion dans l’ar­gu­ment dans faire le plus pos­si­ble de jour. Pour ma part, je suis sim­ple­ment fatigué, mais j’es­saie de m’en­cour­ager intérieure­ment; je me gave de 2 sand­wichs à la dinde, 2 bois­sons au yogourt, un lait au choco­lat, et un breuvage à l’o­r­ange ter­ri­ble­ment trop sucré.

Nous avons rejoint Math­ieu, Mar­tin et moi, 30 min­utes plus tard. Il était de meilleure humeur, et ça fai­sait plaisir à voir. Le soleil se couchait et rendait le paysage mer­veilleux de couleurs chaudes et cha­toy­antes, dans des tons emmêlés de bleu, d’o­r­ange et de rouge vif. Une douceur pour l’oeil qui a vu de l’eau trop longtemps. Mer­ci au Créa­teur pour ce beau moment!

La nuit tom­ba finale­ment, et les pentes étaient moins abruptes, et aus­si plus rap­prochées des descentes; un petit effort sup­plé­men­taire dans les descentes facil­i­tait des remon­tées avec des efforts bien moin­dres. On s’est amusé dans ces val­lons pen­dant un bout, et c’é­tait fort agréable!

La piste ne s’est que facil­itée avec le temps. Sauf pour une autre pente que j’ai du mon­ter à pied, de nuit (pour une rare fois, je suiv­ais der­rière, et les gars ont mon­té trop lente­ment pour que je puisse acquérir assez de quan­tité de mou­ve­ment pour escalad­er à bonne cadence. Résul­tat; décrochage! C’est pour ça d’ailleurs que je suis plus sou­vent devant que der­rière…)

Les paus­es se firent de plus en plus longues, à mesure que nous nous rap­pro­chions de notre objec­tif.

A St-Gabriel de Bran­don, je me suis ren­du compte que je tra­vail­lais plus fort sur le plat; ma chaîne fai­sait un bruit, et je me suis ren­du compte que cette dernière n’avait plus de lubri­fi­ca­tion. Pour résoudre cette sit­u­a­tion, puisque per­son­ne n’avait de lubri­fi­ant à chaîne, j’ai pris… du beurre! Cela a fonc­tion­né pour les 100 km suiv­ants…

Arrivés à Ter­re­bonne, nous avons pris une pause à un resto-rapi­de. Puis, nous avons entamé la dernière par­tie de notre brevet. Nous sommes arrivés un peu avant 8 heures du matin au point de chute à Ste-Dorothée, avec la famille de Math­ieu pour nous accueil­lir avec des crois­sants, du jus, et les sourires ent­hou­si­astes des enfants de Math­ieu et son épouse.

Le ciel s’é­tait alors cou­vert, et il fai­sait plutôt frais et humide; peut-être à cause de nos vête­ments trem­pés de sueur et de rosée mati­nale?. Nous nous sommes séparés, et Mar­tin et moi avons pour­suiv­is vers Mon­tréal pour un repos bien mérité.

Au cours de la route, j’ai tenu les devants du pelo­ton assez sou­vent. Dans les descentes, mes com­pars­es me suiv­aient la plu­part du temps, sauf d’autres moments ou ils ont prof­ité de belles accéléra­tions. Pour ma part, je n’ai pas voulu aller plus vite que 52km/hre, puisqu’en pignon fixe, cela me don­nait près de 160 de cadence. Les deux mains sur les freins, j’ai descen­du sou­vent afin de m’as­sur­er de ma sécu­rité; tout a bien été.

Je n’ai que de bons mots et du respect pour mes 2 com­pars­es; Math­ieu nous a fait un superbe tra­jet et a excel­lé en tant que nav­i­ga­teur. Le tra­jet était un superbe défi pour le corps, mais aus­si pour le men­tal; 2 jours après, je me sur­prends à me deman­der, alors que je marche sur le trot­toir, si on va finir… Mar­tin a pédalé sans jamais chang­er de vitesse, comme pour m’ac­com­pa­g­n­er dans mon pro­jet de rouler en pignon fixe. Des com­pagnons sym­pa­thiques, avec la même déter­mi­na­tion; finir ensem­bles. Nous avons réus­si.

Carl Morin, 21 mai 2011