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Vendredi, 17h23.
J’ai osé sur Slack : « Bon, on n’annule pas alors, lol? »
Cela fait une semaine que la météo nous joue des tours, passant d’un grand ciel bleu à une pluie continue. Ce sera donc une pluie continue pour commencer.
D’un côté, je suis super enthousiaste : c’est ma première Flèche ! Rien que le mot a une saveur de « Flèche Brabançonne » ou « Flèche Wallonne », comme chez les pros. C’est un défi sportif sur 24 heures, avec la promesse d’une nuit calme passée à rouler. Et puis, il y a la perspective grisante de connecter tous les ponts couverts de la Rive-Sud, sur un parcours que je connais et que j’aime particulièrement. Ces ponts, que j’affectionne, sont les témoins de notre patrimoine — et j’aurai le plaisir de les retrouver en bonne compagnie, avec un groupe de cinq cyclistes chevronnés.
En temps normal, je ne roulerais pas avec Kathia, Francis ou Jonathan — il y a de fortes chances qu’ils soient dans le groupe devant moi. Mais c’est toujours un plaisir de partager leur roue : ambiance garantie ! Et il y a aussi de rencontrer Jean-Philippe, nouveau membre du CVRQ cette saison.
20h. C’est partiiiiiiii !
Nos « Randowokes » vont rester éveillés toute la nuit. Un nom à contre-emploi, parfait pour moi.
Pas l’ombre d’un doute dans le groupe. Le fait de devoir compter sur ses partenaires pour mener à bien ce parcours de 395 kilomètres est le garant d’un succès sain. Mon mental est calé sur « la mission », et la mission, c’est de rejoindre les deux autres équipes et nos parents/amis à 20h demain au Siboire. Je penserai souvent à ce rendez-vous pendant les 24 heures à venir.
Cap au sud, le long de la nouvelle piste cyclable jusqu’à Huntingdon. La nuit défile, avec l’odeur d’un café Tim Hortons et le froissement d’un paquet de chips Covered Bridge, parfaitement choisi.
Les premiers ennuis arrivent : deux crevaisons coup sur coup pour moi, Kathia en aura deux autres le long du chemin de la frontière. On se réconforte comme on peut avec un bol de soupe déshydratée à Huntingdon. Ce sera notre dernier repas chaud avant huit longues heures proche du zéro degré ressenti.
Après le pont de Powerscourt — le plus ancien pont couvert au Canada —, nous descendons Covey Hill sous une accalmie passagère. Des nappes de brume se détachent des reliefs printaniers. Bientôt, la fin des gouttes… et un petit déjeuner chaud nous attend au Rest-Ô-Vieux Poêle à Noyan.
Quand on passe la nuit sous la pluie sans fermer l’œil, un plat chaud (ou deux) devient une bénédiction. On prend le temps de se changer. La pluie est supposée s’arrêter (spoiler : on en aura encore pour six heures), et on repart vers l’est de la Montérégie. Les ponts couverts défilent : ponts de style Town ou Howe, le pont Guthrie — le plus court au Québec —, mais assez long pour un arrêt au sec.
14h00
Nous repartons de Cowansville, la pluie s’arrête enfin. Soupir. Il reste trois ponts couverts et quelques routes bucoliques en gravelle. Nous sommes repus d’un bon dîner au McDo. Une dernière crevaison vient tester notre patience, mais après ça, la route est droite, la pente est nulle.
Ce sont les six plus belles heures de notre vie de cyclistes. À la minute près, nous débarquons au Siboire, juste après les deux autres équipes de courageux descendant des Laurentides — ils ont eu moins de pluie, mais plus de froid.
J’avais pensé rentrer directement chez moi pour panser mes plaies, mais finalement, je suis restée une heure et demie à déguster une bonne poutine et une bière, en très agréable compagnie. Il y avait autant d’histoires à raconter que de cyclistes autour de la table. Peut-être que c’est ça, au fond, le vrai point fort de cet événement : cette satisfaction partagée.
Au plus fort des grelottements et de la fatigue, j’ai dit : « Plus jamais ! » Mais le lendemain matin, j’avais déjà une idée pour la Flèche de l’an prochain. Les bornes frontières entre le Québec et l’Ontario…Rendez-vous en 2025 ?
https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_ponts_couverts_au_Qu%C3%A9bec