Marielle repousse ses limites

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«Allez Marielle, c’est la fin de l’été, on a pas mal roulé sur nos bécyks, on est plutôt en forme, alors pourquoi pas ter­min­er la belle sai­son en beauté et se faire un petit 200 km en une journée?» Ma dul­cinée me dit qu’elle va y réfléchir et comme ce n’est pas un non caté­gorique, je prends pour acquis que le défi est lancé. Il ne me reste plus qu’à trou­ver une boucle de 200 bornes autour de Mon­tréal !

Puisque notre maitre en cir­cuit vélo au Québec sur le net, j’ai nom­mé l’ex­cel­lent Patrice Mar­cotte, pro­fesseur à l’U­ni­ver­sité de Mon­tréal (mot clé Véloberville sur Google), ne nous pro­pose rien à ce kilo­mé­trage, aus­si en sur­fant sur le web, je tombe sur des sites con­tenant le terme brevet de 200 km. À ce terme brevet, mon sang ne fait qu’un tour car cela me rep­longe instan­ta­né­ment dans mes sou­venirs de cyclo­tourisme en France, lorsque j’é­tais plus jeune, du temps où je fai­sais par­ti d’un club cyclo et cela pen­dant de nom­breuses années. Là bas, au pays de la baguette, du vin rouge et du camem­bert, le cyclo­tourisme est roi (surtout le dimanche matin) et la petite reine se taille une grande part dans les loisirs préférés des français Et grâce à sa dynamique fédéra­tion, la FFCT, les brevets ran­don­neurs, mon­tag­nards, Audax et autres, je les con­nais pour en avoir com­plété plusieurs avec mes cama­rades de club, mais jamais plus de 300 km car j’avais peur de rouler la nuit … et aus­si je ne pen­sais pas en être capa­ble! J’en­vi­ais déjà celles et ceux qui par­tic­i­paient à des brevets plus audax­ieux (jeu de mot) de 400, 600 et 1000 bornes, qual­i­fi­cat­ifs pour le fameux Paris-Brest-Paris. Je me dis que ce serait pour moi l’aboutisse­ment d’une car­rière de cyclo et qu’il faudrait que je le fasse un de ces jours au cours de ma vie et avant de tir­er ma révérence sur cette belle planète bleue !

Mais revenons au début de la semaine de notre inscrip­tion à ce brevet de 200 organ­isé par le Club Vélo des Ran­don­neurs de Mon­tréal, l’un des rares clubs au Québec, sinon le seul, à pro­pos­er la série des brevets qual­i­fi­cat­ifs au PBP (1200 km faut-il le rap­pel­er!) en rela­tion avec le club des Audax Parisiens qui homo­logue ce genre d’épreuve. Car ce sont bien d’épreuves physiques et men­tales dont on par­le avec leur lot de péripéties, d’aven­tures humaines de toutes sortes, de véri­ta­bles épopées, sujets à de fab­uleux réc­its qui m’ont tou­jours pas­sion­nés lorsque j’é­tais plus jeune et encore main­tenant. Par échange de cour­riel avec des mem­bres du CVRM, fort aimables à vrai dire, notre inscrip­tion est enreg­istrée sous réserve de la météo, car tels des chats qui n’ai­ment pas l’eau et surtout ma chérie, il n’est pas ques­tion de rouler si dame nature n’est pas de notre côté, autant que cette pre­mière expéri­ence soit agréable, sacre­bleu!

Enfin nous voilà arrivés au same­di 10 sep­tem­bre 2011 à 6h30 sur le sta­tion­nement du parc de la voie mar­itime à St Lam­bert. La journée s’an­nonce sous les meilleurs aus­pices puisque le soleil est au ren­dez-vous escomp­té et qu’il le restera pour tout notre périple, ain­si qu’un vent qui s’avér­era mod­éré et donc pas trop pénal­isant. Nous salu­ons quelques cyc­los présents débal­lant leur matériel dont un mau­dit français, Frédéric Per­man qui porte un superbe mail­lot flam­bant neuf du dernier Paris-Brest-Paris 2011 qui a eu lieu du 21 au 25 août. Mar­tin Dugré, un cyclo sym­pa de l’or­gan­i­sa­tion, nous remet nos cartes de routes, itinéraire détail­lé et cartes géo­graphiques de la balade, ce qui peut s’avér­er fort utile au cas où nous nous retrou­ve­ri­ons largués en pleine nature. Ce sont donc 13 cyc­los (plus 2 autres qui arriveront plus tard) qui s’alig­nent pour la pho­to de départ, avec par­mi eux, des mem­bres du CVRM, des chevron­nés dont quelques uns revi­en­nent aus­si du récent PBP, autant dire que ceux-là sont extrême­ment affutés. Et il y en a aus­si d’autres, plus néo­phytes, et c’est dans cette caté­gorie que nous nous classerons.

Dans la fraicheur de ce début de journée, les 40 pre­miers kms sont par­cou­rus en pelo­ton groupé à vive allure oscil­lant entre 30 et 35 km/h, les plus aguer­ris sont devant et mènent la cadence, les autres suiv­ent comme ils peu­vent. Pas de pitié pour les plus faibles, après tout c’est bien fait pour nous, nous n’avions qu’a nous entrain­er des mil­liers de kms à des moyennes super­son­iques avant de venir nous frot­ter à l’élite des ran­don­neurs longue dis­tance mais aus­si grande vitesse ! Pour­tant nous aimons cette vitesse grisante au sein du pelo­ton mais nous savons per­tinem­ment que nos petits jar­rets ne tien­dront pas le choc pen­dant 200 km ! Cer­tains s’a­musent même à sprint­er et à coller l’ar­rière d’un truck qui nous dou­ble à plus de 50 km/h, je ne cit­erai pas de nom, n’est-ce pas Jean Robert ! Au 1er con­trôle du Shell de St Cyprien, nous faisons valid­er notre carte de route auprès du gérant de la sta­tion, preuve de notre pas­sage et de notre horaire indis­pens­able pour l’ho­molo­ga­tion. Pause san­té pour les uns, temps d’un rav­i­taille­ment pour les autres, et déjà cer­tains repar­tent, ce qui a pour effet de scinder le groupe en 2 paque­ts: le pre­mier des ton­tons et tata flingueurs, les habitués des brevets qui sem­blent bien maitris­er leur sujet, et le deux­ième, la gang des vélos à sacoches, pour ceux et celle qui ne savent pas encore à quelle sauce ils vont se faire manger, plus inqui­et de la dis­tance à par­courir et dont nous faisons évidem­ment par­tis.

Vers 9h00, c’est repar­ti pour le 2éme con­trôle situé au km 106, notre groupe de 6 décide de rouler ensem­ble, d’y aller mol­lo et de s’or­gan­is­er sous forme de relais. Ce sont les plus jeunes, Jean-Éti­enne et Yan­nick qui ouvrent le bal et ils filent encore à un bon train, der­rière ça suit sans rechign­er. Puis nous en avons fini avec la direc­tion sud et nous bifurquons main­tenant plein ouest avec en point de mire, the dif­fi­culté du jour, la célèbre Cov­ey Hill, côtelette bien con­nue des cyc­los de la région de Mon­tréal. La chaleur de la journée com­mence à s’in­staller et le par­cours de mon­tagnes russ­es qui précè­dent notre som­met mythique com­mence à émouss­er nos ardeurs. Les relais se font moins forts, cha­cun monte à sa main dans les côtes et nous nous regroupons en haut, bel esprit d’équipe, fort appré­cié. Enfin le point cul­mi­nant est atteint après moulte sueur lais­sée sur le bitume, d’ailleurs j’ai l’hon­neur de fer­mer le banc ! Après le regroupe­ment, nous filons sans effort par un doux faux plat et une bonne descente sur St Antoine l’Ab­bé et sa boulan­gerie Char­trand, char­mant endroit pour le con­trôle. Nous rejoignons le pre­mier groupe qui s’est restau­ré et s’ap­prête déjà à repar­tir. Jean Robert, l’in­trépi­de PBPiste, n’a pas ter­miné de pren­dre son café-tarte au sucre et il décide de nous atten­dre et de nous accom­pa­g­n­er pour la suite des hos­til­ités. Nous pointons donc nos cartes de route, com­man­dons salade, wrap et tarte au sucre (vrai­ment suc­cu­lente !) et nous dégus­tons notre repas sur la ter­rasse ensoleil­lée qui jouxte la boulan­gerie. Notre arrêt dur­era une heure, inclu­ant une escale au dépan­neur du coin pour faire le plein en bois­sons énergé­tiques.

Nous remon­tons à présent vers Mon­tréal, direc­tion est / nord-est, le vent défa­vor­able n’est pas trop fort et les relais sont tout de même bien appré­ciés, nous per­me­t­tant de nous met­tre à l’abri en atten­dant notre tour de men­er. Notre moyenne horaire est encore bonne, 28 km/h, ceci étant dû essen­tielle­ment à notre sprint mati­nal jusqu’au pre­mier con­trôle en com­pag­nie de la meute déchainée. La route zigzague à présent dans la cam­pagne frontal­ière, fort agréable en cette belle journée de fin d’été pas trop chaude. Quelques coups de cul agré­mentent le par­cours, notam­ment quand nous repas­sons à prox­im­ité de la Cov­ey Hill où le relief s’en ressent. Pour ma part, j’es­suie un petit coup de pompe aux envi­rons du 140éme km, c’est le bon moment pour absorber mes fioles de gel mir­a­cle, tel Astérix avec sa potion mag­ique, ce qui a pour effet de me don­ner un coup de fou­et tem­po­raire. Vive­ment le prochain con­trôle, que je me restau­re plus sérieuse­ment ! Apparem­ment je ne suis pas le seul à m’es­souf­fler der­rière les relais fort appuyés de notre ami Jean, a plus de 32 km/h avec léger vent, je vois bien que Bruno et Mar­tin com­men­cent aus­si à se faire larguer à cause du rythme un peu trop soutenu de notre maitre. Il n’y a guère que Marielle la fémi­nine du groupe, et les 2 petits jeunes uni­ver­si­taires qui sem­blent suiv­re avec moins de dif­fi­culté, bra­vo les amis, mais n’ou­bliez pas d’at­ten­dre les copains. Peu avant le 3éme con­trôle au km 166 situé au même endroit que le 1er à St Cyprien, le pelo­ton explose à nou­veau et nous voila éparpil­lés dans la nature à rejoin­dre notre pause salu­taire. Jean et Jean-Éti­enne se sont payés un petit sprint et nous atten­dent gen­ti­ment pour aller au relais routi­er du Pétro Cana­da, endroit idéal avec fau­teuil, douch­es, salles de bain et TV HD pour relax­er, repren­dre des forces et dis­cuter prin­ci­pale­ment de vélo et notam­ment du Paris-Brest, pas la pâtis­serie, l’épreuve mythique ! Carl Morin sur son fix­ie, par­ti bien après nous ce matin, nous rejoint tran­quille­ment, il roule en soli­taire et cela a l’air de lui plaire. C’est un dur de dur, ayant aus­si réal­isé le PBP cette année, et j’ai lu ses exploits sur le blog du club qu’il a créé, les Jambes d’Aci­er, toute une épopée !

Vers 15h15, nous ré-enfour­chons nos destri­ers pour l’ul­time ligne droite de 40 km jusqu’à St Lam­bert. Les corps, surtout les jambes, sont un peu meur­tris mais pas détru­its car l’adré­naline nous rend euphorique à l’idée de boucler notre pre­mier brevet de 200, en sol québé­cois pour ma part. Jean con­tin­ue de men­er le petit groupe, faut dire qu’a son allure, il n’y a pas trop de monde pour le dépass­er, ah sacré Jean, un maitre en la matière pour faire explos­er le pelo­ton, le pire c’est qu’il ne le fait pas exprès, il appuie sur les pédales à son rythme … trop fort pour les autres qui peinent à le suiv­re. Enfin, nous voilà dans la grosse cir­cu­la­tion de la Rive Sud, pas­sant par la 104 qui n’est autre que le boule­vard Taschere­au et ses innom­brables lumières qui nous font per­dre notre pois­son-pilote de Jean. Heureuse­ment, je suis le région­al de l’é­tape, celui qui con­nait bien les routes de l’en­droit puisque j’habite St Lam­bert, mes com­pagnons et com­pagnes habi­tant Mon­tréal ou la région de Québec. Peu avant le check­point final, nous effec­tuons la jonc­tion avec Jean­not, et ensem­ble nous ral­lions le Couche-Tard de St Lam­bert avec 207 km au comp­teur pour un temps de 10 heures et 3 min­utes dont 2 heures 30 d’ar­rêt, moyenne de 27 km/h sur le vélo quand même. Notre grup­pet­to se con­grat­ule, heureux d’avoir passé une for­mi­da­ble journée, dans l’ef­fort et la gen­til­lesse de tous, une belle aven­ture humaine à vélo tout sim­ple­ment.

Pour ma part, je suis tout de même déçu, moi qui voulait faire moins de 10 heures, en effet je trou­ve que cela fait plus classe un 9h58 sur le site du CVRM ! Mais non, c’t’une joke, mais ce sera quand même pour la prochaine fois, car prochaine fois il y aura, je l’e­spère bien, et ce sera l’an­née prochaine car la sai­son des brevets est main­tenant ter­minée pour 2011, ren­dez-vous en 2012. Mon objec­tif secret (oups je l’ai dit) serait d’aller jusqu’au 400 km en atten­dant de faire mieux l’an­née suiv­ante, et ce qui me per­me­t­trait d’écrire un nou­veau réc­it avec pour titre: Pas­cal repousse ses lim­ites, 400 km à vélo. En tout cas, cha­peau à Marielle qui a trou­vé les ressources pour accom­plir son exploit per­son­nel, ce dont je ne doutais absol­u­ment point, surtout avec sa nou­velle mon­ture, son Sev­en en titane, c’est titanesque ! Et aus­si, un gros mer­ci à tous ceux qui pren­nent de leur temps per­son­nel pour organ­is­er ces épreuves (les Jean, Mar­tin, Math­ieu et Jean passe !) car sans eux, pas de réc­it de ce genre ni de défi per­son­nel à réalis­er. Car franche­ment, qui irait faire des 200, 300, 400, 600, 1200 km pour le plaisir, sinon celui de repouss­er ses lim­ites à tra­vers cette extra­or­di­naire pas­sion sur 2 roues ?