Publié le
Par Carl Morin
Mon objectif n’est pas de faire le meilleur temps, mais de faire un bon temps avec une, ou l’autre vitesse.
Je roule en pignon fixe, ce qui m’oblige à choisir mon groupe de propulsion en fonction des limites que mon moyeu peut prendre, et le terrain à affronter. De ce choix découle les certitudes suivantes:
- Je ne peux pas ne pas pédaler, à moins d’être à l’arrêt ou en plein vol.
- Affronter les pentes exige une grande force pour les monter, et un grand contrôle pour les descendre.
- Les ascensions me sont avantageuses tant et aussi longtemps que j’utilise le bon ratio.
- Les descentes me sont défavorables en ceci que passé certaines vitesses, la cadence est si élevée qu’il peut s’avérer risqué de descendre à certaines vélocités.
Je me suis rendu au point de départ en retard. D’une part, j’ai pris beaucoup de temps à préparer mon vélo et surtout à le remettre en condition suite à un accident survenu le mardi précédant. Cet accident m’a décoré de plusieurs plaies et éraflures qui m’ont laissé songeur quant à ma capacité à entreprendre le brevet de 400 km. Bref, je suis arrivé tardivement au point de départ, et puisque Jean y était encore, j’ai pu partir accompagné, ce qui me plait toujours.
Après le départ, rouler seul ne m’incommode pas. Arriver accompagné était agréable, comme toujours. Par ailleurs, je n’avais pas assez fait de réserve de glucides complexes dans les jours précédents, et cela me coûtera cher.
Il faisait frais quand nous avons quitté le stationnement. J’étais toutefois assez bien; j’ai l’expérience du grand nord et je sais que le froid a une composante psychologique. J’étais confortable. Jean et moi et d’autres rattrapés après quelques coups de pattes pédalions les premiers kilomètres menant au premier contrôle. Le temps étais bon; j’ai même pris du temps à photographier quelques montgolfières. Nous rencontrâmes Pierre-Luc dont Jean commentait le positionnement, mais ce dernier n’avais semble t’il que de l’admiration pour l’homme qui avait fait un tour de l’Afrique. Cela m’impressionne aussi beaucoup!
Je roule avec un vélo fait main; j’ai fabriqué le cadre lors d’un congé de maladie, en acier columbus pour raccords. Chargé pour ce brevet, il pesait 38 livres, et j’avais un plateau de 43 dents, accompagné d’un moyeu flip-flop de 15 et 17 dents. Le premier pour le plat et faux-plat, le deuxième pour les ascensions. Il est assez lourd, merci.
Nous sommes arrivés au premier contrôle vers 9:55. Après nous être restaurés et refait nos réserves, j’ai changé de 15 à 17 dents le pignon arrière, et nous avons entrepris la route menant au 2ième contrôle.
Tout allait bien; en fait, j’ai monté toutes les pentes qui se sont présentées à grands coups de pédales, sauf une; à l’embranchement menant à la route Scénic, j’ai mis le pied à terre, et je me suis mis à réfléchir. Devant moi, en milieu de course, Martin Dugré montait lentement. Ce diable de monteur a arrêté en milieu de pente. Je l’ai regardé et je me suis dit que cela ne valait pas la peine; je n’avais plus de jambes, (je blâme ma mauvaise préparation), la psyché se faisait rebelle et la chaleur m’invitait à faire les choses confortablement. Je l’ai donc marché. Je n’ai pas de regrets, mais la prochaine fois, j’aurai un pignon de 18 ou 19.
Il faut comprendre que la succession d’ascensions, bien que suivie de descentes, ne m’apporte pas beaucoup de confort; alors que les roues libres permettent un repos relatif (et refroidissement) des jambes et du corps, je dois conserver la plus grande concentration à contrôler la haute cadence (jusqu’à 168 dans cette randonnée) sans m’éjecter de ma selle.
Une fois atteint le sommet de la route Scénic, j’ai gardé mes pieds dans les pédales pour le reste du trajet. Arrivé au 3ième contrôle, au km 247, j’ai rejoint une bonne partie du groupe. J’ai pris un potage de patates douces, un litre d’eau, 2 chocolats chauds refroidis améliorés copieusement de crème et de miel et aussi un énorme carré aux dates. Nous sommes repartis ensembles pour le 3ième contrôle, une étape d’à peine 30 quelques kilomètres. J’avoue commencer à être fatigué alors; Jean m’a ouvert le chemin (encore, comme à d’autres occasions) et ça m’aide beaucoup.
À ce contrôle, j’engouffre une bouteille d’eau et 2 laits au chocolat, rempli mes bouteilles et nous repartions pour le 4ième contrôle. Ça allait bien; les vallons sont traversés à bonne allure, alors que le soleil se couchait. Comme nous roulions aussi aisément que du beurre glissant dans une poêle chaude, nous avons arrêté à Granby pour une petite pause. Cela me permettrait d’ajuster une cocotte qui s’est délogée suite à un passage difficile dans un nid de poule, et il était temps de changer ma roue de bord et profiter de mes 15 dents. Au Macdonald’s, en attendant mon burger, j’ai appris qu’ils n’avaient à peu près plus de viande. Voilà; le fastfood sert vite, mais n’est pas à l’abri de la disette.
Nous sommes repartis dans l’air frais de la nuit, et la vision un peu psychédélique des petits feux rouges clignotants et des bandes jaunes et verts flou dans l’obscurité donnait un air surréel à notre équipée. Nous sommes arrivés au contrôle de St-Césaire. J’ai pris deux soupes au poulet et une danoise. Peu après, nous nous enfuirent pratiquement vers le dernier contrôle, roulant à très grande vélocité, ralentis seulement par les accidents géographique du champs de mine que constituait une des routes (NDLR Grande-Allée).
Nous sommes arrivés biens heureux de notre petite épopée en cycles. Une autre superbe trajet avec des défis stimulants et réjouissants.
Merci au CVRM de nous donner ces belles opportunités, et Jean Robert, toujours inspirant!