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J’ai juste dormi 4 heures. Il est 5 heures du matin. J’ai de grosses ambitions : Faire le brevet en 30 heures. Ça va être plus long que ça.
Dans mon plan de match je m’étais juré de respecter ma vitesse de croisière mais le plan de match prend le bord dès le départ. Nous formons un peloton de 8 cyclistes et ça roule. Au premier contrôle de St-Césaire (km 55) nous avons 32km/h de moyenne. Dans Granby Pier-Luc commence à avoir mal au genoux. Il traîne cette blessure depuis la flèche (24 h de vélo) du mois de mai. Cette blessure est venue le hanter lors du brevet de 400 du 12 juin. Encore une fois il devra abandonner. Les premiers vallons commencent après Granby. Soudainement aux alentours du km 100 je sens l’acide lactique envahir mes cuisses. Pris au dépourvu, je n’ai pas d’autre choix que de quitter le peloton. J’arrête à Eastman pour faire le plein de glucides. Un peu plus loin 2 autres randonneurs me rejoignent. Ils essaient tant bien que mal de me tirer mais je suis incapable de suivre tellement les cuisses me brûlent.
Je continue seul jusqu’au 2ième contrôle à Compton (km 181). Il commence à faire très chaud. Je me force à avaler un mauvais sandwich de dépanneur. 5 randonneurs arrivent et m’invitent à rouler avec eux. Ils ont l’intention de rouler mollo et je dois avouer que ça tombe assez bien. Ils me suggèrent fortement de réserver une chambre aux résidences de l’université Bishop à Lennoxville ce que je fais. Après une pause de 45 minutes on repart. On approche de St-Malo et les côtes commencent à être plus coriaces. Moi qui n’ai jamais souffert de crampes, me voilà pris avec ce problème. Je réalise à cet instant que je suis en manque sévère d’électrolytes. Mon moral vient de prendre une drop.
Le troisième contrôle est à Cookshire (km 236). C’est là que débute la route des sommets : 63 km de côtes jusqu’à Woburn par la 212. Ce sera mon pire calvaire depuis que je fais du vélo. En temps normal c’est un trajet que apprécierais mais en ce moment chaque côte que je vois apparaitre me donne envie de vomir. J’ai des nausées et je ne mange plus rien depuis Cookshire. Je roule à l’eau clair. La recette parfaite pour bunker. Sur ces 63 km je boirai 6 gourdes d’eau tellement j’ai soif. Je commence à me demander comment je vais faire pour me rendre à Lennoxville cette nuit. Mon moral est maintenant à zéro. On fini par atteindre Woburn de peine et de misère. Le soleil commence à baisser. La température aussi. Les pentes se font moins assassines. On roule sur le bord du lac Mégantic, un circuit que j’ai fait en 2008.
On arrive au 4ième point de contrôle de Lac Megantic (km 329) vers 21:00. Je n’ai pas faim mais je sais que je dois manger coûte que coûte. Je commence par une soupe poulet et nouilles suivi d’un bagel/cream cheese, le tout arrosé d’un thé glacé et d’un lait au chocolat. Mon estomac va s’en souvenir longtemps de celle là. À quelques reprises je m’endors à la table pendant qu’on parle. On est deux à vouloir coucher à Lac Megantic, les autres ont l’intention de se rendre jusqu’à Lennoxville. Pendant qu’ils préparent leurs lumières on se rend à l’hôtel. Je réalise soudain que je ne fais plus d’acide lactique dans les jambes. Le moral remonte de 50% d’une shot! Je sais que si je couche ici il y a de fortes chances que le brevet soit foutu. Je prends alors la décision de continuer. Quant à Gilles il est complètement vidé, il est donc hors de question qu’il nous suive mais malheureusement pour lui, le motel est plein. Je vais chercher les autres pendant qu’il tente de trouver un chambre ailleurs. La seule chambre de libre est à Woburn à 30 km de là. On oublie ça!
On décide d’encadrer Gilles pour la nuit. On roule autant que possible autour de lui pour lui couper le vent. Aussitôt que ça grimpe on ralentit pour lui permettre de suivre. Je monte des côtes en 39×25 alors qu’en temps normal je grimperais ça en 47×17 sur mon fixe. À quelques reprises, j’ai regretté de ne pas avoir mis la 12–27. Au moins la température est fraiche, il y a peu de circulation, la route est belle et il y a un accotement. C’est assez spécial de monter ou descendre des côtes sans savoir où ça finit. À un moment donné en pleine descente, l’accotement disparait et je me retrouve à rouler dans le gravier mais je réussis à garder le contrôle. Ouf! Vers 23:45 commence la série de crevaisons. Nous devrons arrêter 4 fois. Pendant que Frédéric répare son pneu, Gilles décide de monter la côte à pied. Tout ce qu’on voit au loin ce sont ses blinkies qui semblent prendre une éternité à disparaitre. À Cookshire il y a une bonne côte dans le village. Je suis étonné de voir avec quelle facilité je réussis à la monter. Mon énergie est revenue je ne sais trop comment. Sur la 108 Gilles perd le contrôle et tombe. Il est temps qu’on arrive. À 3:30 on est au 5iême point de contrôle de Lennoxville (km 420) et là, pour la première fois depuis le départ, j’ai faim pour vrai. J’enfile un sandwich au poulet avec 2 beignes au chocolat et une pinte de lait au chocolat le tout presqu’en même temps. On se couche vers 4:00 après un bonne douche. Mettons que je n’ai pas trop tourné dans le lit. Mon sommeil pourrait s’apparenter à un coma de 3 heures. Quand le cadran sonne il est 7:15. Il reste 180 km à faire. Go Go Go!
Après un déjeuner copieux fourni avec la chambre on repart. Ça commence avec la longue montée pour sortir de Lennoxville. À un moment donné on réalise qu’on a passé tout droit. 5 km pour être exact. On vient de rallonger notre brevet de 10 km. De mon côté je suis en bonne forme. Je ne fais plus d’acide lactique dans les cuisses et les crampes ont mystérieusement disparues. Rendu à Magog on se trompe une deuxième fois. Une autre côte de montée pour rien. On revient sur nos pas et on tourne sur Southière et là j’aperçois une côte que j’ai déjà montée il y a 2 ans et je sais qu’elle va faire mal. Rendu en haut on tourne à gauche sur le chemin des pères. Et c’est reparti pour un autre 20 km de bosses. À mi chemin il est 12h30 et on doit être à Cowansville avant 15:00 sinon le brevet est foutu, bref on ne peut plus niaiser, il faut rouler. Martin et Patrick commencent à être loin en avant. Je réalise qu’ils ont décidé de clancher jusqu’à Cowansville. Ne sachant pas ce qui m’attend pour la suite je décide de les rejoindre pour me donner le plus de chance possible. J’ai roulé pendant 10min à 35 km/heures pour les rattraper. Je ne sais toujours pas d’où m’est venue cette énergie. On est arrivé à Cowansville (km 518) à 14:00. Lise m’appelle pendant qu’on mange. Tu es en pause? Elle me suivait grâce au spot messenger!
Avant de partir de Cowansville on aperçoit Gilles qui arrive au point de contrôle à 14:53 juste à temps pour puncher. J’espère qu’il a réussit son brevet car il a vraiment tout donné pour se rendre là. On est maintenant rendu 4. On roule sur la 104 en direction de Farhnam. J’aperçois le mont St-Grégoire au loin. J’ai habité près de là pendant 15 ans. Mon moral est maintenant au beau fixe. On roule à 32 km/h. Martin est déchaîné et on doit parfois le modérer quand ça grimpe. Sur le rang du haut de la rivière Sud qui longe la rivière Yamaska, Philipe a une 4ième crevaison (achetez pas de Maxis.). On arrête à St-Césaire pour refaire le plein d’eau. J’ai tellement chaud que je m’achète un Popsicle! On zigzag dans les rangs pour finalement atteindre mon ancien patelin, Marieville. Je connais bien le coin. Tantôt il ventait, maintenant il tornade! On roule sur la 112 avant un bon vent de face pendant 20 km. Martin a ouvert tout du long.
Le dernier contrôle est à St-Lambert. Le punch officiel est à 18:54 soit 37 heures et 54 minutes après notre départ de la veille. Lise devait m’attendre dans le stationnement mais à l’heure qu’il est elle a dû quitter avant notre arrivée. En ouvrant la valise de ma voiture j’ai découvert un cooler rempli de fruits, de chocolat au lait et de pringles. Le petit gars avait un gros sourire dans le visage!