Mon premier brevet de 600Km par Martin Doyon

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J’ai juste dor­mi 4 heures. Il est 5 heures du matin. J’ai de gross­es ambi­tions : Faire le brevet en 30 heures. Ça va être plus long que ça.

Dans mon plan de match je m’é­tais juré de respecter ma vitesse de croisière mais le plan de match prend le bord dès le départ. Nous for­mons un pelo­ton de 8 cyclistes et ça roule. Au pre­mier con­trôle de St-Césaire (km 55) nous avons 32km/h de moyenne. Dans Gran­by Pier-Luc com­mence à avoir mal au genoux. Il traîne cette blessure depuis la flèche (24 h de vélo) du mois de mai. Cette blessure est venue le hanter lors du brevet de 400 du 12 juin. Encore une fois il devra aban­don­ner. Les pre­miers val­lons com­men­cent après Gran­by. Soudaine­ment aux alen­tours du km 100 je sens l’acide lac­tique envahir mes cuiss­es. Pris au dépourvu, je n’ai pas d’autre choix que de quit­ter le pelo­ton. J’ar­rête à East­man pour faire le plein de glu­cides. Un peu plus loin 2 autres ran­don­neurs me rejoignent. Ils essaient tant bien que mal de me tir­er mais je suis inca­pable de suiv­re telle­ment les cuiss­es me brû­lent.

Je con­tin­ue seul jusqu’au 2ième con­trôle à Comp­ton (km 181). Il com­mence à faire très chaud. Je me force à avaler un mau­vais sand­wich de dépan­neur. 5 ran­don­neurs arrivent et m’in­vi­tent à rouler avec eux. Ils ont l’in­ten­tion de rouler mol­lo et je dois avouer que ça tombe assez bien. Ils me sug­gèrent forte­ment de réserv­er une cham­bre aux rési­dences de l’u­ni­ver­sité Bish­op à Lennoxville ce que je fais. Après une pause de 45 min­utes on repart. On approche de St-Malo et les côtes com­men­cent à être plus cori­aces. Moi qui n’ai jamais souf­fert de cram­pes, me voilà pris avec ce prob­lème. Je réalise à cet instant que je suis en manque sévère d’élec­trolytes. Mon moral vient de pren­dre une drop.

Le troisième con­trôle est à Cook­shire (km 236). C’est là que débute la route des som­mets : 63 km de côtes jusqu’à Woburn par la 212. Ce sera mon pire cal­vaire depuis que je fais du vélo. En temps nor­mal c’est un tra­jet que apprécierais mais en ce moment chaque côte que je vois appa­raitre me donne envie de vom­ir. J’ai des nausées et je ne mange plus rien depuis Cook­shire. Je roule à l’eau clair. La recette par­faite pour bunker. Sur ces 63 km je boirai 6 gour­des d’eau telle­ment j’ai soif. Je com­mence à me deman­der com­ment je vais faire pour me ren­dre à Lennoxville cette nuit. Mon moral est main­tenant à zéro. On fini par attein­dre Woburn de peine et de mis­ère. Le soleil com­mence à baiss­er. La tem­péra­ture aus­si. Les pentes se font moins assas­sines. On roule sur le bord du lac Mégan­tic, un cir­cuit que j’ai fait en 2008.

On arrive au 4ième point de con­trôle de Lac Megan­tic (km 329) vers 21:00. Je n’ai pas faim mais je sais que je dois manger coûte que coûte. Je com­mence par une soupe poulet et nouilles suivi d’un bagel/cream cheese, le tout arrosé d’un thé glacé et d’un lait au choco­lat. Mon estom­ac va s’en sou­venir longtemps de celle là. À quelques repris­es je m’en­dors à la table pen­dant qu’on par­le. On est deux à vouloir couch­er à Lac Megan­tic, les autres ont l’in­ten­tion de se ren­dre jusqu’à Lennoxville. Pen­dant qu’ils pré­par­ent leurs lumières on se rend à l’hô­tel. Je réalise soudain que je ne fais plus d’acide lac­tique dans les jambes. Le moral remonte de 50% d’une shot! Je sais que si je couche ici il y a de fortes chances que le brevet soit foutu. Je prends alors la déci­sion de con­tin­uer. Quant à Gilles il est com­plète­ment vidé, il est donc hors de ques­tion qu’il nous suive mais mal­heureuse­ment pour lui, le motel est plein. Je vais chercher les autres pen­dant qu’il tente de trou­ver un cham­bre ailleurs. La seule cham­bre de libre est à Woburn à 30 km de là. On oublie ça!

On décide d’en­cadr­er Gilles pour la nuit. On roule autant que pos­si­ble autour de lui pour lui couper le vent. Aus­sitôt que ça grimpe on ralen­tit pour lui per­me­t­tre de suiv­re. Je monte des côtes en 39×25 alors qu’en temps nor­mal je grimperais ça en 47×17 sur mon fixe. À quelques repris­es, j’ai regret­té de ne pas avoir mis la 12–27. Au moins la tem­péra­ture est fraiche, il y a peu de cir­cu­la­tion, la route est belle et il y a un accote­ment. C’est assez spé­cial de mon­ter ou descen­dre des côtes sans savoir où ça finit. À un moment don­né en pleine descente, l’ac­cote­ment dis­parait et je me retrou­ve à rouler dans le gravier mais je réus­sis à garder le con­trôle. Ouf! Vers 23:45 com­mence la série de crevaisons. Nous devrons arrêter 4 fois. Pen­dant que Frédéric répare son pneu, Gilles décide de mon­ter la côte à pied. Tout ce qu’on voit au loin ce sont ses blinkies qui sem­blent pren­dre une éter­nité à dis­paraitre. À Cook­shire il y a une bonne côte dans le vil­lage. Je suis éton­né de voir avec quelle facil­ité je réus­sis à la mon­ter. Mon énergie est rev­enue je ne sais trop com­ment. Sur la 108 Gilles perd le con­trôle et tombe. Il est temps qu’on arrive. À 3:30 on est au 5iême point de con­trôle de Lennoxville (km 420) et là, pour la pre­mière fois depuis le départ, j’ai faim pour vrai. J’en­file un sand­wich au poulet avec 2 beignes au choco­lat et une pinte de lait au choco­lat le tout presqu’en même temps. On se couche vers 4:00 après un bonne douche. Met­tons que je n’ai pas trop tourné dans le lit. Mon som­meil pour­rait s’ap­par­enter à un coma de 3 heures. Quand le cad­ran sonne il est 7:15. Il reste 180 km à faire. Go Go Go!

Après un déje­uner copieux fourni avec la cham­bre on repart. Ça com­mence avec la longue mon­tée pour sor­tir de Lennoxville. À un moment don­né on réalise qu’on a passé tout droit. 5 km pour être exact. On vient de ral­longer notre brevet de 10 km. De mon côté je suis en bonne forme. Je ne fais plus d’acide lac­tique dans les cuiss­es et les cram­pes ont mys­térieuse­ment dis­parues. Ren­du à Magog on se trompe une deux­ième fois. Une autre côte de mon­tée pour rien. On revient sur nos pas et on tourne sur Southière et là j’aperçois une côte que j’ai déjà mon­tée il y a 2 ans et je sais qu’elle va faire mal. Ren­du en haut on tourne à gauche sur le chemin des pères. Et c’est repar­ti pour un autre 20 km de boss­es. À mi chemin il est 12h30 et on doit être à Cow­ans­ville avant 15:00 sinon le brevet est foutu, bref on ne peut plus niais­er, il faut rouler. Mar­tin et Patrick com­men­cent à être loin en avant. Je réalise qu’ils ont décidé de clanch­er jusqu’à Cow­ans­ville. Ne sachant pas ce qui m’at­tend pour la suite je décide de les rejoin­dre pour me don­ner le plus de chance pos­si­ble. J’ai roulé pen­dant 10min à 35 km/heures pour les rat­trap­er. Je ne sais tou­jours pas d’où m’est venue cette énergie. On est arrivé à Cow­ans­ville (km 518) à 14:00. Lise m’ap­pelle pen­dant qu’on mange. Tu es en pause? Elle me suiv­ait grâce au spot mes­sen­ger!

Avant de par­tir de Cow­ans­ville on aperçoit Gilles qui arrive au point de con­trôle à 14:53 juste à temps pour punch­er. J’e­spère qu’il a réus­sit son brevet car il a vrai­ment tout don­né pour se ren­dre là. On est main­tenant ren­du 4. On roule sur la 104 en direc­tion de Farhnam. J’aperçois le mont St-Gré­goire au loin. J’ai habité près de là pen­dant 15 ans. Mon moral est main­tenant au beau fixe. On roule à 32 km/h. Mar­tin est déchaîné et on doit par­fois le mod­ér­er quand ça grimpe. Sur le rang du haut de la riv­ière Sud qui longe la riv­ière Yamas­ka, Philipe a une 4ième crevai­son (achetez pas de Max­is.). On arrête à St-Césaire pour refaire le plein d’eau. J’ai telle­ment chaud que je m’achète un Pop­si­cle! On zigzag dans les rangs pour finale­ment attein­dre mon ancien patelin, Marieville. Je con­nais bien le coin. Tan­tôt il ven­tait, main­tenant il tor­nade! On roule sur la 112 avant un bon vent de face pen­dant 20 km. Mar­tin a ouvert tout du long.

Le dernier con­trôle est à St-Lam­bert. Le punch offi­ciel est à 18:54 soit 37 heures et 54 min­utes après notre départ de la veille. Lise devait m’at­ten­dre dans le sta­tion­nement mais à l’heure qu’il est elle a dû quit­ter avant notre arrivée. En ouvrant la valise de ma voiture j’ai décou­vert un cool­er rem­pli de fruits, de choco­lat au lait et de pringles. Le petit gars avait un gros sourire dans le vis­age!