Mon premier Paris-Brest-Paris (2003) par Jean Robert

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Qu’est-ce que le Paris-Brest-Paris ?

Le Paris-Brest-Paris (PBP) est une épreuve cyclo­touriste de 1200 kilo­mètres à réalis­er en moins de 90 heures et qui a lieu tous les 4 ans. La pre­mière édi­tion de cette épreuve remonte à 1891, ce qui en fait la plus vieille épreuve cyclo­touriste au monde. Elle n’a alors lieu qu’à tous les 10 ans jusqu’en 1941 où cette édi­tion fut remise à 1948 à cause de la guerre. De 1951 à 1971 cette épreuve se tient à tous les 5 ans puis par la suite à tous les 4 ans. Cette épreuve est réservée aux cyclistes ama­teurs et est donc inter­dite aux cyclistes pro­fes­sion­nels.

Comme son nom l’indique, le départ se fait dans la région de Paris, à Saint Quentin en Yve­lines plus pré­cisé­ment, pour se ren­dre à Brest puis revenir au point de départ en emprun­tant pra­tique­ment le même par­cours qu’à l’aller.

Le par­cours du PBP ne com­porte pas de dif­fi­cultés par­ti­c­ulières, très peu de côtes “casse pattes” et aucun col à franchir, mais est par con­tre con­sti­tué de petites côtes pas très pentues (200 à 500 mètres de longueur avec 4 à 5% d’in­cli­nai­son pour la plu­part) qui se suc­cè­dent sans relâche et qui, mis­ent bout à bout, totalisent un dénivelé de 10000 mètres.

Qui sont ces fous du vélo?

Pour pou­voir par­ticiper au PBP tous les par­tic­i­pants doivent, dans l’an­née du PBP, réus­sir une série de longues ran­don­nées appelées ‘brevets’ organ­isés par l’un des nom­breux clubs de Ran­don­neurs que l’on retrou­ve main­tenant dans plus de 25 pays à tra­vers le monde. Pour se qual­i­fi­er au PBP chaque par­tic­i­pant doit avoir effec­tué les brevets de 200, 300, 400 et 600km

Mal­gré de tels préreq­uis qual­i­fi­cat­ifs, 4069 cyclistes provenant de 21 nations dif­férentes ont pris le départ du PBP 2003 et de ceux-ci près de 600 aban­don­neront.

Je me présente?

Je me nomme Jean Robert, j’ai 43 ans et demeure dans la région de Mon­tréal au Québec (Cana­da). L’on me surnomme ‘la machine’. Ce surnom peut paraître pré­ten­tieux mais je me défends bien de me l’avoir attribué moi-même, c’est plutôt ma femme qui a pris l’habi­tude de m’ap­pel­er ain­si à cause de la grande dif­férence d’en­durance physique qu’il y a entre elle et moi. Il est vrai que com­paré à elle mon endurance à vélo, ou toute autre épreuve d’en­durance, est remar­quable mais lorsque je me com­pare à cer­taines per­son­nes avec qui je fais du vélo, je sem­ble fonc­tion­ner à la vapeur. Vous ver­rez d’ailleurs dans le présent réc­it que cette machine peut par­fois se déré­gler.

En 2003, année de ce PBP, j’ai 6000 km dans les jambes lorsque je prends l’avion pour Paris. Cette année j’ai fait 5 ran­don­nées de 200Km, 3 de 300Km, 2 de 400Km et une de 600Km, je suis donc assez con­fi­ant de pou­voir ter­min­er ce PBP.

L’équipe et le plan de match

Pour le PBP 2003, Car­ole San­terre , Claude Berri­et , Jean-François Gouhi­er et moi-même, tous mem­bre du Club Vélo Ran­don­neurs de Mon­tréal (CVRM), déci­dons de rouler le plus longtemps pos­si­ble ensem­ble durant cette épreuve. Olivi­er, un ami de Jean-Fran­cois (J‑F) et qui habite la région parisi­enne, se join­dra égale­ment à nous.

Car­ole, Claude et moi avons fait plusieurs brevets ensem­ble et n’avons aucun prob­lème à rouler en pelo­ton, par con­tre nous n’avons roulé qu’une seule fois avec J‑F et il sem­blait avoir de la dif­fi­culté à rouler en pelo­ton. Nous n’avons égale­ment jamais roulé avec Olivi­er, qui vient de la région Parisi­enne, alors il n’est vrai­ment pas cer­tain que nous pour­rons for­mer un pelo­ton com­pact où tous les mem­bres pour­raient s’en­traider mutuelle­ment.

Durant la ran­don­née nous ten­terons de suiv­re un horaire pré­paré par Jean-Fran­cois (J‑F) dont l’ob­jec­tif est de ter­min­er ce PBP en 72 heures mais pour la plu­part d’en­tre nous l’im­por­tant n’est pas d’obtenir le meilleur temps mais bien de ter­min­er ce PBP.

Nous espérons pou­voir par­tir dans le pre­mier groupe de 90 heures à 22h00, rouler 500 Km la pre­mière journée pour arriv­er à Ploun­evez-Quintin vers 23h30 où la tante de J‑F nous héberg­era, dormir 5 heures pour faire 380 Km la sec­onde journée et attein­dre Sens de Bre­tagne vers 00h30, où une cham­bre préal­able­ment réservée nous attend, et y dormir 5 heures. Il suf­fi­ra alors de ter­min­er les derniers 345 km qui reste.

Le récit

Car­ole est très nerveuse. On s’é­tait tous don­né ren­dez-vous à 21h00 à quelques pâtés de maisons du point de départ du PBP afin de par­tir au départ de 22h00 mais il est main­tenant 21h45 et il manque tou­jours J‑F et Olivi­er. Les départs sont don­nés tous les 15 min­utes à par­tir de 22h00 jusqu’à 22h45 mais Car­ole espérait vrai­ment par­tir le plus tôt pos­si­ble pour ne pas se retrou­ver isolée au cas ou elle devrait lâch­er notre petit pelo­ton. Car­ole n’est pas la seule à être nerveuse , Vir­gil , qui est égale­ment mem­bre du CVRM, a décidé de par­tir avec nous et l’est égale­ment mais pour une autre rai­son , il y a telle­ment de cyclistes au départ qu’il craint un accrochage dans les pre­miers kilo­mètres. Claude et moi sommes très calmes et ten­tons de les ras­sur­er.

La nuit est mag­nifique, la tem­péra­ture de 20°C est très con­fort­able et il n’y a ni vent ni nuage à l’hori­zon. Ce n’est pas sur­prenant puisqu’une grande par­tie de la France est aux pris­es avec une sécher­esse qui dure main­tenant depuis plusieurs semaines. Les chances qu’il pleuve dans les prochains jours sont min­imes et il ne pleu­vra effec­tive­ment pas. Il y a deux semaines la France était égale­ment aux pris­es avec des tem­péra­tures de près de 40°C à l’om­bre qui ont causé près de 10,000 décès et n’au­raient pas man­qué de causer de nom­breux aban­dons par­mi les par­tic­i­pants si cette canicule avait sévi durant cette épreuve.

J‑F et Olivi­er arrivent finale­ment vers 22h00 et nous expliquent qu’il leur a été très dif­fi­cile d’at­tein­dre le sta­tion­nement qui leur était réservé à cause des dif­férentes routes fer­mées pour l’événe­ment. Bon ce n’est pas grave il y a des départs à toutes les 15 min­utes alors on par­ti­ra à 22h15 ou 22h30 au plus tard. Olivi­er s’aperçoit alors qu’il a oublié quelques papiers dans l’au­to­mo­bile et part les chercher. Finale­ment nous pren­dons le départ de 22h45. On passe tous notre carte mag­né­tique dans le lecteur prévu à cet effet afin d’en­reg­istr­er offi­cielle­ment notre heure de départ et faisons étam­per notre car­net de route par un offi­ciel, rit­uel qui se répétera 16 fois au cours de notre ran­don­née (si tout va bien).

Plusieurs cen­taines de cyclistes atten­dent impatiem­ment le sig­nal du départ de 22h45. Cer­tains sont nerveux mais la plu­part sem­blent très calme. Le sig­nal de départ se fait finale­ment enten­dre et nous sommes immé­di­ate­ment entrainé par le flot de cyclistes. Dès le départ notre petit groupe se dis­perse mais nos mail­lots des Ran­don­neurs Cana­da, rouge et blanc, sont très faciles à repér­er de loin mal­gré la noirceur et per­me­t­tra sans prob­lème de nous regrouper quelques kilo­mètres plus loin.

Les petites routes de départ lais­sent rapi­de­ment place à des routes à dou­ble voie. Il y a des cyclistes partout mais ils roulent à bonne dis­tance les uns des autres et même Vir­gil sem­ble plutôt à l’aise par­mi tous ces cyclistes. Je m’ac­croche à lui dans l’e­spoir de pou­voir suiv­re son rythme quelque temps mais après quelques kilo­mètres je m’aperçois que mon cyclomètre indique con­tin­uelle­ment 0 km/h. Du doigt je pousse l’émet­teur accroché à la fourche de mon vélo afin de l’ap­procher de l’aimant accroché aux rayons mais il touche celui-ci et un gros TOC reten­tit à chaque tour de roue. J’ar­rête sur le bord de la route pour replac­er l’aimant et regarde si je peux faire fonc­tion­ner le cyclomètre mais c’est peine per­due, c’est cer­taine­ment la bat­terie du récep­teur qui est trop faible. Ca com­mence bien! L’idée de pass­er la pre­mière nuit sans cyclomètre ne m’en­chante guère mais des flèch­es réfléchissantes sont sup­posées nous indi­quer le chemin tout le long du par­cours et de toute façon pour cette nuit une myr­i­ade de petites luci­oles rouges m’indi­queront très bien le chemin.

Je repars et file à près de 35 km/h afin de rat­trap­per mes amis. Sur le bord de la route les gens nous encour­a­gent et j’en­tends même l’un d’eux me crier “He, il te reste encore 1200 kilo­mètres à faire”. Mal­gré ma bonne allure ça me prend un bon 30 min­utes pour les rejoin­dre.

Les larges routes lais­sent rapi­de­ment place à de petites routes de cam­pagne où la cir­cu­la­tion est main­tenant à dou­ble sens. Après une ving­taine de kilo­mètres de gros pelo­tons com­men­cent à se for­mer. Lorsqu’ils nous dépassent nous nous accro­chons à eux mais Car­ole ne peut soutenir la cadence et décroche rapi­de­ment. Nous aban­don­nons alors ce pelo­ton et la même manoeu­vre se répète au prochain pelo­ton. On roulera ain­si de façon plutôt désor­don­née pen­dant les pre­miers 150 kilo­mètres ce qui deman­dera cer­taine­ment beau­coup d’ef­forts à Car­ole.

La chaussée est très belle surtout si on la com­pare à celle du Québec. Les seules sec­tions de route où la chaussée laisse à désir­er sont ren­con­trées lors de la tra­ver­sée des petits vil­lages. Les routes sont alors parsemées de trous, peu pro­fonds mais plutôt incon­fort­a­bles pour un cycliste, et y ren­con­trons quelque fois égale­ment de cour­tes sec­tions for­mées de pavés (genre de gross­es briques) dans quelques vil­lages. Nous ralen­tis­sons un peu lors de la tra­ver­sée de ces vil­lages et ceci nous per­met d’ad­mir­er la beauté de ces pit­toresques vil­lages.

Le jour se lève et vers 8:00h Car­ole et Claude com­men­cent à sen­tir le som­meil les gag­n­er. Car­ole décide de rouler un peu moins vite. Le reste du groupe déci­dons de garder le rythme puisque des amis de J‑F nous atten­dent une ving­taine de kilo­mètres plus loin à “La Hutte” et nous sommes déjà en retard. Ils sont effec­tive­ment au ren­dez-vous avec café, crois­sants et choco­latines, un régal.

Nous avions prévu 10 à 15 min­utes de repos ici mais Car­ole n’ar­rivera que 30 min­utes plus tard. Car­ole s’en­dor­mait telle­ment qu’elle risquait de s’en­dormir en roulant alors elle a ten­té de dormir un peu sur le bord de la route mais sans y par­venir. Elle mange un peu et tente une sec­onde fois de dormir mais ne trou­ve pas le som­meil et insiste pour que nous par­tions sans elle.

On part donc sans Car­ole. Très rapi­de­ment je m’aperçois que notre petit groupe ne fonc­tionne pas très bien en pelo­ton. Olivi­er n’est pas à l’aise près d’une autre roue alors il se tient à 100 mètres à l’a­vant ou à l’ar­rière de nous. J‑F qui est main­tenant le plus lent du groupe sem­ble avoir décidé de rouler à 26 km/h exacte­ment de telle sorte que si je me mets devant lui à 27 km/h il ne fait aucun effort pour coller à ma roue. Claude tente égale­ment de tir­er J‑F sans suc­cès et décide finale­ment de demeur­er con­tin­uelle­ment der­rière lui afin d’é­conomiser ses forces au max­i­mum.

Étant le plus fort du groupe je trou­ve la vitesse un peu trop lente pour moi et suis très décu de ne pou­voir apporter une aide quel­conque au groupe. Même Olivi­er refuse mon aide, nous sommes pour­tant de force très sim­i­laire. Je me résigne donc à rouler à l’é­cart du groupe et comme je m’ar­rête fréquem­ment, pour arroser l’herbe qui en a fort besoin, je peux me déli­er les jambes en les rejoignant.

Le pre­mier con­trôle est au kilo­mètre 223 à Vil­laines La Juhel et on y arrive vers 9h45. On mange un peu et nous ren­dons au con­trôle suiv­ant situé à Fougères au kilo­mètre 311. En débar­quant de mon vélo je m’aperçois que la tige sta­bil­isatrice de mon porte-bagages a cédé. J’es­saie de trou­ver une pièce de rem­place­ment à l’ate­lier de répa­ra­tion mais sans suc­cès. Je fixe le tout du mieux que je peux avec un “tie-wrap” mais je ne peux empêch­er le porte-bagages de frap­per la machoire de freins à chaque petite bosse et ceci me causera de sérieuses inquié­tudes surtout un peu plus loin lors des descentes en mon­tagne où les routes sont de moins bonne qual­ité.

Chaque point de con­trôle sem­ble avoir un petit sou­venir com­mé­moratif de leur ville à nous offrir (épin­glette, sty­lo,.). À Fougères ils nous offrent d’en­voy­er gra­tu­ite­ment une carte postale représen­tant leur ville chez tous les par­tic­i­pants qui le désirent. Je rem­plis donc la carte postale avec un petit mot pour ma femme et mes enfants et la leur remets. Je recevrai celle-ci moi-même 4 jours après mon retour chez moi.

J’aperçois alors Yvon Dionne, l’un des 8 Québé­cois à par­ticiper à ce PBP, qui me dit que c’est plutôt dif­fi­cile pour lui jusqu’à main­tenant à cause des val­lons qui se suc­cè­dent sans relâche. Il aban­don­nera effec­tive­ment 240 kilo­mètres plus loin.

De mon côté ça va plutôt bien mal­gré ce genou droit qui me fait de plus en plus mal. Lors des ascen­sions je ressens main­tenant une douleur aigue au côté droit du genou, j’es­saie donc de pouss­er le plus pos­si­ble avec l’autre jambe mais le mal per­siste et com­mence à m’in­quiéter. Plus tard je chang­erai totale­ment de tech­nique et me forcerai à appli­quer une pres­sion con­tin­uelle avec la jambe droite durant toute la rota­tion de la jambe, donc en pous­sant et tirant sur les pédales, et je ressen­ti­rai gradu­elle­ment une nette amélio­ra­tion (ne me deman­dez pas pourquoi). Coté énergie par con­tre tout va très bien puisque je roule très sou­vent en deçà de ma vitesse nor­male de croisière.

L’on repart et vers 18h00 nous atteignons le prochain con­trôle au kilo­mètre 366 à Tin­té­ni­ac. Claude a de la dif­fi­culté à garder les yeux ouverts et en prof­ite pour se couch­er sur l’herbe en com­pag­nie de quelques cen­taines d’autres cyclistes et dort 45 min­utes. On se ren­seigne pour voir où en sont Car­ole et Vir­gil. Nous apprenons avec sur­prise que Car­ole a aban­don­né à Fougères. Pour Vir­gil par con­tre tout sem­ble bien aller puisqu’il a main­tenant 3 heures d’a­vance sur nous.

Au moment de repar­tir nous avons près de 2 heures 30 min­utes de retard sur notre horaire ini­tial. Notre vitesse respecte assez bien les prévi­sions de J‑F mais les arrêts prévus de 15 min­utes aux dif­férents points de con­trôle se sont pra­tique­ment tous trans­for­més en arrêt de 30 min­utes et plus. Il est main­tenant cer­tain que nous n’ar­riverons pas chez la tante de J‑F à l’heure con­v­enue et J‑F lui télé­phone pour la prévenir de notre retard.

Je décide de manger quelque chose et reprends la route vers 19h30, direc­tion Loudéac, avec une quin­zaine de min­utes de retard sur mes com­pagnons. Sur le chemin je ren­con­tre Leroy Var­ga un rési­dent du New Jer­sey âgé de 76 ans avec qui j’ai eu le plaisir et l’hon­neur de rouler pen­dant notre brevet de 600Km. Leroy est l’un des plus vieux par­tic­i­pants de ce PBP et en est à son troisième PBP. Il espère bien ter­min­er celui-ci. Les quelques fois où je le croise, j’en prof­ite pour jas­er un peu avec lui et il sem­ble en très grande forme. J’ap­prendrai plus tard, avec sur­prise, que Loudéac fut son dernier con­trôle dû à un mal de genou qui a per­sisté mal­gré une longue nuit de repos.

Je rat­trape finale­ment mes amis quelques kilo­mètres avant d’ar­riv­er à Loudéac (km 452). Il nous reste 50 kilo­mètres à par­courir avant d’at­tein­dre la rési­dence de la tante de J‑F et cette por­tion du par­cours est l’une des par­ties la plus dif­fi­cile du par­cours. La nuit tombe et nous apercevons les pre­miers par­tic­i­pants sur le chemin du retour. Claude doit s’ar­rêter sur le bord de la route pour fer­mer les yeux quelques min­utes. J‑F décide alors de con­tin­uer seul afin de rejoin­dre sa tante le plus tôt pos­si­ble. Je com­mence à ressen­tir les effets de 500 km de vélo et 36 heures sans som­meil. Les côtes sont de plus en plus pentues et me sem­blent inter­minables, sans compter que la chaussée est plutôt mau­vaise ici.

Jusqu’à main­tenant je ne suis pas impres­sion­né par le panora­ma qui s’of­fre à nous, celui-ci étant très sim­i­laire à ce que l’on retrou­ve au Québec, mais par con­tre je suis forte­ment impres­sion­né par l’at­mo­sphère incroy­able qui y règne. Dans pra­tique­ment tous les vil­lages on y retrou­ve à toute heure de la nuit des gens qui nous encour­a­gent sur le bord de la route, qui nous offrent café, gâteaux, galettes, on nous rem­plit même notre gourde d’eau avec de l’eau de source et tout cela gra­tu­ite­ment. Je vois même par 2 occa­sions un enfant d’une dizaine d’an­nées, seul devant l’en­trée de sa mai­son, nous crier des “allez, allez, allez” mal­gré qu’il est près de minu­it. Je ne sais pas si c’est la fatigue mais je trou­ve ça très émou­vant de voir à quelle point les gens admirent les cyclistes dans ce vieux pays. Je ne peux m’empêcher de penser à l’énorme con­traste exis­tant avec d’autres pays comme les États-Unis où l’au­to­mo­bile est reine sur la très grande par­tie de son ter­ri­toire.

Claude, Olivi­er et moi atteignons finale­ment le pre­mier point de con­trôle secret tenu dans une grande salle où plusieurs per­son­nes dor­ment à même le sol. Claude veux dormir ici. Je le con­va­incs finale­ment que ce serait une erreur de sa part n’é­tant plus qu’à une ving­taine de kilo­mètres de la tante de J‑F et que dans moins d’une heure il pour­ra pren­dre une douche chaude, manger et dormir dans un bon lit.

Après une dizaine de kilo­mètres de côtes je descends une côte abrupte de près de 2 kilo­mètres de longueur qui m’amène à un petit vil­lage appelé Cor­lay. Dans le vil­lage je m’aperçois que Claude et Olivi­er ne sont plus der­rière moi, je les attends donc près d’un petit parc. Quelques cyclistes sont couchés sur le sol envelop­pés dans un sac de survie argen­té, prob­a­ble­ment des per­son­nes qui voulaient rejoin­dre le prochain point de con­trôle mais qui se sont fait piéger par la dif­fi­culté de ce bout de par­cours.

Mal­gré qu’il est 1 heure du matin et que je me trou­ve à près de 500 kilo­mètres du point de départ il passe encore quelques cyclistes pra­tique­ment à chaque minute. Il fait plutôt som­bre et je sur­veille par­ti­c­ulière­ment les cyclistes qui roulent en paire. Après 20 min­utes d’at­tente je n’ai tou­jours pas vu mes deux copains. Avec Claude tou­jours sur le point de s’en­dormir sur son vélo je crains le pire alors mal­gré ma fatigue je décide de remon­ter cette dernière pente mais ne les trou­ve nulle part. Finale­ment j’a­ban­donne et repars en direc­tion de la tante de J‑F.

Sur le bord de la route j’aperçois des cyclistes un peu partout couchés dans des sacs de survie. La tem­péra­ture ne doit pas dépass­er les 10°C, Vir­gil me dira quelques jours plus tard qu’il a vu cette même nuit vers 5 heures du matin des plantes recou­vertes de frimas à cer­tains endroits. Il a égale­ment aperçu un cycliste revenant de Brest qui n’é­tait habil­lé que d’un sim­ple cuis­sard et d’un mail­lot de vélo à manch­es cour­tes, il roulait sans tenir son guidon pour se fric­tion­ner les bras et souf­fler dans ses mains pour se réchauf­fer.

J’ar­rive finale­ment à des­ti­na­tion vers 2h30, tous mes amis sont déjà arrivés depuis longtemps. Ils ont déjà pris leur douche et sont main­tenant en train de manger. Je me douche et me mets à table. La tante de J‑F trou­ve mon accent très étrange et a de la dif­fi­culté à saisir ce que je lui dis au départ, à cause de mon accent à la Céline Dion comme elle dit, mais se fait rapi­de­ment l’or­eille et jasons de choses et d’autres. Char­mante dame.

Lorsque je me mets au lit vers 3h00 mes copains dor­ment déjà à poings fer­més. Je n’ai aucune idée de l’heure à laque­lle ils veu­lent se lever. Théorique­ment nous devri­ons nous lever vers 5h00 pour repren­dre le temps per­du. Mes jambes me font mal et je me demande si ce mal sera par­ti lorsque je me réveillerai. Je ferme les yeux et m’en­dors rapi­de­ment.

J’ou­vre les yeux à 6h35. Plus aucune douleur aux jambes, fan­tas­tique. Mes copains dor­ment encore. Je réveille J‑F qui me dit qu’O­livi­er devait les réveiller vers 5h00. On se lève et l’on mange rapi­de­ment.

Avec notre retard sur l’ho­raire ini­tial, il sera très dif­fi­cile d’at­tein­dre notre sec­ond lieu d’héberge­ment à une heure raisonnable. Étant plus rapi­de qu’eux je crois pou­voir y arriv­er si je roule à mon rythme et les informe que je désire par­tir seul. J’ai égale­ment tou­jours mon prob­lème avec mon porte bagage et mon cyclomètre et ne désire pas les retarder avec mes nom­breuses expédi­tions aux ate­liers de répa­ra­tions des points de con­trôle.

Je pars donc seul et 30 kilo­mètres plus loin rejoins le point de con­trôle de Carhaix (km 529) à 8h30. Je repars aus­sitôt et après la tra­ver­sée du Roc Trevezel, où l’on atteint le point le plus élevé du par­cours (350 m) après une mon­tée d’en­v­i­ron 10km, je me rends jusqu’à Sizun où j’aperçois Suzanne, l’épouse de Claude, qui m’of­fre quelques tartines à la con­fi­ture de frais­es, un délice.

J’at­teins finale­ment la lim­ite extrême du par­cours, Brest (km 613), vers 12h15 et suis main­tenant sur le chemin du retour. Je tra­verse Brest et une ving­taine de kilo­mètres plus loin ressens une douleur juste en haut du talon droit. Cette douleur est per­sis­tante et il m’est impos­si­ble de me met­tre debout lors des mon­tées. Ça ressem­ble à un début de ten­di­nite et je sais que ce prob­lème est l’une des prin­ci­pales caus­es d’a­ban­don des PBP. Je décide alors de n’u­tilis­er que mon autre jambe. Ma vitesse s’en trou­ve immé­di­ate­ment réduite mais je con­tin­ue à dépass­er la majorité des cyclistes que je croise. Je mets fréquem­ment de l’eau sur mon bas pour créer un peu de fraîcheur à mon ten­don.

Une trentaine de kilo­mètres plus loin, lors de la mon­tée du Roc Trevezel, je m’aperçois que pour la pre­mière fois depuis le départ de Paris je ne parviens plus à suiv­re le flot de cyclistes. Il fait très chaud, je me sens très fatigué et mon ten­don me fait de plus en plus mal. Finale­ment je décide de faire une pause de 30 min­utes. Lorsque je repars mon ten­don me fait beau­coup moins mal.

Je rejoins Carhaix (km 696) vers 17h00. Je prends une bonne heure pour me repos­er et au moment de repar­tir j’aperçois J‑F et Claude qui arrivent. Je les informe de mon prob­lème de ten­don et que je n’ai tou­jours pas réus­si à faire répar­er mon porte-bagages ni trou­vé de bat­terie pour mon cyclomètre. Claude se rap­pelle alors qu’il en a peut-être une quelque part dans ses bagages et après quelques recherch­es la déniche finale­ment.

Je repars vers 18h et à ma grande sur­prise la douleur sem­ble avoir dis­parue. Je décide tout de même d’u­tilis­er ma jambe droite le moins pos­si­ble. Je rejoins ain­si Loudéac (km 773) vers 21h00. Une cham­bre m’é­tait réservée à Sens De Bre­tagne (km 883) mais il me sera désor­mais impos­si­ble d’y arriv­er avant 3 heures du matin alors je prends la déci­sion de dormir au prochain con­trôle, à Tin­té­ni­ac, 20 kilo­mètres avant d’at­tein­dre Sens De Bre­tagne.

La nuit tombe. Vers 1 heure du matin les cyclistes sont de plus en plus rare. Il m’ar­rive main­tenant fréquem­ment de ne pas apercevoir la lumière rouge d’un cycliste à l’a­vant pen­dant une quin­zaine de min­utes. Le ciel est étoilé et je me dirige presque con­stam­ment en direc­tion de la planète Mars qui est très bril­lante puisqu’elle ne s’est jamais approchée aus­si près de la terre depuis des mil­liers d’an­nées (prob­a­ble­ment pour regarder le PBP de plus près). À part cette petite lumière céleste je me fie aux flèch­es placées par les organ­isa­teurs de l’événe­ment pour m’indi­quer le chemin à suiv­re. Les flèch­es sont très mal conçues puisque la tige de la flèche est rouge et très vis­i­ble mais par con­tre la pointe est de couleur blanche et n’est vis­i­ble que lorsqu’on l’é­claire directe­ment de face. Comme les flèch­es sont sou­vent placées en angle je dois sou­vent ralen­tir pour décou­vrir de quel coté tourn­er. J’en vois juste­ment une à l’a­vant, pas moyen de la rater celle-là et elle est située à l’in­ter­sec­tion d’une petite rue et m’indique de vir­er à droite. J’y vais mais après quelques kilo­mètres, et 2 inter­sec­tions sans flèche, il est évi­dent que je ne suis plus sur le bon chemin. Je retourne sur mes pas jusqu’à la flèche fau­tive. En éclairant un peu plus loin sur la route prin­ci­pale je vois plusieurs flèch­es à la prochaine inter­sec­tion. J’ar­rache donc la flèche fau­tive et la couche sur le sol pour éviter aux prochains cyclistes de se faire piéger comme moi.

J’ar­rive à Tin­té­ni­ac (km 860) vers 2h40 et ils ont un lit disponible seule­ment à 3h00. J’en prof­ite pour aller voir l’ate­lier de répa­ra­tion et ils rem­placeront la barre sta­bil­isatrice de mon porte-bagages pen­dant la nuit.

Je pars de Tin­té­ni­ac vers 7h00. Si tout va bien aujour­d’hui j’e­spère par­courir les derniers 365 kilo­mètres sans dormir et ral­li­er l’ar­rivée vers 2 heures du matin. Deux heures à peine après mon départ je ressens la même douleur qu’hi­er mais cette fois-ci la douleur provient du ten­don de ma jambe gauche. À par­tir de cet instant je n’u­tilis­erai plus que ma jambe droite jusqu’à l’ar­rivée et par mir­a­cle elle tien­dra le coup.

À quelques kilo­mètres de Fougères, une descente abrupte se présente. La vitesse max­i­male affichée par mon cyclomètre indique 57 km/h et décide de ten­ter de l’amélior­er. J’at­teins finale­ment 58,1 km/h quand tout à coup le guidon de mon vélo se met à vibr­er de gauche à droite de façon incon­trôlable. Je suis con­va­in­cu que je vais per­dre le con­trôle et m’écras­er au sol. Je réus­sis mal­gré tout à appli­quer les freins mais le guidon ne cessera de vibr­er que lorsque le vélo sera com­plète­ment arrêté. J’ai eu la peur de ma vie.

Je repars très lente­ment et con­state que le vélo se met à vibr­er dès que je dépasse les 35 km/h. J’en­tre à Fougère (km 914), vers 10h15 où un vélociste essaie de trou­ver la cause de ce prob­lème. La fourche n’est pas fêlée, le cadre non plus. Il resserre pra­tique­ment tous les boulons de mon vélo, resserre tous les rayons de ma roue avant et fixe égale­ment mon sac arrière très solide­ment sus­pec­tant qu’il pour­rait être la cause de cette vibra­tion. Rien n’y fait, les vibra­tions per­sis­tent et le vélociste se dit inca­pable de régler le prob­lème. Je me résigne donc à me ren­dre à l’ar­rivée sans dépass­er les 35 km/h. En plus de n’u­tilis­er qu’une jambe lors des ascen­sions me voilà main­tenant con­damné à frein­er en descente, heureuse­ment qu’il ne reste que 300 km.

Je repars en direc­tion de Vilaines. J’ai tou­jours un début de ten­di­nite à la jambe gauche mais j’ai trou­vé une façon de pédaler qui me per­met d’u­tilis­er quelque peu cette jambe. Je n’ai qu’à point­er mon pied vers l’a­vant et ceci élim­ine toute ten­sion sur mon ten­don. Je peu donc utilis­er celle-ci (sans toute­fois exagér­er). J’ar­rive à Vilaines (km 1002) vers 15h15 puis con­tin­ue en direc­tion du prochain con­trôle, Mortagne, situé 82 kilo­mètres plus loin.

Peu après le départ un groupe d’une dizaine d’I­tal­iens me dépasse, je m’y accroche et fait un bon bout de chemin avec eux. C’est la pre­mière fois depuis le début de ce PBP que je réus­sis à m’ac­crocher à un groupe et que je me sens à l’aise. La plu­part des autres groupes roulaient un peu trop lente­ment pour moi et en plus les cyclistes en tête du pelo­ton sem­blent tous s’être passé le mot pour se laiss­er aller en descente, plutôt que de con­tin­uer à pédaler en appli­quant une légère pres­sion sur les pédales pour com­bat­tre la résis­tance du vent, forçant tout le reste du pelo­ton à frein­er der­rière eux ce que je trou­ve insup­port­able à la longue. Con­traire­ment aux autres pelo­tons ce groupe est tiré par une seule per­son­ne qui sem­ble lire dans mes pen­sées tant il con­trôle bien les mon­tées et les descentes du pelo­ton. En mon­tée il dimin­ue le rythme de façon par­faite et en descente je ne touche jamais mes freins ni mes pédales, c’est incroy­able. Le seul autre moment de ce PBP où j’ai ressen­ti cette sen­sa­tion de par­fait syn­chro­nisme en descente était lorsque je me suis accroché à un tan­dem, par con­tre en mon­tée leur rythme descendait telle­ment que je les pous­sais avec ma main.

À mi-chemin vers Mortagne la douleur de ma ten­di­nite sem­ble s’être accen­tuée et je suis égale­ment très fatigué. Je me résigne à laiss­er par­tir ce mer­veilleux groupe et fais une pause de 45 min­utes couché dans l’herbe haute sur le bord de la route. Ha! ce qu’on est bien couché par­fois. Je repars et lorsque je ren­tre dans la ville de Mortagne (km 1084) vers 20h30, je ne ressens plus de douleur à mon ten­don depuis quelques kilo­mètres. Par mesure de pré­cau­tion je con­sulte l’in­firmerie qui me fait un mas­sage des 2 ten­dons et des deux jambes. Je sors de l’in­firmerie une heure plus tard et me rend à la cafétéria où j’y ren­con­tre mes 3 copains. Ils prévoient dormir à un hôtel situé à une quar­an­taine de kilo­mètres. Ils m’in­vi­tent d’y pass­er égale­ment la nuit mais j’e­spère tou­jours ral­li­er l’ar­rivée sans dormir. Si le mas­sage a fonc­tion­né je crois sincère­ment être en mesure de le faire.

À 22h30 nous enfour­chons tous les qua­tre notre vélo mais au pre­mier tour de maniv­elle une vive douleur me ramène à la triste réal­ité. Le mas­sage sem­ble avoir empiré les choses. Il m’est tout à fait impos­si­ble de con­tin­uer pour le moment tant la douleur est aiguë. Je me résigne à laiss­er par­tir mes amis et me trou­ve une place au dor­toir. Je décide de pren­dre 5 heures de som­meil afin de laiss­er à mon corps une chance de se régénér­er. À ce moment j’en­trevoie la pos­si­bil­ité de devoir aban­don­ner à seule­ment 140 kilo­mètres de l’ar­rivée. Si je me lève avec la même douleur au ten­don j’a­ban­don­nerai c’est cer­tain.

Je me réveille à 3h30 et je me sens très bien. J’en­fourche mon vélo et à ma grande sur­prise mon ten­don va beau­coup mieux. Je n’a­vance pas très vite et pra­tique­ment tous les cyclistes me dépassent. J’es­saie par­fois de suiv­re un groupe qui me dépasse ou suiv­re l’une des rares per­son­nes que je rejoins mais je n’y trou­ve pas mon rythme et les aban­don­nent très rapi­de­ment. Une trentaine de kilo­mètres avant d’ar­riv­er au con­trôle je suis rejoins par mes trois amis et me laisse tir­er par eux. Depuis le début de ce PBP je les trou­vais un peu lents mais main­tenant que j’u­tilise une seule jambe je ne pour­rais espér­er une vitesse de croisière plus con­fort­able. Je suis bien con­tent de les avoir.

C’est plutôt froid cette nuit et c’est très humide dû au brouil­lard. Mal­gré que je suis très bien habil­lé je ressens le froid tra­vers­er mes vête­ments lorsque l’on descend dans de petits creux où le mer­cure descend cer­taine­ment près du point de con­géla­tion. On m’avait dit que la tem­péra­ture pou­vait être froide la nuit mais je n’au­rais jamais cru qu’il ferait aus­si froid. Je suis con­va­in­cu que s’il avait plu cette dernière nuit c’au­rait été l’hé­catombe.

Nous atteignons l’a­vant dernier point de con­trôle à Nogent le Roi (km 1168) vers 7h15 et repar­tons pour join­dre l’ar­rivée après un bon petit déje­uner. Suiv­re mes amis a per­mis à mon ten­don de récupér­er et quelques kilo­mètres avant l’ar­rivée je me per­me­ts même de mon­ter quelques côtes pentues debout à bonne allure.

Nous ter­mi­nons finale­ment cette belle aven­ture à 10h46 après 84 heures de route. Vir­gil a pour sa part bouclé le tra­jet en 69 heures 38 min­utes.

Au départ de cette épreuve mon objec­tif pre­mier était de ter­min­er mon pre­mier Paris-Brest-Paris mais je dois vous avouer que j’au­rais bien aimé le ter­min­er en moins de 80 heures. Évidem­ment si j’é­tais par­ti en solo , si je n’avais pas eu de prob­lèmes avec mon vélo, si je n’avais pas eu de prob­lèmes de ten­don, si, si, si. Par­lez-en à ceux qui ont déjà par­ticipé à cette épreuve et pra­tique­ment tous vous énuméreront une mul­ti­tude de prob­lèmes qui ont ralen­ti leur pro­gres­sion à un moment ou un autre. C’est autour de tous ces ‘si’ qu’au fil du temps s’est forgé l’au­ra mythique qui entoure main­tenant ce pres­tigieux événe­ment.

Le dic­ton ne dit-il pas qu’avec des ‘si’ on va à Paris? Eh bien moi je vous dirai que c’est chargé de ‘si’ que l’on revient d’un Paris-Brest-Paris et que ce sont eux qui en font une expéri­ence que l’on se sou­vien­dra avec nos­tal­gie toute notre vie.

Jean (la machine)