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Adapté de la version originale
Départ: Saint-Quentin-En-Yvelines
J’ai quitté l’appartement de Paris pour l’aire de départ vers 13:00. J’avais un dîner planifié avant le départ. J’étais cédulé pour le départ de 18:00 de Saint-Quentin-En-Yvelines, et pensais utiliser le temps libre pour prendre plus de photos.
Quittant l’appartement, j’ai pris le chemin habituel. Sur mon chemin, j’ai tenté de traverser la rue en passant par dessus la bordure de béton bordant la piste cyclable. Je tombai malheureusement sur le genou droit après que ma roue avant eu glissé, et perdis ainsi tous mes ajustements au guidon. Il me fallu plusieurs minutes pour réaligner le tout de façon satisfaisante. J’ai continué et atteint la cafétéria, ou j’ai pris du macaroni, du boeuf en sauce, et beaucoup de liquide. Je transportais deux bidons et un camelback d’une capacité de trois litres, presque plein. Je ne transportais que de l’eau. Après le repas, j’ai rejoint la filée du départ.
Les premiers cyclistes n’étaient partis que quelques minutes plus tôt, et nous devions être 5225 participants. J’apprendrai plus tard qu’une voiture stationnée dans le chemin bloquait la voie pendant plusieurs heures et que la police interdisait tout départ tant et aussi longtemps que celle-ci était là. Le délai fût relativement long… Puis, les vélos spéciaux (position allongée, tandems, avec coque aérodynamique, ainsi que certains vélos fabriqués maison et des pignons fixes) prirent le départ. Il était 16:00. Le temps était bon, chaud et relativement sec. Nous transpirions sous la chaleur qui semblait être d’environ 30 degrés Celsius. J’apprendrai plus tard que certains cyclistes ne prirent pas le départ, ayant souffert d’insolation.
J’ai rencontré plusieurs personnes, me présentant, mon vélo à été photographié ou ignoré. L’attente était longue et nous n’avions que nos réserves d’eau sur nous. Bien que certains purent se ravitailler lors de la longue et lente marche vers le départ, ce n’était pas chose facile, vu les rares abreuvoirs le long de la piste entourant le gymnase, et la plupart ne pouvait traverser la largeur de la filée, celle-ci étant de 5 à 8 cyclistes.
J’atteignis finalement le point ou la puce électronique serait enregistrée, et fis estampiller mon départ dans mon carnet de route, incluant signature d’un officiel. Il était 19:15. On nous demanda de nous avancer à la ligne de départ. J’étais prudent de ne pas trop m’avancer, m’attendant à ce que certains d’entre nous se précipitent à l’avant pour pouvoir donner plein gaz dès le départ, comme des fous, ce que je n’avais nullement l’intention de faire. Je sais comment je réagis sous la pression, et partir à pleine vitesse dès le départ viderait rapidement mes réserves. Je devais aussi considérer la chaleur à laquelle j’avais été soumis, au cours des dernières heures, de même que mon état avancé de déshydratation (je ne pris conscience de cet état dans sa pleine mesure que plus tard), et de plus, je n’avais aucune idée des défis que présentait la route devant moi, ou autres problèmes potentiels. J’ai pu me maintenir dans le dernier tiers de la masse. J’apprendrai plus tard que l’ensemble des cyclistes partait en grappes de 450 individus, toutes les 20 minutes.
Le départ fut donné à 19:40 exactement.
Stage 1: Saint-Quentin-En-Yvelines vers Villaines-La-Juhel (incluant un arrêt à Mortagne-Au-Perche) 220km en 10h36m
Je n’ai jamais pris part à un départ de cyclistes de plus de 20 individus. Me voilà ici avec 450 autres, probablement le seul roulant à pignon fixe du groupe, et parmi ceux dont l’anglais est soit la langue seconde, ou pour lesquels l’anglais est inconnu, et probablement aussi sans aucune connaissance pratique du français. J’étais quelque peu inquiet puisqu’étant parmi de très grands cyclistes, hommes, femmes, allemands, danois, suédois, roulant très près les uns des autres, un pied dans les cales, l’autre survolant le sol de près, allant lentement, et attendant que la masse ne prenne sa vélocité. Je roule en 43 x 15, et mon plan est de rouler ainsi jusqu’à Tinténiac, où je tournerai ma roue arrière et utiliserais le pignon de 17 pour la partie Tinténiac-Brest-Tinténiac, étant donné qu’elle paraissait plus pentue (collines).
À un moment donné, la vitesse se mit à augmenter rapidement, les motards de la gendarmerie ouvrant le chemin avec une voiture à l’effigie du PBP, la foule au long de la route applaudissant, criant, encourageant, souriant, émettant de forts “bravo!”. Le soleil se couchait lentement, et tout ce que j’avais à faire était de suivre la foule. J’ai passé quelques canadiens, incluant celui roulant sur un “Bike Friday”, roulant avec ses bras reposant sur son sac de guidon. À ce moment, nous ne passerons pas encore de vélos spéciaux, ceux-ci étant partis plus tôt et avec une bonne avance. Le groupe commença à se disperser et il y avait moins de monde autour de moi. De centaines, nous étions passés à des grappes d’une dizaine.
La nuit tombant, j’ai dû m’arrêter pour revêtir ma chasuble réfléchissante à l’image du PBP; jolie et confortable et presque chaude. Je vérifiai mes lumières de secours, et laissai la lumière arrière à pile allumée, de même que celle que je portais au dos de mon casque. Parlant de casques, je crois pouvoir compter sur les doigts d’une seule main les cyclistes rencontrés ne portant pas de casques. Plutôt bon résultat considérant qu’il était fortement recommandé, mais pas obligatoire! Nous pédalâmes ainsi à travers la nuit, et passé l’excitation du départ, je me découvre presque dépourvu de motivation. Au kilomètre 50, j’étais prêt à abandonner. Je ne voulais plus continuer, et je fus assailli de pensées relatives à un retour, un arrêt. Ces pensées ne me quitteront pas avant Brest, 600km plus loin. La seule option disponible pourtant était de continuer à pédaler et de garder à l’esprit d’effectuer de petits objectifs; par exemple, arriver au premier contrôle de Villaines-La-Juhel, et voir les alternatives.
En route j’ai rencontré des randonneurs couchés sur le bord de la route, incluant un vieux taïwanais à longue barbe blanche mais jaunie sous le réverbère, que j’avais vu partir dans le groupe précédant le mien. J’ai su plus tard qu’il avait 70 ans, et en était à son premier PBP!
Tel que je m’en souvienne, la route semblait monter, et ponctuée de petits villages. Des gens nous encourageaient continuellement du bord de la route. Je m’assurai de sourire et remercier ces gens à chaque passage, ou d’envoyer la main. Alors que je pédalais, j’étais parfois devant et aucun autre cycliste pour me guider, ou je ne pouvais voir ceux qui me précédaient à cause de la configuration du terrain. Il m’est arrivé alors de me tromper à plusieurs reprises et d’entendre avant que d’aller trop loin: “NON! À DROITE” ou “PAS PAR LÀ!”. J’ai probablement fait 3 kilomètres au total par erreurs de cette sorte. Malgré cela, je n’étais pas le seul à le faire, car une fois sur le bon chemin, j’entendais les mêmes cris derrière à l’endroit des cyclistes me suivant. Bien que mon GPS fonctionnât très bien, les ronds-points pouvaient rendre confus, et les pancartes avec les flèches indiquant le parcours ne paraissaient pas toujours aussi visibles, ou pouvaient suggérer à mon point de vue plus de virages que nécessaire… De plus, souffrant de myopie, ces pancartes, dans la noirceur, m’étaient invisibles, et j’ai du troquer mes lunettes cyclistes (qui me protégeaient très bien les yeux) pour mes verres correcteurs. C’était une sage décision pour rouler la nuit. Poursuivant ma route, et au milieu de la nuit, nous pédalions sur des routes dépourvues d’éclairage.
Maintenant, essayez d’imaginer une étroite route de campagne, et tout ce que vous voyez sont les jambes et les arrières des vélos qui vous précèdent, dans l’illumination de votre phare, ou plus loin, les feux rouges de position. Maintenant, essayez d’imaginer des milliers de ces lumières rouges devant vous. Et si vous deviez vous arrêter, vous verriez une procession de centaines de lumières blanches, dansant au rythme du pédalage, comme autant d’insectes nocturnes déambulant vers vous. Cette vision fantasmagorique inspirait un sentiment d’étrangeté à laquelle je n’avais aucune conscience préalable. Habituellement, lorsque je roule la nuit, je suis seul, ou accompagné de quelques cyclistes, jamais plus de 10. Mais ici, je prenais part à une longue trainée de ces lumières, lesquelles passaient du blanc au rouge arrivées à moi.
À un moment donné, j’arrêtais dans un village, alors que j’apercevais des gens prenant place à la terrasse d’un café. Il était passé 23:00, et je me disais qu’un breuvage autre que de l’eau me ferait du bien. À ce moment, j’essayais de boire le plus possible, mes lèvres étaient sérieusement gercées, enflées et de larges surface de peau levaient. J’étais vraiment déshydraté. Alors j’entrai et commandai un chocolat (le nom qu’ils donnent au chocolat au lait) et une orangina. Je pris mes choses et m’assis en dehors de la terrasse. J’eu plusieurs surprises alors: d’abord, certains cyclistes étaient à boire une pinte de bière. Deuxièmement, ils servaient de la bière aux cyclistes, mais pas aux clients parce que passé 23:00. J’étais aussi surpris de voir que le chocolat n’était en fait que du lait réchauffé auquel on ajoutait de la poudre de chocolat instantané. Dernière surprise, alors que je commandais un deuxième service et qu’il n’y avait plus d’orangina, on me servit du jus d’orange “Minute Maid”… Assis à une table et faisant face à la rue, je vis un compagnon de randonnée du Québec, grimpant la rue en danseuse. Ce randonneur abandonnera avant Brest, malheureusement. Mon compagnon de table était anglais, et alors que nous discutions, je partageai mes troubles de motivation. L’homme m’a probablement aidé plus qu’il ne l’aurait pensé alors. Il me dit: “Bien, rappelles-toi que tant que tu roules, tu gagnes des heures potentielles de repos. Le plus vite tu iras, et plus tu auras de temps pour te reposer entre les contrôles”. Je décidai de suivre cet avis.
Je quittai alors, poussant un peu plus sur les pédales. Je grimpai à travers les collines, dans la nuit, et passant beaucoup de monde. En fait, je constate rétrospectivement que je ne me rappelle pas avoir été dépassé par qui que ce soit, sinon lors de la dernière étape, ou descendant des côtes alors que je roulais en 43 x 17. Je roulais autrement assez rapidement, mais je ne pourrais dire à quelle vitesse, mon Garmin ne me donnant pas cette information sur la carte GPS par choix. Je n’avais que le temps et la distance. Je pédalai ainsi pour une longue période.
À Mortagne-Au-Perche, je renouvelai mes réserves d’eau tout en buvant et mangeant. Je repris la route et vers 2:00 du matin, m’endormant, je décidai de m’arrêter. Je m’étais déjà endormi au guidon par le passé, et je venais de connaître un léger épisode semblable; je savais que cela n’irais qu’en s’aggravant et produire un accident, ce que je n’avais aucune intention de laisser arriver. Je trouvai une aire légèrement élevée au bord de la route, y montai mon vélo, me fis un lit de mon Camelback, et me couvrai le visage de ma chasuble. Je fermai les yeux. Je ne crois pas m’être endormi; je me sentais plus paralysé ou fixé dans le temps, en stase ou quelque chose du genre, vide de toutes pensées. Je restai ainsi environ 30 minutes, et enfourchai ma selle.
J’arrivai à Villaines-La-Juhel à 6:18. Je mangeai un peu et me dirigeai vers l’aire de repos. Pour 3 Euros, je dormis 45 minutes. Réveillé, je me ravitaillai en eau et pris un petit-déjeuner. Je rencontrai alors 2 compagnons de Québec (rencontré quelques jours plus tôt dans l’avion qui nous mena en France). Ils m’informèrent que l’un de nos collègues était tombé d’inanition de son vélo, suite à des problèmes hydratation, d’alimentation et de coup de chaleur. J’apprendrai plus tard qu’il avait repris la route, et qu’il finira son PBP en même temps que moi.
Stage 2: Villaines-La-Juhel vers Fougères 85km en 5h39m
Je quittai probablement Villaines-La-Juhel passé 8:00 du matin. Bien que j’étais un peu fatigué, je me sentais bien. Je ne me rappelle pas de pensées négatives alors. J’ai mangé un dîner plutôt qu’un déjeuner. Puis je partis en offrant à mes compagnons de Québec de les accompagner. Bien qu’ils acceptèrent, je n’ai pas respecté cet engagement, alors que je me rendis compte que le temps comptait pour celui qui roulait en pignon fixe, considérant les montées à venir, et décidai de pousser en direction de Fougères.
À cette étape, nous étions confrontés à des collines, et la route n’était pas aussi douce qu’auparavant. L’asphalte paraissait usé par le temps, et des plaques de routes plus rugueuses que d’autres se présentaient ça et là, me ralentissant un peu. J’ai passé plusieurs cyclistes encore tout au long de cette route, et cela représentait par fois un risque car plusieurs cyclistes avaient la mauvaise habitude de rouler au centre de la route, plutôt qu’au centre ou à droite de la voie.
Cette mauvaise conduite pourrait expliquer la mort d’un cycliste américain plus tard. Je crois que nous en saurons sûrement davantage après les résultats de l’enquête.
À part cela, la route fut tranquille et sans incident pour ma part.
Stage 3: Fougères vers Tinténiac 55km en 2h46m
De Fougères à Tinténiac, la route est relativement plate et sans incident, sinon par la rencontre inattendue d’un compagnon randonneur français (originaire de Loudéac pour être précis) et que j’eus l’honneur de rencontrer lors de brevets au Québec. Nous discutâmes près de 45 minutes, et il m’informa de son intention, en rentrant à Loudéac, son lieu de naissance, de porter le maillot de l’équipe de foot originellement gérée par son père, mais malheureusement fusionné avec une équipe d’ailleurs. “Ce sera un beau moment d’émotion” ajouta t’il. Nous nous séparâmes, et nous souhaitèrent bonne route. Nous ne nous reverrons pas, mais je sais qu’il termina en 75 heures et 53 minutes. Beau travail Jean-François!Arrivé à Tinténiac, je pris le temps de manger. La nourriture y était excellente; je ne me rappelle pas ce que j’ai mangé, mais c’était vraiment bon, et à mon avis, la meilleure nourriture de tous les contrôles. Comme à tous les contrôles, il y a de la nourriture, mais aussi des breuvages, incluant jus d’orange, eau, minérale ou pas, du coca-cola, et de la bière, du vin rouge…
Je fis quelques vérifications sur ma machine, ajustant lumières, guidon, et changeai ma roue de bord pour utiliser mon pignon de 17 en préparation de la topographie à venir.
Stage 4: Tinténiac vers Loudéac 86km en 5h52m
C’est ici que cette randonnée prend une nouvelle tournure. La température est toujours bonne et relativement chaude, bien que des nuages commençaient à poindre à l’horizon. C’est aussi à partir de ce moment que je commençai à voir des cyclistes sur leur retour. J’ai aussi vu des cyclistes dormant sur le bord de la route, dans des bivouacs, sorte de sarcophage flexible, nippés serrés, sur l’herbe. Il y en avait trois alignés sur cette route, au moins.
La route comportait plus de collines. Toutefois, elles étaient assez petites, et relativement faciles au pédalage.
J’arrivai à Loudéac et l’air était frais, mais la foule compacte; l’accueil y fût des plus chaleureux, avec un passage étroit délimité de garde-foules débordant de gens applaudissant. J’ai fait mon contrôle, et pris deux galettes (très semblable à nos crêpes) à la saucisse avec de la moutarde forte. C’était bien. L’endroit était trop bruyant, et je n’avais pas le coeur à la fête, aussi entrepris-je de quitter pour le contrôle suivant, en espérant pédaler à travers la nuit et me rendre ainsi à Brest.
Stage 5: Loudéac vers Carhaix-Plougher 79km en 8h50m
Il se mit à pleuvoir peu après mon départ de Loudéac. Cela commença d’abord par des éclairs au loin et comme le son du tonnerre prenait du temps à parvenir à mes oreilles, j’avais l’impression que nous ne serions pas affectés par l’orage qui paraissait fort violent. J’avais tort. À un moment, de façon inattendue, éclairs et tonnerre se déclenchèrent au-dessus de nos têtes, et cela se mit à tomber généreusement et en peu de temps, j’étais trempé jusqu’aux os. Depuis le départ de Paris, je porte les mêmes vêtements, soit un pantalon court et léger, muni d’un sous-vêtement avec un bon chamois, un t‑shirt très léger de jogging (avec des trous pour mieux respirer), et une paire de bas en laine mérinos, lesquels ne seront enlevés qu’au retour à l’appartement de Paris, tellement ils sont confortables, chauds, et sans odeur. Pourtant, je n’avais pas froid, j’étais bien, surtout que le pédalage me maintenait au chaud. Les collines n’étaient pas longues, mais avaient quelques bonnes pentes.
Mais la nuit tombée, je m’interrogeais à savoir si mon projet de rallier Brest dans la nuit était réaliste. Alors que d’autres cyclistes sur le retour formaient une chaîne continuelle, leurs phares aveuglants dans la nuit trempée, la pluie qui ne cessait pas de tomber, la route peu illuminée, la circulation routière (de gros camions empruntaient ces routes, ainsi que quelques très rares voitures), et le style de conduite de certains cyclistes (au centre de la route!) me décidèrent à prendre un arrêt. Suite à ma décision, j’arrêtai à Saint-Martin-Des-Prés, où, lors d’une montée, je vis au fond d’un virage, un rassemblement sous une grande bâche ou semblait être un barbecue.
Je débarquai de mon vélo, et un homme me dit de me diriger vers le bâtiment de droite pour entreposer mon vélo pour la nuit. Je demandai s’il y avait des possibilités de dormir, et il me dit de me rendre au bar. Je plaçai mon vélo dans l’entrepôt, qui se révéla en fait être un bâtiment au plafond bas, dont le sol était sablonneux. Je me dirigeai vers le bar, de l’autre côté de la rue, prenant garde de ne pas me mettre sur la route des cyclistes qui montaient, et m’enquit des possibilités de couchage. On me dirigea vers Cindy.
Une fois dans le bar, Cindy, une femme dans la trentaine, d’environ 1m55, cheveux court, châtains clair, et entourée de jeunes femmes dans la jeune vingtaine, me dit à voix basse qu’elle n’avait plus de place, mais qu’elle pouvait m’offrir de coucher dans son bureau, à terre. Je dégoulinais d’eau, et franchement, aurais pu dormir dans les toilettes (une très mauvaise idée que je me gardai de suggérer) et acceptai son offre. Elle m’offrit aussi une serviette, et je lui demandai quels étaient les frais.
- C’est gratuit monsieur. — Pardon? — C’est gratuit; cela ne fait qu’un an que nous sommes ouverts et nous ne sommes pas totalement installés — C’est vraiment très généreux de votre part, merci! Pourrais-je acheter une bière? — Bien sûr: ce sera 1 Euro 50
J’étais assez ému de cette offre de dormir pour rien. Je me déshabillai et me séchai comme je le pus, rinçant mes vêtements salis et souillés, et les mis à sécher sur la calandre de chauffage. C’est alors qu’un autre invité entra, qui s’installera sur le divan. L’homme de ma taille mais de très forte carrure était originaire de La Manche. Il m’expliqua que ses parents le suivaient, mais qu’ils étaient bruyants la nuit (??) et devait de toute façon coucher dehors. Il planifiât quitter à 3:00 du matin, alors que je planifiais quitter à 4:00.
Je bus ma bière, et mangeai une orange ramassée plus tôt au cours de la journée, puis tombai endormi.
Je m’éveillai à 3:00 du matin, par moi-même; mon compagnon de chambre n’était plus là, et je décidai de ne pas perdre de temps et quittai immédiatement. Je ne mangeai pas, ni ne renouvelai mes réserves d’eau (j’en avais encore beaucoup), et comme j’aurais à faire face à des montées, je me dis que je perdrais du poids en roulant, ce qui me faciliterais la tâche. Alors je plongeai dans la nuit comme une ombre, pédalant dans la pluie qui perdurait, mais avec moins d’intensité toutefois, et relativement fraîche. J’étais entièrement mouillé après 10 minutes, mais cette fois, je portais un maillot en laine mérinos, une culotte de cycliste Pearl Izumi. Le choix de ce cuissard à chamois plus mince sera ma perte.
Je me devais de me changer pour un vêtement sec et propre, d’autant plus que nos cuissards ne restent pas dans leur meilleur état tout le temps (surtout en longue distance…). Et je n’avais rien d’autre, ce qui fait que je dus faire avec ce que j’avais. Cela demande parfois une certaine humilité de notre part.
Ce cuissard sera ma perte, et vous comprendrez plus tard pourquoi.
Stage 6: Caraix-Plougher vers Brest 93km en 5h12m
À Carhaix-Plougher, je fis comme à mon habitude, je refis mes réserves puis mangeai. Je retournai au vélo et entrepris la longue grimpe.
Et ce fût une longue ascension; la route était assez belle toutefois, et comparativement au tronçon Fougères-Tinténiac, le pédalage me parut aisé. Je dépassai plusieurs personnes encore, et la pluie avait cessé. Je me sentais un peu bizarre, comme pas à ma place. J’arrivai à un petit village, lequel avait un beau lac, perdu dans le brouillard. Je pouvais voir des cygnes blancs, et autres oiseaux, volant au plus bas. Je pris une pause, appuyai mon vélo, et sorti un objet civilisé dont j’avais le plus besoin alors: ma brosse à dent.
Je me brossai les dents tout en regardant le paysage, avec le son des coups de pédales de cyclistes qui passaient derrière moi. Je ressentais une certaine satisfaction, et de complémentarité, comme si je redevenais un peu moi-même. Cela me permettait aussi de prendre une pause de ma selle Brooks, laquelle me semblait plus dure, plus difficile.
Peu après, je pris quelques profondes respirations, me remis en selle et la senti encore moins confortable. Je pédalai et rattrapai les autres, puis les devançai, en pleine ascension.
À mesure que je gagnais en altitude, la visibilité allait en décroissant. Mes lunettes de cyclisme étaient pleines de gouttelettes de rosée, de même que mes bras, et mon maillot de mérinos, comme autant de minuscules perles de verre. J’étais complètement mouillé, barbe et moustache tout aussi mouillées dans la rosée matinale. Je vérifiai la température sur mon Garmin; 13,4 degrés Celsius. Je ne ressentais pas le froid toutefois, je me sentais au chaud dans l’effort. Mais je m’inquiétai alors qu’à mesure de l’ascension, la température ne descende davantage, et si pris à m’arrêter, que je ne sois soumis au froid. Je continuai de pédaler, dépassant encore des gens, déterminé à conquérir l’obstacle.
Au sommet de la colline, bien que je n’avais jamais été capable de dire si je l’avais atteint, la visibilité était quasi nulle avec moins de 5 mètres d’horizon. Procédant avec précaution, j’entrepris la longue descente vers Brest. La plus haute vitesse que je me permis approchait les 40km/h. Vous devez comprendre ceci, que d’utiliser un pignon fixe exige l’acceptation inconditionnelle que vous pédaler sans cesse, tant que les roues tournent. Les deux mains au guidon, appuyant sur les freins légèrement, je regardai les cyclistes me dépassaient dans la descente à vitesse assez élevée, jusqu’à ce qu’à mi-chemin, un attroupement impromptu et imprévisible se présente: vérification des lumières! Tous furent vérifiés, et certains invectivés pour ne pas avoir leurs lumières allumées, ou leur chasuble sur le dos. J’ai reconnu Robert Leduc, président de l’Audax Randonneur Mondiaux crier “Lights on!”. J’étais en règle, et je sais que les règles étaient claires et que des pénalités seraient attribuées aux fautifs, par l’ajout de quelques minutes sinon de quelques heures…!
Et cela fait beaucoup de sens pour moi; une telle organisation ne peut se permettre la responsabilité de l’imprudence de ses membres, et les cyclistes ne devraient se permettre de mettre leur vie ou celle des autres en danger inutilement.
Je poursuivi donc ma descente. Je rencontrai quelques montées supplémentaires, mais de moindre importance, approchant Brest par son pont de l’Iroise:
Je n’avais guère de temps pour le contempler, me sentant à court de temps. J’ai traversé le bras de mer qui l’enjambait par le pont voisin, apparemment dédié celui-là pour les cyclistes et les piétons.
L’entrée dans Brest fut longue et un léger désappointement. Après ces ponts magnifiques, j’entrepris quelques ascensions plus ou moins exigeantes, puis la route bifurqua pour nous faire traverser une aire industrielle, le long du port. Je n’en pouvais plus d’arriver au contrôle et une fois rendu, laissai mon vélo dans l’entrepôt servant de parking, et me dirigeai au contrôle.
Tous les contrôles se ressemblent; habituellement, on passe un tapis, lequel permet l’enregistrement du passage de la puce attachée à la jambe, et 2 personnes avec un t‑shirt vert (avec la mention “bénévole”) assis à une table, le premier estampillant du sceau du club Audax local le carnet de route dans la case correspondant à la destination, et l’autre inscrivant de façon manuscrite l’heure, et signant pour officialiser le tout. Le carnet fait figure de référence officielle relativement à la puce, mais cette dernière permet de communiquer au monde la position, l’heure d’arrivée, le kilométrage et la vitesse moyenne.
Il faut aussi savoir que dans un format Brevet Randonneur Mondiaux (BRM), les randonneurs disposent d’une période précise pour arriver au contrôle, incluant une heure minimale, et une heure maximale. Plus on arrive tôt dans les temps, plus d’heures il nous reste pour faire le reste du trajet, ou se reposer.
Pour ma part, je prenais un temps raisonnable pour boire, manger et me reposer. Les records ne m’intéressaient pas. Seule une arrivée dans les temps et en bonne forme m’importaient.Malheureusement, mon derrière me fatiguait de plus en plus et commençait à me faire mal. Cela ne ferait que s’aggraver.
Psychologiquement, je n’allais pas. Je considérais sérieusement de tout laisser. Le TGV Brest-Paris serait des plus rapides, et me conduirait sans délais ou presque à l’appartement de Paris. La pensée de tout laisser ne me donnait aucun sentiment de remord à ce moment-là.
Stage 7: Brest vers Carhaix-Plougher 85km en 5h9m
D’ici, nous étions tous sur le retour. Et cela m’éclaira: je pouvais dorénavant compter les kilomètres tel un compte-à-rebours! Cela semblera stupide, mais ma perspective venait de changer du tout au tout! Je remontai sur mon vélo, toujours avec cette douleur au derrière mais apaisée pour un temps, et donné de bons coups de pédale au sortir de Brest. Mon Garmin m’était inutile alors, car les trajets pré-enregistrés pour ce tronçon ne se trouvaient pas tous dans mon appareil, incluant ce trajet. Je pourrai utiliser la plupart des parcours déjà fait pour les portions suivantes, du moins pour la plupart. Je suivis néanmoins les flèches assez aisément, et me remis à dépasser des cyclistes.
Après la première ascension du retour, je m’arrêtai brièvement pour un chocolat. À ce café, j’y vis une très vieille bicyclette entourée de trois hommes. L’un d’eux l’a pris dans ses mains pour la peser et semblait impressionné par son poids. Elle était aussi assez grande. Il se trouve en fait que cette vieille bicyclette fut construite en 1900, et faisait le PBP par l’entremise de son cavalier anglais. L’homme était habillé d’époque. Pour monter cette bicyclette, il fallait, après avoir pris le guidon, mettre le pied gauche sur l’écrou dépassant du moyeu sur la gauche, et donnant un élan de la jambe droite, enfourcher le vélo en déposant son derrière sur la selle Brooks de 110 ans, le pied droit sur la pédale droite, puis ramener le pied gauche sur la pédale gauche, et entreprendre le pédalage.
Il semble que ce même personnage avait utilisé la même bicyclette en 2007, cette fois-là, avec un panier au guidon chargé de pommes de terre et de carottes… Il finira ce PBP à peu près en même temps que moi.
Je rencontrai un curieux de ce vélo par la même occasion; nous discutâmes de cette bicyclette, mais aussi de la mienne. Je lui ai présenté, et partagé mon expérience comme fort positive jusqu’à présent (omettant mes petites douleurs). Il prit en note mon numéro de cadre, et m’annonça qu’il me suivrait. Il fit en fait bien plus que cela.
Comme je grimpais la très longue ascension restante de cette portion Brest-Carhaix-Plougher, je poussais-tirais très fort sur les pédales, ce qui faisait en sorte que l’ascension était vraiment rapide. Au sommet je passerai de 20 à 32 km/h, à peine essoufflé. Je me sentais vraiment bien; surtout que l’homme du café, et sa partenaire étaient là, un peu avant le somment, me criant: “Allez Montréal! Allez!”
Cela me fit comme une douceur sur le coeur et l’âme d’être encouragé ainsi, juste pour moi.Je continuai, et empli d’une nouvelle énergie, j’avais cette pensée: je vais faire “ça”.
Stage 8: Carhaix-Plougher vers Loudéac 80km en 5h9m
Collines, collines, collines, partout, que des collines! Je ne restai pas longtemps à Carhaix, et poursuivis ma route aussitôt que possible. Le rapport 43 x 17 est bien, mais je me sens lent. Pourtant, il me semble bien adapté aux montées. Je deviens aussi de plus en plus inquiet de l’état de mon siège. La douleur s’accroît et pour en diminuer les effets, je pédale debout pendant quelques secondes à toutes les quelques minutes. J’essaye de me concentrer sur la route, ne pensant à rien d’autre qu’au but final, et cela fonctionne parfois, mais pour une courte durée. La douleur est réelle et un rappel permanent que quelque chose ne va pas et je ne comprends pas comment j’en suis venu ainsi.
Je rallie Loudéac dans un temps raisonnable, et commence à planifier la stratégie à venir quand je rencontre Bernard à la salle à manger.
Bernard est un très bon cycliste, tel que je le comprends, familier des routes de France. C’est son premier PBP et il visait un temps de moins de 80 heures. Malheureusement, en allant vers Brest, il tenta d’éviter ce qui s’avérera un brin d’herbe, et entra en collision avec un bord de trottoir avec sa roue avant. Il tomba sur son épaule gauche, et lorsqu’il fut examiné par un médecin, on lui conseilla de faire des radiographies. Convaincu qu’il s’agissait plutôt d’une bursite, il alla se coucher et dormi près de 6 heures. Puis il reprit la route, et ainsi nous nous sommes rencontrés. Il m’expliqua qu’il avait toujours un bon contrôle de son vélo, bien que diminué par la douleur à l’épaule.
Il avait l’intention de se rendre à Quédillac, voire même pousser vers Tinténiac avant de reprendre un repos, puisque cette dernière ville n’était que 25km plus loin. Je pris ce plan moi-même, et une fois qu’il eut quitté la salle à manger, je partis moi aussi dans la même direction, une fois mon repas terminé.
Stage 9: Loudéac vers Tinténiac 85km en 10h36m
Loudéac vers Quédillac 60km en 2h46m voir:
La route de Loudéac vers Quédillac fut sans embûche, comparativement aux stages précédents, sauf pour le besoin de sommeil qui se fit sentir. Je ne me suis pas endormi sur mon vélo; je me sentais plein d’énergie, bien que la douleur fût croissante et m’inquiétais de plus en plus. À Quédillac, je pris une douche; ma première de cette randonnée, et pu manger un peu, incluant une petite bière pression que je pris au pied de mon lit, dans la salle dortoir où plusieurs dizaines de ronfleurs gisaient. Juste auparavant, je revis Bernard en train de demander une chambre; je l’avais vraisemblablement dépassé. Il est vrai que j’avais roulé très vite, et qu’après avoir dépassé certaines personnes, un cycliste m’avait emboîté le pas alors que je filais à toute allure, approchant par moment les 35km/h. Un repos à Quédillac signifiait une arrivée à Saint-Quentin-En-Yvelines en une dernière volée. Je dormis quelques heures, me réveillant par moi-même à 5 heures du matin (j’étais arrivé vers 1:00 il me semble).
Au petit-déjeuner, je rencontrai un collègue randonneur d’Ottawa (voir photo de randonneur avec un Marinoni orange), il m’expliqua qu’il était fatigué et avait eu froid (il ne portait pas de vêtement en mérinos) et espérait faire lui aussi la distance sans autre arrêt que le temps de faire les contrôles. Il espérait finir bientôt.
Je quittai peu après pour Tinténiac.
Quédillac vers Tinténiac 25km en approximativement 1h30?
Cette portion du trajet fut sans histoire. J’atteignis le contrôle et pris un léger repas.
Stage 10: Tinténiac vers Fougères 54km en 4hrs
Retour de collines avec multiples ascensions et descentes. Maintenant, à cause de la douleur, je dois ralentir significativement dans les descentes; toute irrégularité de la route me frappant le siège fait que la douleur est plus intense. Une nouvelle douleur est aussi en train de faire sa place; ma jambe droite montre des signes de stress, là ou le tibia se trouve, légèrement à droite, une partie de cette jambe devient sensible avec certains mouvements.
Je rencontrai le médecin à Fougères; il fut un peu surpris car ce n’était pas une blessure fréquente de cycliste. Il m’informa que je faisais un début de tendinite, et que je devrais m’administrer une crème et me masser la jambe à cet endroit, ce qu’il fit, ainsi que la jambe de gauche (je commençais à avoir le même problème à la jambe gauche, mais dans une bien moindre mesure). La crème utilisée était de la Volatren, une concoction de diclofénac, et cela amenuisa légèrement la douleur pendant un temps. Il semblait impressionné de mon entreprise d’accomplir le PBP en pignon fixe, et demanda à voir mon attirail. Il sembla assez admiratif, mais plus encore, lorsque Éléonore, une compagne de randonnée passa par là (suite à un accident en cours de route), elle me mentionna qu’il lui avait fait part qu’il avait été très impressionné de ma grande force.
Je rencontrai lors de cette occasion un couple qui prit le temps de me poser plusieurs questions sur mon équipage, et mon appréciation de la route. Eux aussi semblaient impressionnés par mon vélo. Je ne pouvais m’empêcher de ressentir un élan de fierté pour l’intérêt que l’on me portait et ce que je faisais.
Je mangeai toutefois assez rapidement, et poursuivit vers Villaines-La-Juhel; la fin semblait si proche!
Stage 11: Fougères vers Villaines-La-Juhel 88km en 6h35m
Encore des collines. Encore une fois, je repris le collier comme à l’accoutumée, avec plus de détermination. La douleur était vraiment difficile à gérer. J’arrivai à Villaines-La-Juhel autour de 18:00 je crois. L’arrivée, sous forme d’entonnoir exigeait des cyclistes d’être particulièrement attentifs et prudents, surtout que cette entrée prenait aussi la forme d’une descente. Me voilà alors très concentré en faisant mon approche quand j’entends alors crier mon nom. Je m’arrêtai et regardai vers la droite; un homme me regardait, souriant, avançant dans la foule, criant mon nom et celui de mon pseudo, parlant une langue que je ne reconnaissais pas.
Jean Pasquet, un compagnon cycliste du virtuel (membre de vélocia.ca) me parlait en français. J’étais un peu perdu et il me fallu du temps pour comprendre ce qui se passait. Il avait fait les 50km de sa résidence pour se rendre en ce lieu pour me voir, me soutenir, et me faire part de ce qui se passait sur vélocia. Il m’expliqua que mon SPOT permettait aux gens de me suivre et que cela avait créé une belle vague de passion et de soutien, à laquelle je ne m’attendais pas vraiment. J’étais extrêmement ému et avais peine à contenir mes larmes, et j’ai du me contenir afin de ne pas m’écraser. Mon spot toutefois n’émettait plus depuis Brest, et malgré les enregistrements de la puce aux contrôles, avait laissé les gens un peu inquiets. Il m’avait aussi amené un pot de rillettes de sa région avec fierté juste pour moi.
Je dois dire que passé les premières émotions, l’offre des rillettes aussi généreuse fut-elle m’embarrassait. Avais-je de la place? Ne serait-ce pas trop lourd? Et cela se conservera t’il en court de route? Jean me laissa entendre (sans savoir alors mes réticences) que j’avais assez de rillettes pour me rendre à Saint-Quentin… Je trouvai néanmoins de la place dans mon sac, et pensai qu’à la fraicheur de la nuit elles se conserveraient.
Alors que nous discutions lui et moi du parcours fait, nous tombèrent sur 3 autres collègues randonneurs du Québec, qui avaient eux aussi assez bien fait lors de ce dernier stage. Benoît, René et Martin avaient fait de bons temps et tous trois d’excellents randonneurs, Martin étant je crois le plus expérimenté d’entre nous. Je les présentai à Jean.
Peu après le contrôle, nous nous restaurâmes légèrement: du flan, un croissant au chocolat, et je me gardai un chausson aux pommes et une chocolatine pour plus tard. Je me ravitaillai aussi en liquide (jus d’orange et eau).
Une petite note pour dire que jusqu’à Brest, j’ai parfois mangé en route des barres de pâtes de fruit, ou encore, des gels “overstims” riche en électrolytes et magnésium. Ces produits m’auraient peut-être beaucoup aidé. Les gels surtout, en tube, aspirés avec délectation…
Stage 12: Villaines-La-Juhel vers Mortagne-Au-Perche 81km in 4h31m
Je quittai Villaines-La-Juhel avec de très bonnes pensées, toujours ému, pour mes amis de vélocia.ca. Je partis avec un de mes collègues, mais le laissai dans mon sillage à un moment donné. Toutefois, la douleur au siège me devenait intolérable, et je devais trouver une solution. Et la raison de cette douleur devint claire, suite aux explications que Martin me donna.
Ayant changé de vêtement à Saint-Martin-Des-Prés, j’avais échangé un sous-vêtement avec chamois assez épais. L’alternative, un cuissard pearl izumi, était usé, et le chamois bien plus mince. J’ai donc roulé avec un vêtement bien moins confortable et donc peu approprié à la tâche. Bien que je sois revenu plus tôt vers le sous-vêtement au meilleur chamois (à Quédillac), le mal était déjà fait, et tout au plus pouvais-je espérer ralentir l’aggravation désastreuse et avancée avec laquelle j’étais pris. J’avais toutefois une solution.
Je m’arrêtai au bord de la route, sorti mon cuissard cause de mon tourment, et utilisant les ciseaux de mon multi-outil, dépeçai la bête molle et inanimée, encore humide et pas de toute propreté, extirpant le coussin. Je le plaçai sur ma selle Brooks, et avec du ruban adhésif d’électricien, le fixai en place avec une certaine satisfaction. Ceux qui me connaissent un peu savent que je ne crains pas les solutions originales et un peu particulières : manque de batterie dans un walkman? Utilisons une rangée de pièces de 10 cents pour compenser. Manque de lubrification sur la chaîne? Un peu de beurre fera l’affaire.
J’avais donc une selle un peu plus confortable maintenant; loin d’être parfaite, les dommages étant déjà faits, je pouvais espérer diminuer voir ralentir l’aggravation à venir.
J’enfourchai alors mon véhicule et poursuivit vers Mortagne-Au-Perche, encore une fois ascendant et descendant sans failles, poussant aussi fort que raisonnable, dépassant d’autres cyclistes, sauf lors des descentes…
S’ajoutèrent à ce moment des problèmes digestifs. Je commençais à gonfler comme un ballon de baudruche. L’eau n’aidait pas. J’arrivai avec soulagement au point de contrôle, mais avec une surprise; lors de l’approche, une montée à l’entrée du village, et, suivant la voie, un dernier virage à 90 degrés, cachant une pente plus raide encore dans une petite ruelle, ce qui exigea de ma part toutes mes forces et ma concentration pour la grimpe de 50 mètres de pavés. Je m’attendais à cette ascension de dernière minute et arrivé en haut, je soufflais fort, mais content de ce dernier effort en puissance.
Cela fut très satisfaisant.
Stage 13: Mortage-Au-Perche vers Dreux 75km en 5h42m
C’est ici que cette randonnée pris une tournure étrange. Je m’enregistrai au contrôle, puis me dirigeai derechef au bar pour commander un breuvage; j’espérais de l’eau chaude et du citron pour me faciliter la digestion. Malheureusement, il y avait de l’eau chaude, mais de citron ou de son jus, nenni. On me proposa en alternative un thé vert au citron qui s’avéra utile néanmoins.
L’homme derrière le bar s’enquit de mes origines, (Québec, Canada, francophone) et m’informa de la présence d’un compatriote (c’était Martin) dans la salle à manger avoisinante, et me demanda mes impressions du PBP.
Voici comment je voyais la chose alors: Je crois que c’est un événement fantastique, avec une excellente organisation, et le peu de critiques que j’avais à formuler était insignifiant au point de devoir les ignorer. Paris-Brest-Paris était pour moi une expérience formidable. Je le pense toujours.
Alors que je réponds à la question, je note la présence d’un jeune homme avec de gros écouteurs sur les oreilles, et de son enregistreur numérique. Il est au PBP à travers l’accomplissement de l’enregistrement des sons du PBP. Nous engageâmes une conversation et à un moment donné, il me demanda comment était l’expérience du cyclisme de nuit.
En quelque part, cette question est venue me chercher de façon particulière.
Comment est-ce que de rouler la nuit? C’est bizarre. D’abord, nous n’avons pas de points de référence. Il n’y a pas de réverbères la plupart du temps, pas de soleil pour indiquer le temps, ni d’ombre pour aider, pas d’éclairage autre que la lumière des phares de vélo, ou le feu rouge arrière de ceux qui nous précèdent. Lorsque l’on roule la nuit, vous ne savez pas que vous grimpez avant d’avoir entamé la pente, et l’effort exigé devenant évident alors. Bien sûr, les feux rouges des cyclistes peuvent donner une indication, mais jamais assez clairement, ce qui fait que l’on développe une attente d’effort à venir fort imprécise. De nuit, nous sommes entre deux jours, ou il n’y a pas d’avant-minuit ou d’après minuit, une sorte de non-lieu ou non-temps. Nous existons par nous-même, avec bien peu de références.
Je me sens seul sur la route de nuit. Empreint de ma solitude.
J’essayai de répondre du mieux que je pus, et il m’invita à en faire davantage une fois à l’arrivée, le lendemain. J’espérais secrètement que nous ne nous reverrions pas.
Je quittai, sans rien manger. Il me restait 75km à faire, puis 60 autres pour la finale. Les choses allaient bien somme toute, mais j’avais de la difficulté à apprécier. Intérieurement, je ne me sentais pas bien. J’avais une perspective bizarre sur la situation. Une heure après avoir quitté Mortagne-Au-Perche, je m’arrêtai, me suis assis sur une pelouse, et la tête dans mes mains, me perdit dans mes pensées.
Habituellement, personne ne s’inquiète de cyclistes couchés sur le bord de la route. Mais un cycliste assis, se tenant la tête, cela attire l’attention. Un car de gendarmes s’arrêta et d’un signe de tête, le conducteur me demanda comment j’allais. Je lui fis signe que j’allais et il me signe du pouce vers le haut en me souriant qu’il comprenait. Des cyclistes aussi s’arrêtèrent pour me demander si ça allait, ou simplement ralentir pour me regarder puis continuer. D’autres m’ignorèrent. D’autres arrêtèrent aussi pour repartir presque aussitôt. Je me suis étendu finalement et n’eut plus de cette inquisition informelle. Lorsque je me relevai, après un temps qui m’est inconnu, un cycliste était là, me regardant tout en fouillant dans son sac, et me disait: ‘There is only 75km to Dreux”. Il du répéter à deux reprises, car je ne saisissais pas ce qu’il me disait. Je lui confirmai que ce devait être environ 75km, enfourchant mon vélo en même temps, et repris la route.
En fait, il ne restait que 55km pour Dreux. Après le maelström de pensées confuses, dépressives et existentialistes de mon arrêt qui dura probablement une heure, j’avais repris la selle avec grandes difficulté, me sentant lourd comme du plomb, le vélo 10 fois plus chargé que nécessaire. Mon cul était devenu le Siège De L’Éternelle Douleur, et pédalai vers le contrôle. Ma vitesse varia grandement, et je m’arrêtais plusieurs fois. À un moment, je pris les deux dernières gélules de miel qui me donnèrent beaucoup de satisfaction. Je me rappelai peu après que j’avais encore en ma possession, dans mon camelback à sec depuis des centaines de kilomètres, une chocolatine et un chausson aux pommes. Je m’arrêtai à nouveau et ouvris le sac. Je dépeçai de mes doigts gourmands le corps inerte de la chocolatine, et absorbai la veine de chocolat en son centre. Pensant aux cyclistes qui me passaient, il me vint à l’esprit de partager cette source extraordinaire de bien-être, car sûrement son effet sur moi serait identique pour eux, et qu’il leur fallait vivre ce bien-être!
Non, mais! Avez-vous vu la quantité de chocolat que l’on retrouve dans une chocolatine?
La pâte fut jetée au fossé. Le chausson aux pommes a dû être avalé en entier.
J’avais envie de pleurer. Je me sentais bien et mal en même temps. J’avais toutefois une énergie renouvelée et repris la selle.
Je pédalai à diverses cadences, parfois sprintant, assis, debout, parfois lentement.
J’arrivai à Dreux , tel une épave. Après le contrôle, je me dirigeai vers la salle à manger. Je me pris 2 chocolats, 2 contenants de Nutella (“Voulez-vous du pain avec le Nutella? C’est gratuit!”) et demandai une bière. Je trempai le pain beurré de Nutella dans le chocolat chaud, puis bu ma bière. Je trouvai l’aire de couchage, et demandai un lit.
On me dirigea vers un brancard, et sur le chemin, je vis un Ange. Une jeune femme blonde, allongée sur le côté gauche, me faisant face, les yeux clos, cheveux courts, un peu en bataille, et sa jambe droite dénudée jusqu’à mi-cuisse me laissa bouche bée. La vision de cette jambe aux lignes bien dessinées dans le mi-obscur, nue jusqu’à mi-cuisse, me décontenancèrent, comme confronté à un être irréel, impossible dans cette destinée. J’étais paralysé, et je du rassembler toutes mes forces pour me déraciner, m’arracher de mon socle d’inertie pour me diriger vers ma misérable couche.
Je m’étendis, et en position foetale, mon corps, un Temple de Douleur, tombai inconscient empli de tristesse.
Stage 14: Dreux vers Saint-Quentin-En-Yvelines 65km en 6h58m
J’étais arrivé à Dreux vers 4:00 du matin, et me réveillai vers 7:00 de moi-même encore une fois. Je me sentais extrêmement mal. Mes jambes étaient douloureuses aux tibias, la tendinite de droite aggravée, et celle de gauche se faisant plus évidente, alors que mes genoux me donnaient l’impression d’être transpercés par de longues dagues de métal froid. Je pouvais à peine ouvrir les doigts, tant ils étaient crampés, inflexibles. Il me prit un long moment pour me lever, lentement, essayant de remettre le tout en mouvement par étapes, me réappropriant mon corps, craignant de briser quelque chose, ou de subir une douleur intense.
Je me rhabillai et me dirigeai vers l’aire d’alimentation. Je pris une salade de pommes de terre, deux oeufs durs, et autres choses dont je ne me rappelle plus la nature. J’étais en profonde déprime et je voulais tout abandonner. J’avais réussi à aller au delà de biens des limites personnelles dont j’ignorais quelques heures plus tôt l’existence. J’étais au delà de moi-même, semblait-il, et je n’avais qu’envie de me laisser aller à exploser et pleurer et crier. Je n’ai aucune idée comment j’ai pu me contenir et trouver la volonté et la force de rester calme.
Mais je l’ai pu. Je mangeai très lentement, à petites bouchées, parfois avec difficulté, sans trop savoir si je pouvais avaler ou régurgiter le tout. J’écoutais un cycliste voisin qui remarqua que les français ne parlaient pas d’autres langues que le français alors que lui en parlait trois. Cet imbécile aurait pu recevoir mon poing en plein visage et je n’aurais ressenti aucun remord, tellement mes émotions fusaient en colère que je dirigeais rapidement vers lui. Un suédois lui demanda de prouver ses talents linguistiques, et je regardais ailleurs. J’allai vers les toilettes, et me mis en ligne pour les cabinets, même si j’avais pu utiliser les urinoirs qui étaient tous libres alors. Je n’avais pas envie de pisser en public, je réclamais un moment en privé, aussi ai-je attendu mon tour. L’homme derrière moi s’impatientait; j’ai pensé lui dire qu’ayant eu la patience d’attendre aussi longtemps pour se rendre à Paris, quelques minutes de plus ne pouvaient faire de grande différence pour se vider, mais n’en fit rien. Vint mon tour, fis ce que j’avais à faire, puis reparti lentement pour mon vélo.
Je répétai le cérémonial habituel comme à chaque arrêt, mais pour la dernière fois: que tout étais bien attaché et que rien ne puisse tomber, le niveau d’énergie du Garmin, vérifiai mon sac, et le niveau d’eau dans mes bouteilles. Je montai lentement mon vélo, et pensai ne pas être capable de me rendre à destination. Je pouvais à peine m’asseoir sur ma selle, malgré le coussin improvisé. Toute irrégularité de la route était une source de douleur ajoutée et je devais serrer les dents à chaque fois, une couche de sueur froide sur le dos en prime. J’entrepris le chemin plat qui s’offrait à moi, sachant trop bien que quelques pentes m’attendaient encore. Il y en aurait encore 3.
La première vint aisément et conquise rapidement. La seconde fut bien plus sévère, mais pas aussi longue que je l’eu cru. Tous les cyclistes à qui j’avais parlé auparavant qui l’avaient fait m’en avait parlé comme un obstacle terrible, majeur de cette finale. J’ai croisé Martin un peu avant, et l’ayant dépassé dans l’ascension, je l’entendais m’encourager, et rendu au sommet, je poussais-tirais fort sur les pédales ce qui fait qu’au sommet, ma vitesse s’accru sensiblement. J’étais un peu déçu; je m’attendais à plus…
En entrant dans Saint-Quentin-En-Yvelines, le trajet me paru aussi long que l’entrée dans Brest, avec tous ces feux de circulation. Je m’étais joint à un groupe d’espagnols, incluant un danois, un russe et un italien. Martin y était aussi. À un arrêt, l’italien dit dans sa langue (mais je pouvais très bien comprendre), qu’à l’arrivée, il se taperait une bonne pizza et une bière. Je ne pouvais qu’acquiescer à l’idée avec un large sourire…
Je terminai cette randonnée vers 11:15 du matin ou à peu près, complétant ainsi mon premier Paris-Brest-Paris en 87h26m.
J’avais terminé!
À l’arrivée, il y avait Franz Neuert et Éléonore (qui avait du abandonner suite à une chute lors d’une collision avec un autre cycliste, apparemment parce qu’elle avait le cou partiellement paralysé à cause du froid). Franz n’avait pu participer cette année, l’ayant toutefois fait en 1987, le Paris-Brest le plus difficile qu’il y ait eu dans son histoire, avec des températures continuellement sous les 10 degrés et sous une pluie constante apparemment. Jean Robert, le président du CVRM était là aussi, ayant terminé son deuxième PBP en 68heures. Nous fûmes dirigés vers les contrôles, et finalisèrent la paperasse officialisant le tout.
En sortant du Gymnase, j’achetai une tasse en verre à l’effigie du PBP.
Nous nous dirigeâmes vers une tente ou l’on pouvait utiliser un coupon donné à l’arrivée pour obtenir un breuvage gratuit. Je pris une bière qui ne verra jamais mon estomac, ayant été absorbée directement par les parois buccales…
Puis je vis le jeune homme de la veille, avec un de ses copains, lequel transportait une enregistreuse numérique. Il me demanda comment j’allais, et si j’étais disponible pour une entrevue, tel que discuté la veille.
Je suis très timide de nature, et n’aime guère m’afficher. J’ai cru que cela pourrait être utile à d’autres, mais peut-être aussi à moi-même. J’essayai de répondre du mieux que j’ai pu. J’ai partagé sur les difficultés rencontrées durant la nuit, mais je ne crois pas avoir bien traduit ce qui s’était produit pour moi au cours de cette nuit, notamment lors de mon arrêt d’une heure. Ce moment reste un événement sombre dans ma vie, et je ne peux m’empêcher de le comparer à ce que j’ai vécu en visionnant le film “Sorcerer” ou sa version originale de Georges-Henri Clouzot “Le Salaire De La Peur”, ou des personnes au passé obscur se voient offert une opportunité de se sortir de la misère en transportant une cargaison d’explosif extrêmement délicate pour éteindre un derrick enflammé. Ces personnages aux origines troubles étaient prêts à prendre tous les risques possibles pour la maigre somme promise.
Cette folie à laquelle ils durent se soumettre me rappelle la mienne à entreprendre ce Paris-Brest, mais surtout la partie de la dernière nuit. Regardant le passé, je ne suis pas certain de ce qui s’est passé. Jean Pasquet m’a offert l’explication de l’épuisement de l’endorphine ce qui fait que j’étais en sevrage, après avoir subsisté longtemps sur cette substance. C’est une bonne explication, et si j’ajoute à cela la sous-alimentation des dernières 14 ou 16 heures, de la déshydratation progressive (je n’ai presque pas bu entre Villaines-La-Juhel et Saint-Quentin-En-Yvelines, un de mes bidons plein, et l’autre empli au deux tiers).
Après l’entrevue, je cherchai mes amis mais en vain.
Retour vers Paris
Je retournai à mon domicile temporaire français de Paris par mes propres moyens. Je fis fi de toutes suggestions de prendre taxi ou train. Je voulais un retour le plus simple possible.Je repris donc le vélo pour le retour. Il y avait à franchir une pente très sévère que je n’ai pas pu franchir de toutes les fois ou j’avais à la faire. Celle-là, je l’ai montée à pied, encore une fois, comme les autres fois auparavant.
Je pensais mériter de la marcher, puisque je n’ai pas à toutes les pédaler.
Écrit et complété d’abord sur la route en partance de Paris, puis à Bourg D’Oisan, Alpes, et à Bédoin, Provence.
Les leçons retenues, en guise d’épilogue
Une semaine et un jour passé; il est temps de faire une première revue des apprentissages du Paris-Brest-Paris 2011, tel que je l’ai expérimenté.
Le cuissard
Il est malheureux qu’un cuissard me coûta l’agrément du reste de mon PBP, de même que la possibilité de reprendre la selle et faire les cols, tel que je me l’étais promis. Malheureusement, c’est bien un manque de protection de confort qui me fit mal au derrière, et produit la tendinite, laquelle est toujours bien sentie au toucher par une bonne bosse du côté droit du tibia droit. Le talon d’Achille, lui, ne m’apporte aucune inquiétude, la douleur étant disparue 48 heures après.
Quant aux douleurs de siège, elles ne sont plus depuis au moins 4 jours.
À mon sens, un cuissard de mérinos, ou un sous-vêtement-cuissard avec chamois et un pantalon court est une bonne combinaison.
Le rapport 43 x 15/17
Pour ce qui est d’effectuer le PBP avec ces ratios, la recette était bonne. Toutefois, je m’interroge, au vu des efforts faits en 43 x 17, si ce ratio était nécessaire. En effet, des pentes de plus de 10% ont été avalées alors que je roulais en 43 x 15, sans plus d’effort. Dans les circonstances, je crois que j’aurais pu me limiter à un ratio de 43 x 15, sinon de 42 x 15 pour faire l’ensemble de cette randonnée. J’aurais épargné en masse emportée, en temps (pour le flip de la roue), et aurait eu moins de difficultés à descendre les pentes à meilleure allure. S’il y a une prochaine fois, ce qui est fort probable, 42 x 15 ou 43 x 15 sera sérieusement considéré.
L’alimentation aux contrôles
Il y avait toujours une bonne filée, et si l’attente au contrôle était fort courte (moins de 3 minutes), l’attente aux points d’alimentation pouvait facilement prendre 15 à 20 minutes. Conséquemment, et à moins que des cafés ou restaurants pâtisseries ne soient ouvertes la nuit, les points d’alimentation ne seraient nécessaires que de nuit. Le nombre de villages sur le trajet, avec boulangeries, cafés, bars et autre permet une alimentation raisonnable, dans des temps assez courts, et probablement plus agréables avec des mets locaux, plutôt que de la nourriture de cafétéria, parfois bonne, mais souvent fade.
L’alimentation électrique
Le E‑Werk m’a fait faux bond, passé Brest. Les causes restent mystérieuses toutefois; était-ce à cause de l’humidité suite aux fortes pluies de la deuxième nuit? Toujours est-il que la pile passive ne s’est jamais chargée, mais que le GPS fut alimenté un long moment directement à partir du moyeu dynamo. Résultat mitigé donc pour le E‑Werk.
Moyeu SON Deluxe et lampe SuperNova E3 et Stella 200
Pas beaucoup de plaintes à ce sujet, sinon que l’intensité lumineuse diminua de 50% lors de la dernière nuit, et cela me dérangea car j’ai dû utiliser ma lampe d’appoint, la Stella. Par ailleurs, la E3 ne m’est pas apparue suffisante pour m’éclairer sous la pluie, alors même que son intensité était à son meilleur, lors de la deuxième nuit.
Par contre, la Stella fut extrêmement efficace; dans la nuit noire brumeuse et humide de pluie intense, le cône était des plus efficace, et ce, même à sa plus basse intensité (avec une autonomie approchant les 10 ou 12 heures!). Je ne saurais mieux recommander cette lampe comme lampe d’appoint ou principale.
Il serait intéressant de voir comment la dynamo SON Deluxe pourrait recharger la pile de cette lampe de façon efficace. Un kit idéal aurait la lampe, avec 2 packs de piles, une en utilisation, et l’autre sous la recharge lors du jour. À suivre.
Les jantes H+SON SL 42
Les Open Pro de Mavic achetées auparavant eurent beaucoup de difficultés avec moi. Pour quelques raisons que ce soit, lors des randonnées de qualification, j’ai trouvé moyen de les abîmer au point de rendre le freinage très déplaisant. Je prenais un risque de changer les jantes pour des H+SON SL 42. Bien que mon expérience d’un an avec ces jantes fut plus que satisfaisante, on m’encourageait à prendre les Mavic, plus “passe-partout”, tout en étant légères et durables. En fait, les SL 42 me donnèrent pleine satisfaction pour la durée du PBP, et je n’aurais pas de difficulté à les recommander. Bien qu’elles exigent des tubes avec des valves d’au moins 60mm, et qu’elle soit plus lourdes de 200grammes environs comparativement aux Open Pro, je les considèrent tout à fait appropriées à la tâche. Bien sûr, elles offrent une certaine résistant ce au vent latéral, mais c’est peu à payer pour les résultats donnés.
Selle Brooks Swift
N’ayant que des selles Brooks, il est difficile pour moi de comparer à d’autres. Toutefois, l’expérience de la Pro, de la Swallow et de la Swift m’a permis de constater que la Swift, entendu les problèmes de sièges encourus, était tout à fait approprié à ce projet. Par ailleurs, le nombre de propriétaire de Brooks était très élevé, selon mes observations.
Sacoche de selle Carradice Nelson Long Flaps
La sacoche fut très utile et le système suggéré par Caradice peu encombrant. Toutefois, il existe quelques bémols.
D’abord, la sacoche pleine tend à se balancer légèrement de l’avant vers l’arrière, de même que latéralement lors de pédalage vigoureux. Le système d’appoint fonctionne bien, mais reste souple à son attache aux rails de la selle, ce qui facilite le balancement.
Puis, la sacoche est relativement lourde, et bien qu’imperméable, semble laisser entrer un peu d’humidité.
Enfin, considérant mes besoins pour le PBP et l’expérience, je dirais que le Nelson Long Flap est un bon achat, mais un sac plus petit aurait été suffisant. J’ai d’ailleurs vu d’autres propriétaires de Carradice avec des modèles beaucoup plus petits. Un volume intermédiaire aurait probablement suffit.
Technique de Pédalage
Tel que Jean Robert me l’a rapporté, son expérience s’est améliorée en pédalant de sorte à respecter certaines règles de base, telles que partagées par un randonneur du Missouri.
1) On se laisse aller dans les descentes
2) On monte les pentes avec le poids du corps appliqué à chaque coup de pédale
3) On roule à son rythme sur le plat
Ces techniques, je les ai appliqués à peu près de cette manière lors du PBP. Toutefois, les descentes peuvent se faire en se laissant aller, mais comme les jambes continuent de pédaler, les vélocités acquises porte la cadence à un niveau très élevé, ce qui ne repose pas les jambes. Par ailleurs, la haute vitesse en descente créé une certaine instabilité; si sur un vélo de route les pédales deviennent alors un point d’appui, sur un pignon fixe,le point d’appui est fuyant, prohibant le soutien. Il est donc nécessaire de réduire la vélocité pour faciliter le repos par réduction du pédalage.
Alimentation et hydratation
Peu de choses à redire, sinon que s’alimenter et s’hydrater régulièrement est une nécessité qui requiert une discipline et une attention continuelle. Il est très probable que la somme des douleurs ressenties au lever de Dreux eu été grandement amenuisée si j’avais été plus alerte à ce sujet. Il est aussi probable que l’usage de gels au cours des premiers deux tiers a été utile, et aurait l’être encore au cours du dernier tiers.
SilverCat: cadre en acier fait main
Je ne pourrais comparer le cadre SilverCat avec d’autres, car je n’en connais pas d’autres, à part mon vieux Peugeot qui me sert de mulet. Si je compare avec le Cinelli MASH, je dirais que plus lourd, il reste toutefois très confortable, malgré la fourche en carbone ajouté tardivement au cadre en acier.
Je projette toutefois d’utiliser le cadre du Cinelli MASH, en aluminium, pour le Londres-Édinbourg-Londres.
SPOT Connect
Le SPOT a fait du bon boulot. Seule véritable faiblesse fut mon manque d’attention à la réserve d’énergie, ce qui fit que l’audience a manqué un bout du trajet, depuis Brest. Toutefois, une fois inséré de nouvelles piles, des « Advanced Lithium », tel que recommandé, les lestages qui n’avaient pas été transmis le furent presque immédiatement après la remise sous tension.
iPhone et MOPHIE Juice
Le iPhone et sa pile rechargeable d’appoint MOPHIE Juice ont rempli mes attentes. Pas une seule fois ai-je eu besoin de les recharger en cours de route. Le iPhone était en mode « stand-by » 85% du temps et à l’arrivée, il me restait pour plusieurs heures d’utilisation. Notez que je n’avais besoin du iPhone que pour les communications avec le SPOT, ce qui n’exigeait pas la mise sous tension continuelle du iPhone.
Carl Morin (plaque 5583)