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Mon premier Paris Brest Paris
(par Frédéric Perman)
Plaque 5585
Ma préparation
Après 3 mois de spinning avec un entraineur qualifié, je débute la saison le 2
avril par un beau soleil. Mon poids en ce printemps est 83 kg contre près de 85
kg en début d’année et 105 kg en janvier 2010. Mon but rapidement est de
mettre en pratique ce que j’ai répété pendant l’hiver, la vélocité tout en
maintenant ma puissance. Concernant mon poids, je veux continuer d’en
perdre, mais cela doit se faire en douceur afin d’éviter de perdre de la masse
musculaire.
En avril, je commence à augmenter la distance et je fais ma première sortie au
dessus de 200 kms le 22 avril. En avril, je monte sur mon vélo 15 fois soit à
tous les deux jours.
En mai, les premiers brevets arrivent et je sens bien que j’ai beaucoup
progressé. Je suis sur mon vélo 15 fois et j’approche les 2000 kms durant le
mois (1627 kms). La météo est désastreuse, mais au moins, je roule dans
toutes les situations. On ne sait pas quel temps, nous aurons à PBP.
En juin, je ralentis un peu le nombre de jours à 13 mais avec 1927 kms. Tout va
bien pour moi à part une tendinite au genou droit. Je prends quelques séances
de physio qui replacent le tout. Je roule souvent tout seul.
En juillet, j’augmente le nombre à 19 jours et le nombre de kms à 2407. La
douleur au genou est toujours présente mais très tolérable.
En août je refais un 600 kms seul puis je ralentis l’activité pour faire au
maximum une sortie 161 kms le 13 août, je prends aussi 3 et 4 jours de repos
respectivement les deux dernières semaines avant le PBP. En août, avant PBP,
je totalise 1180 kms pour 9 jours de vélo .
J’arrive en France le mercredi 17 août. Je roule 65 kms le jeudi afin de
m’assurer que le matériel demeure fiable et 32 km le vendredi. Mon poids est
de 78.6 kgs. J’ai encore des kilos à perdre mais j’arrive à un poids qui devient
acceptable. Par contre le jeudi matin en ouvrant les volets de ma chambre, je
fais un effort trop appuyé pour les accrocher, qui me m’occasionne une
douleur aux côtes. Je saurai plus tard que j’ai une fêlure qui ne permet pas
t’optimiser ma respiration. Néanmoins, je suis très confiant, convaincu que je
suis bien préparé physiquement et mentalement.
Le 21 août, jour du départ, mon compteur indique 8426 kms. J’ai alterné durant
les 4 mois de préparation des sorties courtes où j’ai travaillé les intervalles ou
la vélocité ou la puissance en côte et des sorties longues, trois 600 kms (2
brevets et 1 seul) et quatre 400 kms (2 brevets et 2 seul), le plus souvent tout
seul. Ainsi le mental a été parfois mis à rude épreuve.
Conditions météo
Nous partons sous un soleil magnifique. La température est très chaude. Le
vent est léger et de face. Par la suite durant la nuit, le ciel se couvre et la
température descend assez bas pour me faire changer mon chandail et enfiler
celui à manches longues que j’utilise en début de printemps ou en automne. Le
lundi, le ciel est couvert toute la journée, pour se découvrir entre Loudéac et
Carhaix au coeur de l’après-midi. En début de soirée, le ciel se recouvre et
laisse apparaître de gros nuages noirs qui finissent par déverser leurs eaux. En
arrivant à Brest la pluie s’arrête. En repartant, l’humidité ambiante est très
élevée. Le ciel est couvert et une pluie fine fait son apparition ainsi qu’un
brouillard épais. Il nous suivra jusqu’au lever du jour à Carhaix. Le ciel
demeure couvert, le vent est plutôt favorable et la température est plutôt
fraiche. Durant l’après-midi, la pluie refait son apparition mais de courte durée.
La nuit s’installe, la température s’abaisse à nouveau, on m’a parlé de
température de 10 — 12 degrés. Le lendemain matin, le ciel se dégage les
températures augmentent pour nous donner un climat idéal à notre arrivée à
Paris, beau et autour de 25 degrés.
Le départ
Nous voilà au grand jour. Je me sens très nerveux, mon coeur bat trop vite.
J’observe le nombre de battements sur mon odomètre et très souvent les 85
pulsations et plus sont dépassées. Mes bras sont mous et je me sens fébrile.
Je me retrouve dans la ligne pour le départ du 90 heures à 18 heures. Il fais
très chaud.
Je pars dans la troisième vague à 18:50. Le rythme est élevé mais très
irrégulier. Je n’arrive pas à trouver le bon groupe alors je passe de groupe en
groupe en espérant en trouver un qui roule à une bonne cadence. Par contre je
dépense pas mal d’énergie à passer de groupe en groupe, certainement ma
première erreur. Le relief est tout de suite vallonné. Je me pose aussi des
questions négatives, pourquoi je suis ici, je serais mieux avec ma famille,
quelle idée de faire ce défi. Ce seront les seules idées négatives durant le
parcours. Mais elles arrivent de suite après le départ. Je me dis que j’ai fait
tellement d’efforts pour arriver là, que l’on compte tellement sur moi que je n’ai
pas le droit à ces idées négatives. Mon orgueil fait le reste et rapidement des
idées joyeuses arrivent à mon esprit et me font profiter de chaque instant.
La nuit approche, nous traversons les plaines de la Beauce et plus la nuit
tombe, plus les groupes se refont. La cadence devient intéressante, mais le
rythme aussi redescend comme c’est toujours le cas ou presque la nuit, mais
mon énergie dépensée est bien dépensée. Aussi, je suis surpris de voir dès le
départ tant de spectateurs qui nous encouragent, et nous proposent de l’eau
en tout temps. Cela est bien apprécié.
Mortagne au Perche: 140Km (ravitaillement uniquement)
Après la Beauce, les collines du Perche nous font ressentir les efforts. J’arrive
à minuit 05 soit après 140 kms à Mortagne soit une moyenne de 26.82 km/
heure. Je prends un coke et deux sandwichs que j’avais préparés auparavant
afin d’éviter le flux important des randonneurs aux premiers arrêts. Je repars
15 minutes plus tard. Soit à minuit 20.
Villaines la Juhel: 220 Km
Je suis dans un groupe qui roule bien dans lequel des Espagnols mènent. Les
côtes se succèdent sans fin. Tout va bien, la nuit devient plus fraiche. J’arrive
à Villaines à 3:22 soit une moyenne pour ce tronçon de 27.05 km/h.
Fougères: 310 km
Je repars vers 4 heures avec un repas et changé pour la nuit (vêtements plus
chauds). Je me retrouve dans un superbe groupe avec des Américains, des
Suédois et un Hollandais. Nous rattrapons pas mal de coureurs partis autour
des 16 heures pour le délai en 80 heures. La nuit est très sombre, nous ne
voyons rien des côtes. Plusieurs fois, je me pose la question, dois-je ralentir,
mais je reste avec le groupe. Nous arrivons à Fougères à 7:03 soit une
moyenne de 29.16 km/h, avec un relief très vallonné et en pleine nuit.
Tinténiac: 364 km
Après un bon déjeuner, je repars avec un rythme plus faible. J’arrive à
Tinténiac à 9:31 soit une moyenne de 27 km/h. Je n’ai gardé comme
compagnon de la nuit que le Hollandais. Je n’ai pas vu repartir les autres.
J’apprécie mon entrée en Bretagne, le paysage, les maisons, les villages.
Toujours autant de monde. Des tables sont installées sur le bord des routes et
on nous propose de nous restaurer avec crêpes, et autres avec café et
chocolat chaud.
Après une brève pause, je repars pour Loudéac et je sais que je rentre dans le
vif du sujet avec le dénivelé le plus important jusqu’à Brest.
Loudéac: 449 km
J’arrive à Loudéac à 13:30 après un contrôle secret en cours de route. Ma
moyenne depuis le départ est de 27.4km/h ce qui est parfait. Je suis souvent
seul, mais ça ne me gêne pas du tout. Par contre je ressens à ce contrôle de la
fatigue et je décide de relaxer un peu et de prendre mon temps pour
redémarrer. J’avais prévu comme plan de match de faire une sieste d’environ
une heure. Je décide de ne pas en faire et de maintenir un rythme pour arriver
à mi-chemin à Brest dans un bon temps et si possible avant la nuit. Je repars
vers les 14:30
Carhaix: 525 km
C’est certainement la section la plus difficile du parcours, surtout la première
partie. Les côtes sont plus longues et plus abruptes. Je décide de les grimper
les unes après les autres sans pousser trop. Il n’y a pratiquement plus de
groupes. En côte, l’effort est encore plus solitaire et naturellement rouler en
groupe devient moins intéressant.
Au milieu de cette étape, se trouve le ravitaillement de St Nicolas, je m’y arrête
et repars pour les 30 derniers kms avant Carhaix. Le relief redevient moins
vallonné et les groupes se reforment. Mes sensations sont meilleures qu’à
Loudéac. Mon but d’atteindre Brest avant la nuit, autour des 21 heures, est
toujours réalisable.
J’arrive à Carhaix à 18:05. Je repars rapidement vers Brest sans trop manger.
Brest: 618 km
Je me retrouve seul pour débuter l’ascension du roc Trévezel (autour de 25
kms de montée à faible pourcentage). La pluie débute et devient plus forte au
fur et à mesure que j’approche du sommet. Le sommet est vraiment étrange,
on se croirait en Écosse ou dans la toundra (pas d’arbre, juste des fougères,
bruyère, etc.). Le paysage est beau. Physiquement j’accuse le coup, je sens
que les forces me manquent malgré que la première partie a très bien été. Je
comprends que je suis victime d’une fringale (hypoglycémie). Je n’ai pas faim
et dois me forcer à avaler quelque chose. C’est comme si l’absence de sommeil
me coupait la faim. Toujours est-il que cela va mieux et me permet d’arriver à
Brest à 22:27. Soit 27 heures 37 depuis Paris. Je suis content de mon temps à
mi parcours. Cela me laisse pas mal de latitude pour gérer le retour. Ma
moyenne sur 618 est de 26.4 km/h. Elle a baissé depuis Loudéac dû au relief et
à mon hypoglycémie. Je planifiais rouler à 25, et je suis bien au dessus. Je suis
très content. Une chose est certaine, j’ai eu une bonne préparation physique.
Tout va vraiment bien.
L’arrivée à Brest est superbe malgré la pluie qui revient. Nous passons sur un
pont au dessus de la mer qui nous permet d’apprécier la rade, l’océan ainsi
qu’une vue globale de la ville. Par la suite nous traversons la ville, passons
devant les remparts et l’hôtel de ville pour arriver au contrôle où une haie
d’honneur de spectateurs nous applaudit. Je me suis cru une Rock Star !!!!!
Je planifie de dormir un peu, mais l’endroit destiné au couchage est plein. Je
vais me restaurer, prendre une douche. Cela me prend pas mal de temps,
l’organisation n’est pas du tout du même niveau que dans les autres contrôles.
Rien n’est à la même place, et en plus nous devons faire la ligne et attendre
debout de très longues minutes pour pouvoir se servir et se restaurer. Par la
suite je me trouve un banc dans le gymnase du contrôle au milieu d’autres
cyclistes sous la lumière et le bruit incessant. Minuit est passé et je dors deux
heures.
Je me réveille, il est 2:30 environ et je me prépare à redémarrer. Je me sens
encore endormi, mes gestes sont plus lents et incertains, mais je ne veux pas
attendre. J’ai peur que mes muscles refroidissent trop et qu’il soit plus difficile
de repartir. J’ai le sentiment que les deux heures m’ont fait du bien. Je déjeune
et démarre à 3:30.
Carhaix: 703 km
Je suis avec un groupe d’Espagnols ou plutôt de Catalans, l’allure est vraiment
faible. Ensuite ce groupe se disperse et je me retrouve seul dans le brouillard
et la pluie fine. J’enlève mes lunettes tellement l’humidité m’empêche de voir
correctement. Dans les descentes, j’ai tendance à dormir, alors je redouble ma
concentration. Côté physique cela ne va pas trop mal. Par la suite, cela devient
plus difficile. Je ressens une grosse faim et j’ai hâte d’arriver au contrôle de
Carhaix pour dévorer un copieux déjeuner. A environ 15 kms du contrôle,
j’assiste à la mise bas d’une vache. Apparemment la mère et le veau se portent
à merveille.
A Carhaix à 8:07 comme prévu je me mets à table. En plus du déjeuner proposé
(demi-baguette, croissant) je rajoute une autre demi-baguette avec fromage et
gâteau de riz. Le contrôle est bondé. Du monde partout, mais cela avance. Il y a
du monde qui arrive pour aller à Brest et d’autres comme moi qui retournent
sur Paris. Beaucoup de cyclos sont à terre et dorment à même le sol. Cela
donne une idée de l’importance de l’effort fourni et je me dis que je suis quand
même loin d’être à ce niveau de fatigue. Mon moral va bien. Je repars vers
9:00.
Loudéac: 782 km
Ce passage comme à l’aller est très vallonné. Je passe bien les côtes. Je me
retrouve rapidement seul. Mais je finis avec un groupe de Français. Le temps
est très humide avec une pluie fine qui humidifie la route. Il ne fait pas chaud,
mais cela est acceptable. J’arrive à Loudéac à Midi 33. Je n’ai plus ma
moyenne. Mon odomètre depuis Brest ne semble pas trouver le bon signal.
A Loudéac après un bon repas (toujours la même alimentation: pâtes, poulet,
gâteau de riz) je décide de faire une sieste d’un peu plus d’une heure. Ma sieste
se fait dans un dortoir au calme. Je m’endors tout de suite et je n’ai pas besoin
de me faire réveiller. Par contre je me sens encore endormi quand je remonte
sur le vélo pour la prochaine étape. Je repars autour des 14 heures pour
Tinténiac.
Tinténiac: 867 km
Cette étape est certainement l’une des moins difficiles. Par contre après ma
sieste, j’ai du mal à retrouver le rythme. Mon corps refuse d’obéir à mon
cerveau qui lui demande de pédaler à une cadence continue autour de 28 km/h.
Alors le corps gagne sur le cerveau. Mais j’avance. Nous avons un contrôle
secret en route. J’en profite pour goûter aux crêpes bretonnes qui nous sont
proposées à ce contrôle secret. Il pleut parfois abondamment, mais ça ne dure
pas très longtemps.
Avant Tinténiac, je dépasse un cycliste qui fait Paris Brest Paris avec une seule
jambe. Incroyable. Ce Cycliste Italien a eu une jambe amputée. J’arrive au
contrôle à 18:01. Il me manque pas mal d’énergie à la fin. Je sens que mon
corps a besoin de faire le plein en énergie. Mais curieusement je n’ai pas faim.
Je mange un peu, en pensant que cela sera assez pour la prochaine étape
courte de 53 kms. Ce sera une erreur.
Fougères: 921 km
Le temps demeure le même avec des averses, le relief devient plus vallonné. Je
roule plutôt seul. Sur la deuxième partie, un groupe me rattrape et je me rends
compte que je n’ai plus l’énergie de les suivre. Je suis en hypoglycémie. Je
parviens au contrôle de Fougères à 21:17. Ma moyenne sur cette étape est en
dessous de 25 km/h peut être 20 km/h. Je n’avançais plus. Je n’ai jamais
paniqué. Je savais qu’en refaisant le plein, je repartirais parfaitement. C’est ce
que je fais à Fougères.
Je viens de passer deux étapes depuis ma sieste à Loudéac ou mon rendement
sur le vélo ne répond pas à mes attentes. C’est sur que j’approche du 1000
kms, mais le manque d’alimentation est la principale cause. A Fougères, je
rencontre un vieil habitué de PBP qui me rassure sur ma condition. Il me dit
qu’il a passé les 4 dernières heures à se reposer dans une chambre d’hôtel. Il
avait la même chose au bout de 450 kms et que maintenant il était totalement
frais pour finir les derniers 300kms. Cela me confirme que la meilleure solution
demeure de partir tout de suite et ne pas se reposer. Je prends un coke ( ma
ressource en caféine pour la nuit), mange aussi un bon plat et repars seul. Il
est un peu plus de 22 heures. Le ciel est sombre. On ne voit aucune étoile.
Villaines la Juhel : 1009 km
En quittant Fougères, une belle côte nous attend. Par la suite petit à petit,
j’entre dans la noirceur. Je suis seul, personne devant, personne derrière.
Paradoxalement, cela est très reposant. J’avance bien, pas aussi vite qu’à
l’aller mais mieux il me semble que pendant l’après-midi. Tout d’un coup, un
cyclisme me double. Je ne l’ai pas vu venir et je suis surpris de voir à quelle
vitesse il roule. Je n’essaye même pas de prendre sa roue. Près de 10 kms plus
loin, je vois le même cyclisme arrêté sur le bord de la route discutant avec des
gens du village que je traverse. Je m’arrête intrigué et lui demande si tout est
ok, il me répond qu’il dort sur le vélo et que des gens du village lui propose de
pouvoir se reposer chez eux. C’est un Autrichien, il ne parle pas Français, mais
il réussit à se faire comprendre. Ces mêmes personnes me proposent aussi la
même chose ainsi que du café. Je refuse, les remercie et je poursuis mon
chemin. Je suis tellement impressionné par la gentillesse de toutes ces
personnes qui nous encouragent jour et nuit. Bravo à eux, ils sont l’essence de
l’ambiance de Paris Brest Paris.
Un peu plus loin, des gens sur le bord de la route offrent du café et autres,
avec du chocolat, je vois d’autres cyclistes arrêtés et je profite de leur
hospitalité incroyable, malgré l’heure tardive. Il doit être autour de minuit. Je
refais le plein d’énergie, j’ai vraiment apprécié le chocolat.
Ensuite, je me retrouve seul à nouveau dans le noir complet à part bien sûr les
lumières de mon vélo. J’ai du faire 50 kms au moins et je commence à dormir
sur mon vélo. Cela m’inquiète et j’essaye dans un premier temps de lutter mais
sans succès. Je décide donc de trouver un endroit ou je pourrais me reposer
un peu ce qui j’imagine pourrait m’enlever l’envie de dormir. Au moment ou je
trouve un endroit et que je m’apprête à m’arrêter, deux cyclistes me rejoignent.
Je décide instantanément de les suivre. Leur rythme est quasiment le mien.
Parfait, nous rejoignons d’autres cyclistes Français et Allemand. D’autres
personnes nous proposent café et autres gâteaux, cela nous fait une autre
pose. Nous devons faire le plein d’énergie et cela est tellement agréable de
s’arrêter et faire une petite jasette de quelques minutes avec ces personnes
sur le bord des routes. La route à plusieurs la nuit est moins monotone et
l’envie de dormir est passée. Quelques belles côtes et nous arrivons à Villaines
la Juhel à 2:15 . Dans mon groupe, justement se trouvent 3 cyclistes de
Villaines, ils sont acclamés à leur arrivée au contrôle.
Je décide de m’arrêter un peu et me coucher pour 2 heures. Il y a trop de bruit
et je décide de repartir avant. Il est autour de 5:30. En tout avec le contrôle,
manger avant le dodo, le dodo et le déjeuner, je me suis arrêté plus de 3 heures
. Cela passe vraiment vite. Je déjeune peu, j’ai peu d’appétit.
Mortagne au Perche: 1090 km
C’est une étape avec du relief (665 m pour 81 kms). Je l’aborde bien. Les
jambes tournent bien, tout roule. Je sais que je n’ai pas assez mangé et je
prévois m’arrêter dans une pâtisserie. J’ai une seule envie, manger des
croissants frais ou autres pains aux raisins.
Le soleil se lève, le relief continue de varier entre montées et descentes. Il fait
assez froid et il tombe une pluie fine. Au bout de 45 kms, je sens
progressivement mes forces me laisser, mon allure ralentit. Je n’avance
pratiquement plus. Je suis en pleine hypoglycémie. Normalement mon
jugement aurait dû me faire arrêter pour manger quelque chose que j’ai dans
ma poche comme un gel ou autres bonbons énergétiques (j’ai tout ce qu’il
faut). Mais je suis entêté à vouloir me goinfrer de pâtisseries. Je vois bien des
pâtisseries, mais en août en France, ce sont les fermetures annuelles, et toutes
celles que je croise sont fermées.
À Mamers, à 24 kms du contrôle de Mortagne, je m’arrête enfin dans une
charcuterie!!!! J’achète une quiche lorraine et un pâté à la viande faute de ne
pas trouver de pâtisserie. Évidemment cela n’est pas très recommandé pour un
cycliste de manger une quiche ou autre pâté à la viande. Mais tout passera
bien. Peut être 500 mètres après je m’arrête à nouveau. Le club cycliste local
organise en l’honneur de PBP un arrêt ou chacun peut se restaurer. J’en profite
pour manger encore quelque chose et je repars avec vraiment plus de force. Je
fais parti d’un groupe et j’arrive à Mortagne à 9:45 soit une moyenne
catastrophique de 19 km/h. Largement ma plus basse moyenne. Le temps est
maintenant au beau, et la température est vraiment agréable.
Dreux: 1165 km
Je passe au contrôle et repars presque aussitôt. L’étape fait 428 mètres de
dénivelé concentré uniquement sur les premiers 30 kms. Ce qui fait un 30
premiers kilomètres vraiment difficile. Je ne me change pas, je reste avec les
mêmes vêtements que j’avais au matin à 5:30 à Villaines. Maintenant il fait
encore plus chaud. Paradoxalement et je ne sais pas pourquoi j’ai envie
d’uriner à tous les 15 kms. De plus je transpire et encore une fois mon énergie
me quitte. Une autre hypoglycémie accompagnée peut être d’un début de
déshydratation. Par contre là je finis par m’arrêter. J’absorbe un gel et un
sachet de bonbons énergétiques (sucre rapide et vit C) et me change. Cela va
tout de suite mieux.
Après la partie vallonnée nous arrivons dans la plaine de la Beauce. Le vent est
favorable et je roule jusqu’à 40 km/ heure. Les forces sont revenues. C’est
incroyable de penser que quelques kilomètres plus tôt, j’étais au plus mal et
que maintenant après plus de 110 kms, je roule à 40 à l’heure.
Je rattrape des cyclistes et un se met dans ma roue. Il n’arrête pas de se
plaindre, mais je décide de jouer les bons samaritains jusqu’à Dreux ou j’arrive
à 13:16 soit une moyenne approx. de 23 km/h. Que de temps perdu avec mon
entêtement et mon manque de jugement. A Dreux, au contrôle, je découvre
enfin ce que je rêvais depuis le matin. Et oui un comptoir de pâtisserie. Quel
bonheur, vraiment, un croissant, une chocolatine, et un pain aux raisins
accompagnés d’un bon chocolat chaud feront partis de mon repas. Et je finis
par une barre Mars. Je ne reste pas longtemps à Dreux.
Saint Quentin en Yvelines: 1230 km
Je décide de ne pas attendre le cycliste qui n’arrêtait pas se plaindre à la fin de
l’étape finissant à Dreux. Je repars seul. Le temps est splendide. Au bout de
quelques kilomètres je finis par rouler avec un cycliste très sympathique,
Christian. Nous passerons le temps de cette dernière étape à discuter de nos
aventures respectives. Vers Quambais, un autre cyclisme ayant déjà participé à
4 PBP se joint à nous puis à la fin, un compatriote Canadien prénommé Peter
venant de Vancouver en Colombie Britannique. Nous prendrons le temps
d’apprécier le paysage vraiment beau aux abords de la région Parisienne.
Nous arrivons à Saint Quentin à 16:19. Ma chère Catherine est là pour
m’accueillir ainsi que mon fils Johan. Je suis vraiment content de leur accueil.
Je prends une douche. Je n’ai pas le sentiment de finir un 1230 kms surtout
avec les hypoglycémies que j’ai connu lors de cette dernière journée.
Résumé
1230 Kms en 69.28 heures.
51.28 heures sur le vélo.
23.88 km/h de moyenne. 26.4 km/h à mi parcours et 21.36km/h pour la
deuxième partie du parcours.
Les hypoglycémies et les baisses de régime sont responsables de la moyenne
beaucoup plus faible pour le deuxième partie
Vitesse max: 61.5 km/h.
18 heures d’arrêt: 5.45 heures de sommeil (2 heures 30 à Brest, 1 heure 15 à
Loudéac et 2 heures à Villaines)
12 heures 15 pour manger, relaxer, se changer, téléphoner à la famille et autres
besoins.
Autour de 35,000 calories dépensées.
Pas de crevaison ou autre panne technique.
10,000 mètres de dénivelé. 365 côtes soit une tous les 3.5 kms.
Choses à considérer pour PBP 2015
Gestion du sommeil
Eviter de dormir le jour (le jour on roule plus vite et je suis resté endormi le
restant de la journée après ma sieste à Loudéac). Dormir peu. Cela ne sert à
rien de dépasser 2 heures. A Villaines, tout allait bien après mes 2 heures. Je
pense que pour moi 2 heures c’est un maximum.
Gestion de l’alimentation
Au contrôle, emmener de la nourriture du contrôle dans les poches de mon
chandail afin de rompre avec la monotonie des barres tendres ou énergétiques
(j’étais écoeuré des barres). Trouver un truc pour s’assurer de manger tous les
30 kms surtout après la première nuit ou on doit lutter avec le manque de
sommeil et donc dépenser plus de calories.
S’assurer de manger plus que la normale au contrôle. Les rations sont souvent
faites pour des individus qui n’ont pas à dépenser autour de 700 calories à
l’heure. Et j’ai tendance à brûler énormément de calories et donc évidemment
je dois m’assurer de manger assez, ce qui n’a pas été le cas durant mon PBP.
Gestion des arrêts
12 heures 15, il me semble que cela aurait pu être raccourci. Les arrêts entre
les contrôles peuvent être réduits au maximum et au contrôle, on peut perdre
beaucoup de temps sans s’en rendre compte.
Mes bagages
Mon Camel Back a totalement été inutile. Je n’ai jamais manqué d’eau, sauf au
départ. Il y a toujours du monde sur le bord des routes qui propose de l’eau. Le
camel back apporte une autre raison de transpiration. Si on peut l’éviter, autant
le faire. La plupart du temps, je ne l’utilisais pas. En cas de chaleur, j’aurais eu
un deuxième bidon qui aurait répondu parfaitement à cette situation.
Aussi un deuxième sous maillot (je ne sais comment cela s’appelle ) aurait eu
son utilité. Celui que j’avais été totalement trempé par la transpiration et cela
évidemment est très inconfortable.
Le départ
En 2015, je devrai opter pour un départ avec une limite de 80 heures. J’aurais,
je pense, si cela avait été le cas en 2011, dépensé beaucoup moins d’énergie
au départ et j’aurais peut être été avec un groupe qui aurait roulé à un rythme
plus adapté à moi.
Ma côte fracturée
Même 5 semaines après, je ressens la douleur. Cela a dû m’affecter c’est sûr,
mais à quel niveau d’importance. C’est très difficile à dire.
Remerciement
Je souhaiterai débuter mes remerciements par mon club, CVRM (Club Vélo
Randonneurs de Montréal ) et ses membres. L’ambiance a été superbe durant
toute la saison. Par son président, Jean Robert, l’organisateur des brevets dont
les parcours et les difficultés sont superbes. Mon entraineur de Spinning ‚
Michael Des-ilets, qui a bien préparé ma saison et sut me donner les conseils
adéquats durant l’année. Et je finirais par ma famille qui m’a supporté tout au
long de l’année, malgré mes absences prolongées pour mes entrainements et
autres brevets. Merci à vous tous.
Conclusion
Quel plaisir et fierté d’avoir fini ce Paris Brest Paris. 5 semaines après, j’ai
encore tellement de souvenirs à l’esprit. Je suis prêt à recommencer demain
matin. Une expérience humaine fantastique.
Frédéric Perman (plaque 5585)