PBP 2011 par Fred Perman

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Mon pre­mier Paris Brest Paris
(par Frédéric Per­man)
Plaque 5585

Ma pré­pa­ra­tion
Après 3 mois de spin­ning avec un entraineur qual­i­fié, je débute la sai­son le 2
avril par un beau soleil. Mon poids en ce print­emps est 83 kg con­tre près de 85
kg en début d’an­née et 105 kg en jan­vi­er 2010. Mon but rapi­de­ment est de
met­tre en pra­tique ce que j’ai répété pen­dant l’hiv­er, la véloc­ité tout en
main­tenant ma puis­sance. Con­cer­nant mon poids, je veux con­tin­uer d’en
per­dre, mais cela doit se faire en douceur afin d’éviter de per­dre de la masse
mus­cu­laire.
En avril, je com­mence à aug­menter la dis­tance et je fais ma pre­mière sor­tie au
dessus de 200 kms le 22 avril. En avril, je monte sur mon vélo 15 fois soit à
tous les deux jours.
En mai, les pre­miers brevets arrivent et je sens bien que j’ai beau­coup
pro­gressé. Je suis sur mon vélo 15 fois et j’ap­proche les 2000 kms durant le
mois (1627 kms). La météo est désas­treuse, mais au moins, je roule dans
toutes les sit­u­a­tions. On ne sait pas quel temps, nous aurons à PBP.
En juin, je ralen­tis un peu le nom­bre de jours à 13 mais avec 1927 kms. Tout va
bien pour moi à part une ten­di­nite au genou droit. Je prends quelques séances
de physio qui repla­cent le tout. Je roule sou­vent tout seul.
En juil­let, j’aug­mente le nom­bre à 19 jours et le nom­bre de kms à 2407. La
douleur au genou est tou­jours présente mais très tolérable.
En août je refais un 600 kms seul puis je ralen­tis l’ac­tiv­ité pour faire au
max­i­mum une sor­tie 161 kms le 13 août, je prends aus­si 3 et 4 jours de repos
respec­tive­ment les deux dernières semaines avant le PBP. En août, avant PBP,
je totalise 1180 kms pour 9 jours de vélo .
J’ar­rive en France le mer­cre­di 17 août. Je roule 65 kms le jeu­di afin de
m’as­sur­er que le matériel demeure fiable et 32 km le ven­dre­di. Mon poids est
de 78.6 kgs. J’ai encore des kilos à per­dre mais j’ar­rive à un poids qui devient
accept­able. Par con­tre le jeu­di matin en ouvrant les volets de ma cham­bre, je
fais un effort trop appuyé pour les accrocher, qui me m’oc­ca­sionne une
douleur aux côtes. Je saurai plus tard que j’ai une fêlure qui ne per­met pas
t’op­ti­miser ma res­pi­ra­tion. Néan­moins, je suis très con­fi­ant, con­va­in­cu que je
suis bien pré­paré physique­ment et men­tale­ment.
Le 21 août, jour du départ, mon comp­teur indique 8426 kms. J’ai alterné durant
les 4 mois de pré­pa­ra­tion des sor­ties cour­tes où j’ai tra­vail­lé les inter­valles ou
la véloc­ité ou la puis­sance en côte et des sor­ties longues, trois 600 kms (2
brevets et 1 seul) et qua­tre 400 kms (2 brevets et 2 seul), le plus sou­vent tout
seul. Ain­si le men­tal a été par­fois mis à rude épreuve.

Con­di­tions météo
Nous par­tons sous un soleil mag­nifique. La tem­péra­ture est très chaude. Le
vent est léger et de face. Par la suite durant la nuit, le ciel se cou­vre et la
tem­péra­ture descend assez bas pour me faire chang­er mon chandail et enfil­er
celui à manch­es longues que j’u­tilise en début de print­emps ou en automne. Le
lun­di, le ciel est cou­vert toute la journée, pour se décou­vrir entre Loudéac et
Carhaix au coeur de l’après-midi. En début de soirée, le ciel se recou­vre et
laisse appa­raître de gros nuages noirs qui finis­sent par dévers­er leurs eaux. En
arrivant à Brest la pluie s’ar­rête. En repar­tant, l’hu­mid­ité ambiante est très
élevée. Le ciel est cou­vert et une pluie fine fait son appari­tion ain­si qu’un
brouil­lard épais. Il nous suiv­ra jusqu’au lever du jour à Carhaix. Le ciel
demeure cou­vert, le vent est plutôt favor­able et la tem­péra­ture est plutôt
fraiche. Durant l’après-midi, la pluie refait son appari­tion mais de courte durée.
La nuit s’in­stalle, la tem­péra­ture s’abaisse à nou­veau, on m’a par­lé de
tem­péra­ture de 10 — 12 degrés. Le lende­main matin, le ciel se dégage les
tem­péra­tures aug­mentent pour nous don­ner un cli­mat idéal à notre arrivée à
Paris, beau et autour de 25 degrés.

Le départ
Nous voilà au grand jour. Je me sens très nerveux, mon coeur bat trop vite.
J’ob­serve le nom­bre de bat­te­ments sur mon odomètre et très sou­vent les 85
pul­sa­tions et plus sont dépassées. Mes bras sont mous et je me sens fébrile.
Je me retrou­ve dans la ligne pour le départ du 90 heures à 18 heures. Il fais
très chaud.
Je pars dans la troisième vague à 18:50. Le rythme est élevé mais très
irréguli­er. Je n’ar­rive pas à trou­ver le bon groupe alors je passe de groupe en
groupe en espérant en trou­ver un qui roule à une bonne cadence. Par con­tre je
dépense pas mal d’én­ergie à pass­er de groupe en groupe, cer­taine­ment ma
pre­mière erreur. Le relief est tout de suite val­lon­né. Je me pose aus­si des
ques­tions néga­tives, pourquoi je suis ici, je serais mieux avec ma famille,
quelle idée de faire ce défi. Ce seront les seules idées néga­tives durant le
par­cours. Mais elles arrivent de suite après le départ. Je me dis que j’ai fait
telle­ment d’ef­forts pour arriv­er là, que l’on compte telle­ment sur moi que je n’ai
pas le droit à ces idées néga­tives. Mon orgueil fait le reste et rapi­de­ment des
idées joyeuses arrivent à mon esprit et me font prof­iter de chaque instant.
La nuit approche, nous tra­ver­sons les plaines de la Beauce et plus la nuit
tombe, plus les groupes se refont. La cadence devient intéres­sante, mais le
rythme aus­si redescend comme c’est tou­jours le cas ou presque la nuit, mais
mon énergie dépen­sée est bien dépen­sée. Aus­si, je suis sur­pris de voir dès le
départ tant de spec­ta­teurs qui nous encour­a­gent, et nous pro­posent de l’eau
en tout temps. Cela est bien appré­cié.

Mortagne au Perche: 140Km (rav­i­taille­ment unique­ment)
Après la Beauce, les collines du Perche nous font ressen­tir les efforts. J’ar­rive
à minu­it 05 soit après 140 kms à Mortagne soit une moyenne de 26.82 km/
heure. Je prends un coke et deux sand­wichs que j’avais pré­parés aupar­a­vant
afin d’éviter le flux impor­tant des ran­don­neurs aux pre­miers arrêts. Je repars
15 min­utes plus tard. Soit à minu­it 20.

Vil­laines la Juhel: 220 Km
Je suis dans un groupe qui roule bien dans lequel des Espag­nols mènent. Les
côtes se suc­cè­dent sans fin. Tout va bien, la nuit devient plus fraiche. J’ar­rive
à Vil­laines à 3:22 soit une moyenne pour ce tronçon de 27.05 km/h.

Fougères: 310 km
Je repars vers 4 heures avec un repas et changé pour la nuit (vête­ments plus
chauds). Je me retrou­ve dans un superbe groupe avec des Améri­cains, des
Sué­dois et un Hol­landais. Nous rat­trapons pas mal de coureurs par­tis autour
des 16 heures pour le délai en 80 heures. La nuit est très som­bre, nous ne
voyons rien des côtes. Plusieurs fois, je me pose la ques­tion, dois-je ralen­tir,
mais je reste avec le groupe. Nous arrivons à Fougères à 7:03 soit une
moyenne de 29.16 km/h, avec un relief très val­lon­né et en pleine nuit.

Tin­té­ni­ac: 364 km
Après un bon déje­uner, je repars avec un rythme plus faible. J’ar­rive à
Tin­té­ni­ac à 9:31 soit une moyenne de 27 km/h. Je n’ai gardé comme
com­pagnon de la nuit que le Hol­landais. Je n’ai pas vu repar­tir les autres.
J’ap­pré­cie mon entrée en Bre­tagne, le paysage, les maisons, les vil­lages.
Tou­jours autant de monde. Des tables sont instal­lées sur le bord des routes et
on nous pro­pose de nous restau­r­er avec crêpes, et autres avec café et
choco­lat chaud.
Après une brève pause, je repars pour Loudéac et je sais que je ren­tre dans le
vif du sujet avec le dénivelé le plus impor­tant jusqu’à Brest.

Loudéac: 449 km
J’ar­rive à Loudéac à 13:30 après un con­trôle secret en cours de route. Ma
moyenne depuis le départ est de 27.4km/h ce qui est par­fait. Je suis sou­vent
seul, mais ça ne me gêne pas du tout. Par con­tre je ressens à ce con­trôle de la
fatigue et je décide de relax­er un peu et de pren­dre mon temps pour
redé­mar­rer. J’avais prévu comme plan de match de faire une sieste d’en­v­i­ron
une heure. Je décide de ne pas en faire et de main­tenir un rythme pour arriv­er
à mi-chemin à Brest dans un bon temps et si pos­si­ble avant la nuit. Je repars
vers les 14:30

Carhaix: 525 km
C’est cer­taine­ment la sec­tion la plus dif­fi­cile du par­cours, surtout la pre­mière
par­tie. Les côtes sont plus longues et plus abruptes. Je décide de les grimper
les unes après les autres sans pouss­er trop. Il n’y a pra­tique­ment plus de
groupes. En côte, l’ef­fort est encore plus soli­taire et naturelle­ment rouler en
groupe devient moins intéres­sant.
Au milieu de cette étape, se trou­ve le rav­i­taille­ment de St Nico­las, je m’y arrête
et repars pour les 30 derniers kms avant Carhaix. Le relief rede­vient moins
val­lon­né et les groupes se refor­ment. Mes sen­sa­tions sont meilleures qu’à
Loudéac. Mon but d’at­tein­dre Brest avant la nuit, autour des 21 heures, est
tou­jours réal­is­able.
J’ar­rive à Carhaix à 18:05. Je repars rapi­de­ment vers Brest sans trop manger.

Brest: 618 km
Je me retrou­ve seul pour débuter l’as­cen­sion du roc Trévezel (autour de 25
kms de mon­tée à faible pour­cent­age). La pluie débute et devient plus forte au
fur et à mesure que j’ap­proche du som­met. Le som­met est vrai­ment étrange,
on se croirait en Écosse ou dans la toundra (pas d’ar­bre, juste des fougères,
bruyère, etc.). Le paysage est beau. Physique­ment j’ac­cuse le coup, je sens
que les forces me man­quent mal­gré que la pre­mière par­tie a très bien été. Je
com­prends que je suis vic­time d’une fringale (hypo­gly­cémie). Je n’ai pas faim
et dois me forcer à avaler quelque chose. C’est comme si l’ab­sence de som­meil
me coupait la faim. Tou­jours est-il que cela va mieux et me per­met d’ar­riv­er à
Brest à 22:27. Soit 27 heures 37 depuis Paris. Je suis con­tent de mon temps à
mi par­cours. Cela me laisse pas mal de lat­i­tude pour gér­er le retour. Ma
moyenne sur 618 est de 26.4 km/h. Elle a bais­sé depuis Loudéac dû au relief et
à mon hypo­gly­cémie. Je plan­i­fi­ais rouler à 25, et je suis bien au dessus. Je suis
très con­tent. Une chose est cer­taine, j’ai eu une bonne pré­pa­ra­tion physique.
Tout va vrai­ment bien.
L’ar­rivée à Brest est superbe mal­gré la pluie qui revient. Nous pas­sons sur un
pont au dessus de la mer qui nous per­met d’ap­préci­er la rade, l’océan ain­si
qu’une vue glob­ale de la ville. Par la suite nous tra­ver­sons la ville, pas­sons
devant les rem­parts et l’hô­tel de ville pour arriv­er au con­trôle où une haie
d’hon­neur de spec­ta­teurs nous applau­dit. Je me suis cru une Rock Star !!!!!
Je plan­i­fie de dormir un peu, mais l’en­droit des­tiné au couchage est plein. Je
vais me restau­r­er, pren­dre une douche. Cela me prend pas mal de temps,
l’or­gan­i­sa­tion n’est pas du tout du même niveau que dans les autres con­trôles.
Rien n’est à la même place, et en plus nous devons faire la ligne et atten­dre
debout de très longues min­utes pour pou­voir se servir et se restau­r­er. Par la
suite je me trou­ve un banc dans le gym­nase du con­trôle au milieu d’autres
cyclistes sous la lumière et le bruit inces­sant. Minu­it est passé et je dors deux
heures.
Je me réveille, il est 2:30 env­i­ron et je me pré­pare à redé­mar­rer. Je me sens
encore endor­mi, mes gestes sont plus lents et incer­tains, mais je ne veux pas
atten­dre. J’ai peur que mes mus­cles refroidis­sent trop et qu’il soit plus dif­fi­cile
de repar­tir. J’ai le sen­ti­ment que les deux heures m’ont fait du bien. Je déje­une
et démarre à 3:30.

Carhaix: 703 km
Je suis avec un groupe d’Es­pag­nols ou plutôt de Cata­lans, l’al­lure est vrai­ment
faible. Ensuite ce groupe se dis­perse et je me retrou­ve seul dans le brouil­lard
et la pluie fine. J’en­lève mes lunettes telle­ment l’hu­mid­ité m’empêche de voir
cor­recte­ment. Dans les descentes, j’ai ten­dance à dormir, alors je redou­ble ma
con­cen­tra­tion. Côté physique cela ne va pas trop mal. Par la suite, cela devient
plus dif­fi­cile. Je ressens une grosse faim et j’ai hâte d’ar­riv­er au con­trôle de
Carhaix pour dévor­er un copieux déje­uner. A env­i­ron 15 kms du con­trôle,
j’as­siste à la mise bas d’une vache. Apparem­ment la mère et le veau se por­tent
à mer­veille.
A Carhaix à 8:07 comme prévu je me mets à table. En plus du déje­uner pro­posé
(demi-baguette, crois­sant) je rajoute une autre demi-baguette avec fro­mage et
gâteau de riz. Le con­trôle est bondé. Du monde partout, mais cela avance. Il y a
du monde qui arrive pour aller à Brest et d’autres comme moi qui retour­nent
sur Paris. Beau­coup de cyc­los sont à terre et dor­ment à même le sol. Cela
donne une idée de l’im­por­tance de l’ef­fort fourni et je me dis que je suis quand
même loin d’être à ce niveau de fatigue. Mon moral va bien. Je repars vers
9:00.

Loudéac: 782 km
Ce pas­sage comme à l’aller est très val­lon­né. Je passe bien les côtes. Je me
retrou­ve rapi­de­ment seul. Mais je finis avec un groupe de Français. Le temps
est très humide avec une pluie fine qui humid­i­fie la route. Il ne fait pas chaud,
mais cela est accept­able. J’ar­rive à Loudéac à Midi 33. Je n’ai plus ma
moyenne. Mon odomètre depuis Brest ne sem­ble pas trou­ver le bon sig­nal.
A Loudéac après un bon repas (tou­jours la même ali­men­ta­tion: pâtes, poulet,
gâteau de riz) je décide de faire une sieste d’un peu plus d’une heure. Ma sieste
se fait dans un dor­toir au calme. Je m’en­dors tout de suite et je n’ai pas besoin
de me faire réveiller. Par con­tre je me sens encore endor­mi quand je remonte
sur le vélo pour la prochaine étape. Je repars autour des 14 heures pour
Tin­té­ni­ac.

Tin­té­ni­ac: 867 km
Cette étape est cer­taine­ment l’une des moins dif­fi­ciles. Par con­tre après ma
sieste, j’ai du mal à retrou­ver le rythme. Mon corps refuse d’obéir à mon
cerveau qui lui demande de pédaler à une cadence con­tin­ue autour de 28 km/h.
Alors le corps gagne sur le cerveau. Mais j’a­vance. Nous avons un con­trôle
secret en route. J’en prof­ite pour goûter aux crêpes bre­tonnes qui nous sont
pro­posées à ce con­trôle secret. Il pleut par­fois abon­dam­ment, mais ça ne dure
pas très longtemps.
Avant Tin­té­ni­ac, je dépasse un cycliste qui fait Paris Brest Paris avec une seule
jambe. Incroy­able. Ce Cycliste Ital­ien a eu une jambe amputée. J’ar­rive au
con­trôle à 18:01. Il me manque pas mal d’én­ergie à la fin. Je sens que mon
corps a besoin de faire le plein en énergie. Mais curieuse­ment je n’ai pas faim.
Je mange un peu, en pen­sant que cela sera assez pour la prochaine étape
courte de 53 kms. Ce sera une erreur.

Fougères: 921 km
Le temps demeure le même avec des avers­es, le relief devient plus val­lon­né. Je
roule plutôt seul. Sur la deux­ième par­tie, un groupe me rat­trape et je me rends
compte que je n’ai plus l’én­ergie de les suiv­re. Je suis en hypo­gly­cémie. Je
parviens au con­trôle de Fougères à 21:17. Ma moyenne sur cette étape est en
dessous de 25 km/h peut être 20 km/h. Je n’a­vançais plus. Je n’ai jamais
paniqué. Je savais qu’en refaisant le plein, je repar­ti­rais par­faite­ment. C’est ce
que je fais à Fougères.
Je viens de pass­er deux étapes depuis ma sieste à Loudéac ou mon ren­de­ment
sur le vélo ne répond pas à mes attentes. C’est sur que j’ap­proche du 1000
kms, mais le manque d’al­i­men­ta­tion est la prin­ci­pale cause. A Fougères, je
ren­con­tre un vieil habitué de PBP qui me ras­sure sur ma con­di­tion. Il me dit
qu’il a passé les 4 dernières heures à se repos­er dans une cham­bre d’hô­tel. Il
avait la même chose au bout de 450 kms et que main­tenant il était totale­ment
frais pour finir les derniers 300kms. Cela me con­firme que la meilleure solu­tion
demeure de par­tir tout de suite et ne pas se repos­er. Je prends un coke ( ma
ressource en caféine pour la nuit), mange aus­si un bon plat et repars seul. Il
est un peu plus de 22 heures. Le ciel est som­bre. On ne voit aucune étoile.

Vil­laines la Juhel : 1009 km
En quit­tant Fougères, une belle côte nous attend. Par la suite petit à petit,
j’en­tre dans la noirceur. Je suis seul, per­son­ne devant, per­son­ne der­rière.
Para­doxale­ment, cela est très reposant. J’a­vance bien, pas aus­si vite qu’à
l’aller mais mieux il me sem­ble que pen­dant l’après-midi. Tout d’un coup, un
cyclisme me dou­ble. Je ne l’ai pas vu venir et je suis sur­pris de voir à quelle
vitesse il roule. Je n’es­saye même pas de pren­dre sa roue. Près de 10 kms plus
loin, je vois le même cyclisme arrêté sur le bord de la route dis­cu­tant avec des
gens du vil­lage que je tra­verse. Je m’ar­rête intrigué et lui demande si tout est
ok, il me répond qu’il dort sur le vélo et que des gens du vil­lage lui pro­pose de
pou­voir se repos­er chez eux. C’est un Autrichien, il ne par­le pas Français, mais
il réus­sit à se faire com­pren­dre. Ces mêmes per­son­nes me pro­posent aus­si la
même chose ain­si que du café. Je refuse, les remer­cie et je pour­su­is mon
chemin. Je suis telle­ment impres­sion­né par la gen­til­lesse de toutes ces
per­son­nes qui nous encour­a­gent jour et nuit. Bra­vo à eux, ils sont l’essence de
l’am­biance de Paris Brest Paris.
Un peu plus loin, des gens sur le bord de la route offrent du café et autres,
avec du choco­lat, je vois d’autres cyclistes arrêtés et je prof­ite de leur
hos­pi­tal­ité incroy­able, mal­gré l’heure tar­dive. Il doit être autour de minu­it. Je
refais le plein d’én­ergie, j’ai vrai­ment appré­cié le choco­lat.
Ensuite, je me retrou­ve seul à nou­veau dans le noir com­plet à part bien sûr les
lumières de mon vélo. J’ai du faire 50 kms au moins et je com­mence à dormir
sur mon vélo. Cela m’in­quiète et j’es­saye dans un pre­mier temps de lut­ter mais
sans suc­cès. Je décide donc de trou­ver un endroit ou je pour­rais me repos­er
un peu ce qui j’imag­ine pour­rait m’en­lever l’en­vie de dormir. Au moment ou je
trou­ve un endroit et que je m’ap­prête à m’ar­rêter, deux cyclistes me rejoignent.
Je décide instan­ta­né­ment de les suiv­re. Leur rythme est qua­si­ment le mien.
Par­fait, nous rejoignons d’autres cyclistes Français et Alle­mand. D’autres
per­son­nes nous pro­posent café et autres gâteaux, cela nous fait une autre
pose. Nous devons faire le plein d’én­ergie et cela est telle­ment agréable de
s’ar­rêter et faire une petite jasette de quelques min­utes avec ces per­son­nes
sur le bord des routes. La route à plusieurs la nuit est moins monot­o­ne et
l’en­vie de dormir est passée. Quelques belles côtes et nous arrivons à Vil­laines
la Juhel à 2:15 . Dans mon groupe, juste­ment se trou­vent 3 cyclistes de
Vil­laines, ils sont acclamés à leur arrivée au con­trôle.
Je décide de m’ar­rêter un peu et me couch­er pour 2 heures. Il y a trop de bruit
et je décide de repar­tir avant. Il est autour de 5:30. En tout avec le con­trôle,
manger avant le dodo, le dodo et le déje­uner, je me suis arrêté plus de 3 heures
. Cela passe vrai­ment vite. Je déje­une peu, j’ai peu d’ap­pétit.

Mortagne au Perche: 1090 km
C’est une étape avec du relief (665 m pour 81 kms). Je l’abor­de bien. Les
jambes tour­nent bien, tout roule. Je sais que je n’ai pas assez mangé et je
prévois m’ar­rêter dans une pâtis­serie. J’ai une seule envie, manger des
crois­sants frais ou autres pains aux raisins.
Le soleil se lève, le relief con­tin­ue de vari­er entre mon­tées et descentes. Il fait
assez froid et il tombe une pluie fine. Au bout de 45 kms, je sens
pro­gres­sive­ment mes forces me laiss­er, mon allure ralen­tit. Je n’a­vance
pra­tique­ment plus. Je suis en pleine hypo­gly­cémie. Nor­male­ment mon
juge­ment aurait dû me faire arrêter pour manger quelque chose que j’ai dans
ma poche comme un gel ou autres bon­bons énergé­tiques (j’ai tout ce qu’il
faut). Mais je suis entêté à vouloir me goin­fr­er de pâtis­series. Je vois bien des
pâtis­series, mais en août en France, ce sont les fer­me­tures annuelles, et toutes
celles que je croise sont fer­mées.
À Mamers, à 24 kms du con­trôle de Mortagne, je m’ar­rête enfin dans une
char­cu­terie!!!! J’achète une quiche lor­raine et un pâté à la viande faute de ne
pas trou­ver de pâtis­serie. Évidem­ment cela n’est pas très recom­mandé pour un
cycliste de manger une quiche ou autre pâté à la viande. Mais tout passera
bien. Peut être 500 mètres après je m’ar­rête à nou­veau. Le club cycliste local
organ­ise en l’hon­neur de PBP un arrêt ou cha­cun peut se restau­r­er. J’en prof­ite
pour manger encore quelque chose et je repars avec vrai­ment plus de force. Je
fais par­ti d’un groupe et j’ar­rive à Mortagne à 9:45 soit une moyenne
cat­a­strophique de 19 km/h. Large­ment ma plus basse moyenne. Le temps est
main­tenant au beau, et la tem­péra­ture est vrai­ment agréable.

Dreux: 1165 km
Je passe au con­trôle et repars presque aus­sitôt. L’é­tape fait 428 mètres de
dénivelé con­cen­tré unique­ment sur les pre­miers 30 kms. Ce qui fait un 30
pre­miers kilo­mètres vrai­ment dif­fi­cile. Je ne me change pas, je reste avec les
mêmes vête­ments que j’avais au matin à 5:30 à Vil­laines. Main­tenant il fait
encore plus chaud. Para­doxale­ment et je ne sais pas pourquoi j’ai envie
d’uriner à tous les 15 kms. De plus je tran­spire et encore une fois mon énergie
me quitte. Une autre hypo­gly­cémie accom­pa­g­née peut être d’un début de
déshy­drata­tion. Par con­tre là je finis par m’ar­rêter. J’ab­sorbe un gel et un
sachet de bon­bons énergé­tiques (sucre rapi­de et vit C) et me change. Cela va
tout de suite mieux.
Après la par­tie val­lon­née nous arrivons dans la plaine de la Beauce. Le vent est
favor­able et je roule jusqu’à 40 km/ heure. Les forces sont rev­enues. C’est
incroy­able de penser que quelques kilo­mètres plus tôt, j’é­tais au plus mal et
que main­tenant après plus de 110 kms, je roule à 40 à l’heure.
Je rat­trape des cyclistes et un se met dans ma roue. Il n’ar­rête pas de se
plain­dre, mais je décide de jouer les bons samar­i­tains jusqu’à Dreux ou j’ar­rive
à 13:16 soit une moyenne approx. de 23 km/h. Que de temps per­du avec mon
entête­ment et mon manque de juge­ment. A Dreux, au con­trôle, je décou­vre
enfin ce que je rêvais depuis le matin. Et oui un comp­toir de pâtis­serie. Quel
bon­heur, vrai­ment, un crois­sant, une choco­la­tine, et un pain aux raisins
accom­pa­g­nés d’un bon choco­lat chaud fer­ont par­tis de mon repas. Et je finis
par une barre Mars. Je ne reste pas longtemps à Dreux.

Saint Quentin en Yve­lines: 1230 km
Je décide de ne pas atten­dre le cycliste qui n’ar­rê­tait pas se plain­dre à la fin de
l’é­tape finis­sant à Dreux. Je repars seul. Le temps est splen­dide. Au bout de
quelques kilo­mètres je finis par rouler avec un cycliste très sym­pa­thique,
Chris­t­ian. Nous passerons le temps de cette dernière étape à dis­cuter de nos
aven­tures respec­tives. Vers Quam­bais, un autre cyclisme ayant déjà par­ticipé à
4 PBP se joint à nous puis à la fin, un com­pa­tri­ote Cana­di­en prénom­mé Peter
venant de Van­cou­ver en Colom­bie Bri­tan­nique. Nous pren­drons le temps
d’ap­préci­er le paysage vrai­ment beau aux abor­ds de la région Parisi­enne.
Nous arrivons à Saint Quentin à 16:19. Ma chère Cather­ine est là pour
m’ac­cueil­lir ain­si que mon fils Johan. Je suis vrai­ment con­tent de leur accueil.
Je prends une douche. Je n’ai pas le sen­ti­ment de finir un 1230 kms surtout
avec les hypo­gly­cémies que j’ai con­nu lors de cette dernière journée.

Résumé
1230 Kms en 69.28 heures.
51.28 heures sur le vélo.
23.88 km/h de moyenne. 26.4 km/h à mi par­cours et 21.36km/h pour la
deux­ième par­tie du par­cours.
Les hypo­gly­cémies et les baiss­es de régime sont respon­s­ables de la moyenne
beau­coup plus faible pour le deux­ième par­tie
Vitesse max: 61.5 km/h.
18 heures d’ar­rêt: 5.45 heures de som­meil (2 heures 30 à Brest, 1 heure 15 à
Loudéac et 2 heures à Vil­laines)
12 heures 15 pour manger, relax­er, se chang­er, télé­phon­er à la famille et autres
besoins.
Autour de 35,000 calo­ries dépen­sées.
Pas de crevai­son ou autre panne tech­nique.
10,000 mètres de dénivelé. 365 côtes soit une tous les 3.5 kms.

Choses à con­sid­ér­er pour PBP 2015

Ges­tion du som­meil
Eviter de dormir le jour (le jour on roule plus vite et je suis resté endor­mi le
restant de la journée après ma sieste à Loudéac). Dormir peu. Cela ne sert à
rien de dépass­er 2 heures. A Vil­laines, tout allait bien après mes 2 heures. Je
pense que pour moi 2 heures c’est un max­i­mum.

Ges­tion de l’al­i­men­ta­tion
Au con­trôle, emmen­er de la nour­ri­t­ure du con­trôle dans les poches de mon
chandail afin de rompre avec la monot­o­nie des bar­res ten­dres ou énergé­tiques
(j’é­tais écoeuré des bar­res). Trou­ver un truc pour s’as­sur­er de manger tous les
30 kms surtout après la pre­mière nuit ou on doit lut­ter avec le manque de
som­meil et donc dépenser plus de calo­ries.
S’as­sur­er de manger plus que la nor­male au con­trôle. Les rations sont sou­vent
faites pour des indi­vidus qui n’ont pas à dépenser autour de 700 calo­ries à
l’heure. Et j’ai ten­dance à brûler énor­mé­ment de calo­ries et donc évidem­ment
je dois m’as­sur­er de manger assez, ce qui n’a pas été le cas durant mon PBP.

Ges­tion des arrêts
12 heures 15, il me sem­ble que cela aurait pu être rac­cour­ci. Les arrêts entre
les con­trôles peu­vent être réduits au max­i­mum et au con­trôle, on peut per­dre
beau­coup de temps sans s’en ren­dre compte.
Mes bagages
Mon Camel Back a totale­ment été inutile. Je n’ai jamais man­qué d’eau, sauf au
départ. Il y a tou­jours du monde sur le bord des routes qui pro­pose de l’eau. Le
camel back apporte une autre rai­son de tran­spi­ra­tion. Si on peut l’éviter, autant
le faire. La plu­part du temps, je ne l’u­til­i­sais pas. En cas de chaleur, j’au­rais eu
un deux­ième bidon qui aurait répon­du par­faite­ment à cette sit­u­a­tion.
Aus­si un deux­ième sous mail­lot (je ne sais com­ment cela s’ap­pelle ) aurait eu
son util­ité. Celui que j’avais été totale­ment trem­pé par la tran­spi­ra­tion et cela
évidem­ment est très incon­fort­able.

Le départ
En 2015, je devrai opter pour un départ avec une lim­ite de 80 heures. J’au­rais,
je pense, si cela avait été le cas en 2011, dépen­sé beau­coup moins d’én­ergie
au départ et j’au­rais peut être été avec un groupe qui aurait roulé à un rythme
plus adap­té à moi.
Ma côte frac­turée
Même 5 semaines après, je ressens la douleur. Cela a dû m’af­fecter c’est sûr,
mais à quel niveau d’im­por­tance. C’est très dif­fi­cile à dire.

Remer­ciement
Je souhait­erai débuter mes remer­ciements par mon club, CVRM (Club Vélo
Ran­don­neurs de Mon­tréal ) et ses mem­bres. L’am­biance a été superbe durant
toute la sai­son. Par son prési­dent, Jean Robert, l’or­gan­isa­teur des brevets dont
les par­cours et les dif­fi­cultés sont superbes. Mon entraineur de Spin­ning ‚
Michael Des-ilets, qui a bien pré­paré ma sai­son et sut me don­ner les con­seils
adéquats durant l’an­née. Et je fini­rais par ma famille qui m’a sup­porté tout au
long de l’an­née, mal­gré mes absences pro­longées pour mes entraine­ments et
autres brevets. Mer­ci à vous tous.

Con­clu­sion
Quel plaisir et fierté d’avoir fini ce Paris Brest Paris. 5 semaines après, j’ai
encore telle­ment de sou­venirs à l’e­sprit. Je suis prêt à recom­mencer demain
matin. Une expéri­ence humaine fan­tas­tique.

Frédéric Per­man (plaque 5585)