PBP 2015 par Fred Perman

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Mon Paris Brest Paris 2015 ou l’autopsie d’un échec


Le 16 aout 2015, je pre­nais part à mon deux­ième Paris-Brest-Paris, épreuve mythique de 1230
km regroupant plus de 6000 cyclistes à tra­vers le monde. Cette épreuve a lieu tous les 4 ans.
Elle a la répu­ta­tion con­fir­mée d’être le graal pour tous les cyclistes de longue dis­tance.
http://www.paris-brest-paris.org/index2.php?lang=fr&cat=accueil&page=edito

  1. Retour sur 2011
  2. Les 5 piliers de la réus­site
  3. Ma pré­pa­ra­tion
  4. L’épreuve
  5. Le diag­nos­tique poten­tiel de l’échec
    1.Retour sur 2011
    En 2011, pour ma pre­mière par­tic­i­pa­tion à l’épreuve et aus­si à un 1200km, je ne savais pas à
    quoi m’attendre et mon objec­tif était de finir. J’ai ain­si fini en un peu plus de 69 heures et dans
    le pre­mier 20%. Le bon­heur était à son comble.
    4 ans plus tard, me revoilà sur le théâtre de cette même opéra­tion avec plus d’ambition. Les
    qua­tre dernières années m’ont per­mis de con­naitre d’autres aven­tures de longues dis­tance, de
    m’améliorer grande­ment au niveau de ma per­for­mance, de baiss­er mon poids, d’utiliser un vélo
    plus effi­cace, de mieux me con­naitre. En fait d’être plus fort et d’être au top de ma pré­pa­ra­tion.
    En hiv­er, j’avais bien tra­vail­lé les fon­da­men­taux du cyclisme (force, cadence et inten­sités de
    l’effort) et le print­emps avait con­fir­mé ma superbe forme physique en abais­sant mon record
    sur 600km à 24heures et 21 min­utes.
    Paris-Brest-Paris était sans aucun doute mon graal à attein­dre en 2015. L’épreuve 2015
    représen­tait le cham­pi­onnat du monde de la dis­ci­pline et j’avais l’honneur non seule­ment d’y
    par­ticiper mais aus­si de me mesur­er à l’élite mon­di­ale.
    Tout pour me ras­sur­er…
  6. Les 5 piliers de la réus­site sportive.
    Une réus­site sportive se mesure à l’équilibre entre cinq aspects. Cha­cun d’entres eux étant
    indis­so­cia­bles au suc­cès.
    Nous pour­rions définir ces 5 pier­res angu­laires de la per­for­mance par :
    le physique,
    la tac­tique ou stratégie,
    la tech­nique,
    le matériel et
    le men­tal
    La pré­pa­ra­tion men­tale (tout comme les autres types de pré­pa­ra­tion) a pour objec­tif de
    dévelop­per les capac­ités du sportif et par con­séquent d’aug­menter notable­ment ses
    per­for­mances et son bien-être dans la pra­tique.
    http://www.nutri-cycles.com/dossier-entrainement-velo-la-preparation-mentale-du-cycliste-2-
    440.html
    Aus­si, il con­vient de définir les raisons qui per­me­t­tent au men­tal d’être un acteur prin­ci­pal de la
    réus­site.
    1- A calmer ses émo­tions
    2- A con­cen­tr­er son énergie
    3- A sup­port­er la douleur
    4- A dévelop­per une atti­tude pos­i­tive
    5- A visu­alis­er l’épreuve
    http://www.velo-concept.com/techniques-dentrainement-mental/
  7. Ma pré­pa­ra­tion
    En avril les pre­mières sen­sa­tions étaient par­faite­ment bonnes. Mon poids était déjà en dessous
    de celui à la même époque l’an dernier. Je me suis établi des cycles de 3 semaines
    d’entrainement me menant à chaque fois à une semaine 4 de récupéra­tion active. Je pro­gresse
    par rap­port à l’an dernier, même si cette pro­gres­sion est plus faible que les autres années.
    http://fredericperman.com/realiser-ses-objectifs-velo-en-2015-que-faire-enmars/#.ViJmkf9dE5s
    http://fredericperman.com/realiser-ses-objectifs-velos-en-2015-que-faire-enavril/#.ViJmtv9dE5s
    http://fredericperman.com/realiser-ses-objectifs-velo-en-2015-que-faire-en-mai/#.ViJm6P9dE5s
    http://fredericperman.com/realisez-ses-objectifs-velo-que-faire-en-juillet/#.ViJnDP9dE5s
    Mai 2015
    La sai­son s’est bien déroulée, j’ai remar­qué deux élé­ments qui auraient pu être améliorés.
    Les hautes inten­sités ont été peu tra­vail­lé, vous allez me dire que nous n’avons pas besoin en
    longue dis­tance, néan­moins, pour ten­dre vers une meilleure per­for­mance, il est indis­pens­able
    de tir­er vers le haut l’ensemble des zones d’intensités lais­sant ain­si de la lat­i­tude aux zones les
    plus bass­es de pro­gress­er.
    En Aout 2015, en route….
    Un mal de dos provenant cer­taine­ment d’une chute au mois d’avril mais aus­si d’une
    mus­cu­la­ture de la cein­ture abdom­i­nale pas encore à son meilleur.
    Au niveau men­tal, j’ai pris soin d’alterner les par­cours et autres sor­ties afin de me don­ner
    tou­jours un bel appétit de pra­ti­quer le vélo. J’ai aus­si pris soin de faire atten­tion à mon som­meil
    et enfin pris soin de bien visu­alis­er le déroule­ment de l’épreuve.
    Il était con­venu que ma con­jointe m’assiste et tout était visu­al­isé autour de ce sup­port. Un
    sup­port per­met au cycliste d’être moins seul, de faire partager son expéri­ence, de ne pas per­dre
    d’énergie et de temps aux dif­férents con­trôles. Et …le 25 juil­let, ma con­jointe chute à vélo et se
    frac­ture à 2 endroits le bassin. Tout est remis en cause, plus d’assistance.
    Mes 4 nuits de som­meil d’avant l’épreuve sont per­tur­bées. Le som­meil est léger et je me lève
    en me sen­tant fatigué. Pas bon pour une pré­pa­ra­tion opti­male.
    La veille, le 15 Aout lors de l’enregistrement
  8. L’épreuve
    Mon objec­tif est de finir en moins de 55 heures, objec­tif ambitieux mais réal­iste au vue des
    résul­tats sur les brevets effec­tués au print­emps. Pour ce faire, je plan­i­fie d’arriver à mi-par­cours
    à Brest (km 618) en 24 heures et moins.Je me retrou­ve ain­si seul la veille du départ, pour
    l’inspection des vélos et la prise de pos­ses­sion de la carte de con­trôle.
    La machine de guerre est prête….
    Mon départ a lieu à 16 :00 le 16 aout. Je pars avec le pre­mier groupe qui est sup­posé être un
    groupe de bon cal­i­bre. J’arrive sur le site du départ à 11 :00. Vrai­ment trop tôt. Mon état de
    fébril­ité est déjà trop haut. Je sens des douleurs abdom­i­nales. Le stress est trop haut. Quand le
    départ a lieu sous une tem­péra­ture idéale, tout va quand même bien mal­gré un haut niveau de
    fébril­ité. Je con­firme que le groupe de 220 cyclistes est d’un bon cal­i­bre. Je me sens en une cyclo
    sportive. L’allure et rapi­de et au pre­mier rav­i­taille­ment, je suis bien dans le pelo­ton à une
    moyenne de 35.5 km/heure sur 140km et en tra­ver­sant les monts du perche. Cela a été
    vrai­ment vite… C’est là que je vois aus­si que les hautes inten­sités util­isées et mieux tra­vail­lées
    au préal­able m’auraient per­mis de sécréter cer­taine­ment moins de déchet dans l’organisme.
    A
    Dans la pre­mière étape, tout est sous con­trôle.
    Par la suite, je m’arrête pour me recharg­er en liq­uide et évidem­ment le pelo­ton se dis­loque
    entre ceux qui ont de l’assistance et ceux qui n’en ont pas. Le ter­rain demeure val­lon­né.
    Physique­ment tout va bien, j’ai de bonnes jambes, la nuit tombe et je demeure dans un bon
    groupe. Il fait froid, la tem­péra­ture descen­dra même à 5 degrés durant la nuit.
    À 5 heures, je ressens de la som­no­lence, je me dis qu’il serait sage de m’arrêter pour une sieste
    de moins d’une heure afin de m’assurer de ma pleine pos­ses­sion physique pour la journée qui
    s’en vient.
    Je m’arrête à Quedil­lac, Rav­i­taille­ment prévu par l’organisation. 389 km ont déjà été par­cou­ru.
    Cela va vite et les jambes sont bonnes. J’ai eu l’occasion de m’en con­va­in­cre avec ma capac­ité
    de rat­trap­er des groupes par­tis avant moi aux con­trôles.
    En m’arrêtant, je sens le froid me pren­dre et je ne mets pas de vête­ments sup­plé­men­taires de
    suite…Erreur. Je com­mence à trem­bler. Je me couche et les trem­ble­ments con­tin­u­ent. A 6h10,
    je me lève, je n’ai pas réus­si à me réchauf­fer, le soleil n’est pas encore levé et la tem­péra­ture est
    encore plus humide, je file à mon vélo afin de pré­mu­nir d’autres vête­ments sup­plé­men­taires
    que je m’empresse de les enfil­er. Je prends un bon café et quelques pâtis­series pour faire le
    plein et me voilà repar­ti, tran­sis de froid. Je me fais rejoin­dre par un Ital­ien et ensem­ble nous
    par­courons le reste de l’étape jusqu’à Loudéac.
    Proche de Loudéac, tout allait bien
    Loudéac mar­que le début des plus gross­es dif­fi­cultés du par­cours. Le soleil est au beau fixe et la
    tem­péra­ture agréable. Le paysage Bre­ton ren­force la rai­son d’être présent dans une telle
    épreuve. Le monde sur les routes con­tin­ue de nous encour­ager. Tout est posi­tif. Mes jambes
    sont par­faites.
    En début d’après-midi après être arrêté à Carhaix, ou je me suis cor­recte­ment ali­men­té, il me
    sem­ble. Je pars et là je sens mes forces d’un coup m’abandonner. Moins de 90 km nous sépare
    de Brest ou sera jugée la moitié de l’épreuve. Je suis tou­jours dans les temps d’y être avant 24
    heures. Mais mon manque d’énergie soudain m’inquiète au plus haut point.
    Les mon­tées se font de plus en plus lente­ment, on me dou­ble et je suis inca­pable de suiv­re les
    roues. Je m’alimente. Mais rien ne change. J’avance pénible­ment au ralen­ti jusqu’à Brest et
    arrive à 16:09 soit 24heures 09 après le départ. Les 24 heures est qua­si­ment dans la poche mais
    je me sens totale­ment vidé, sans force. L’arrivée soudaine de cette faib­lesse m’inquiète aus­si.
    Tout allait bien et soudaine­ment, plus de force.
    Je décide de voir un médecin sur l’épreuve à Brest et de faire éval­uer mes signes vitaux. Tout
    est bon, il me con­seille d’aller me couch­er pour une cou­ple d’heure et d’évaluer la sit­u­a­tion par
    la suite.
    Je me couche vers 16 :30 et dors aus­sitôt. Je me réveille à 19 :00 env­i­ron dans un état proche
    que celui observé plus tôt dans l’après-midi.
    Là, l’envi de me bat­tre a déjà com­mencé à s’évader de mon esprit. Je ne me vois pas repar­tir, le
    plaisir de dis­sipe. Men­tale­ment, je suis aus­si vidé. C’est fini, alors qu’il me reste tout le temps
    pour me refaire une san­té. Men­tale­ment, je n’ai plus envie. Je me sens grog­gy et hon­teux en
    même temps. Tous ces efforts pour en arriv­er là, com­ment se fait-il que je ne sois pas capa­ble
    d’accepter de me repos­er avant de repar­tir. Cette ques­tion hante tou­jours mon esprit
    aujourd’hui.
    Les traits tirés de la fatigue
    Je sais que je dois récupér­er ma con­jointe à l’aéroport mer­cre­di matin. Nous sommes lun­di soir.
    Mais je n’arrête pas de penser à être présent mer­cre­di et je perds ain­si totale­ment le focus sur
    l’épreuve. C’est l’acte final et la déci­sion devient incon­tourn­able.
    Le lende­main matin, je prends le train de Brest à Paris et Mer­cre­di matin, je me trou­ve ain­si à
    l’heure pour être au ren­dez-vous de ma douce à l’aéroport. En me voy­ant, elle me trou­ve
    encore totale­ment fatigué alors que j’ai aban­don­né lun­di soir… J’ai dû pouss­er ma machine loin
    même avec la présence de l’échec.
    Le lende­main, les traits sont encore tirés…
    5.Le diag­nos­tique poten­tiel de l’échec
    En regar­dant en arrière, mon coup de fatigue d’avant Brest ne peut provenir qu’un ensem­ble de
    fac­teur :
    Mes mau­vais­es nuits d’avant l’épreuve.
    Mes trou­bles abdom­inaux
    Mon coup de froid
    En ont cer­taine­ment été la cause.
    Peut-être que je ne me suis pas suff­isam­ment ali­men­té, le coup de froid et /ou hypother­mie a
    sans aucun doute été un énorme con­som­ma­teur d’énergie.
    Le manque de réserve du à un som­meil per­tur­bé n’ont pas per­mis de com­bat­tre effi­cace­ment
    les aléas de la course (Endurance, adap­ta­tion vis-à-vis d’un manque de som­meil)
    Le stress élevé, traduit par des trou­bles intestin­aux, ont vidé pré­maturé­ment mon réser­voir.
    Mer­cre­di matin, nos retrou­vailles à l’aéroport
    Men­tale­ment, je ne m’étais pré­paré qu’à un plan A. J’avais même pré­paré un échap­pa­toire en
    m’engageant à aller chercher ma con­jointe dans le même hori­zon tem­porel que mon Paris Brest
    Paris.
    Ma visu­al­i­sa­tion de l’épreuve avait été incom­plète et je ne m’étais pas pro­téger con­tre de la
    présence d’émotions néga­tives. Pren­dre le temps de bien respiré, de penser à de belles choses
    pos­i­tives m’aurait aidé à sur­mon­ter ma baisse de régime. C’est un gros enseigne­ment pour moi.
    Pour gag­n­er, il est indis­pens­able de per­dre et con­stru­ire nos vic­toires sur les leçons appris­es lors
    de ces défaites.
    A moi de con­solid­er le tout et de con­stru­ire les bases d’une prochaine vic­toire.
    Ci-dessous ma fiche Paris-Brest- Paris
    http://shprung.com/pbp/?mode=info&frame=A029
    Bonne lec­ture.
    Frédéric Per­man