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Durant l’année 2011, j’ai réalisé les différents brevets du CVRM avec grand plaisir et commencé à regarder du côté des fameux 1200 Km. J’avais envoyé un courriel à mon ami Michel Gervais pour un 1200 km en France pour 2012, il répliqua en m’informant qu’il y avait le Rocky Mountain 1200 km 2012, aussitôt je lui réponds tout de go: je m’inscris.
Inscription faite début janvier 2012, parcourant récits, photos, vidéos et en allant sur le site du Rocky très régulièrement. Il n’a pas eu une journée en 2012 que je n’ai pensé à ce brevet, disons que ma préparation mentale était bien enclenchée.
Du coté physique certaines craintes, mes genoux sont amochés (arthrose) et je ressens une douleur vive au cou après 350 km de vélo, mais je me dis qu’après quelques heures de repos cela devrait aller, nous allons voir plus loin!
Décidant de parcourir notre beau pays en voiture c’est en 52 heures que je ferai le voyage avec mon partenaire Michel Gervais et mon ami cycliste Léo. Ce dernier ne fera pas le 1200. Arrivé à Kamloops 5 jours à l’avance je ferai du vélo, des randos de 95 km dans un environnement magnifique durant toute la semaine sauf repos le dimanche.
Quel plaisir à mon hôtel de rencontrer un randonneur du CVRM, M. Fréderic Perman et sa charmante conjointe Catherine, bien content d’échanger avec eux. De plus on a eu le privilège de loger à la même adresse que le célèbre randonneur Kenneth Bonner qui accumule les 1200 à un rythme incroyable et cela à 69 ans. Toute une inspiration, Michel, Léo et moi-même aurons la chance d’échanger avec lui durant plusieurs minutes, merci M. Bonner.
Le jour du départ la nervosité monte d’un cran. Toute la semaine j’ai surveillé la météo et ils annonçaient du très mauvais temps dans la région, pluie forte, basses températures et cela ne semblait pas vouloir changer. À l’inspection des vélos dimanche matin on a eu l’occasion de rencontrer 3 autres randonneurs du CVRM, (Marcel Marion, Gilles Marion et Michel Tardif) qui étaient accompagnés de leurs conjointes et enfants. Quel plaisir de les rencontrer à 4400 km de chez nous.
Mon ami Michel était équipé d’un bidule GPS spot alors on envoya le lien informatique et plusieurs personnes nous suivaient en temps réel sur google, dont ma conjointe Manon. Elle nous a suivi continuellement, en se levant quelques fois par nuit afin de voir notre évolution. De même au travail ils monitoraient notre évolution, on sentait un support de ce côté via les messages textes assez nombreux.
Le dimanche du Rocky Mountain, j’ai réussi à dormir un peu en après-midi en prévision du départ de 22 hres (pour les moins de 90hres). Nous sommes arrivés au lieu de départ vers 21h 15. A partir de là à l’intérieur du curling club j’étais dans ma bulle, une pluie légère arrose le bitume, on prend des photos, on discute. Nous sommes 83 au départ de 22hres et 32 seront à celui de 04h 00 (les plus rapides, moins de 80hres). Nous sortons à l’extérieur à 21h 45 et précisément à 21h 58 une forte pluie s’abat sur nous puis à 22h précise l’organisateur nous dit : gentlemen it’s 10 o’clock now you have to leave. C’est comme si on était des naufragés d’un bateau et qu’on descendait les chaloupes de sauvetage à la mer. Le Rocky 2012 était lancé. Bonne chance!
Il y avait deux façons de prendre l’autoroute vers Jasper et j’avais remarqué qu’on prenait le « red bridge », soit le chemin le plus court. Mais en suivant les premiers cyclistes au départ je m’aperçois qu’on fera déjà 4 km de plus, 1202 ou 1206 ce n’est pas une grande différence sauf que je me demande si mon compagnon Michel prendra le chemin court et sera devant moi. Déjà je me demande après 5 min de route si je ferai la 1e étape sous la pluie entouré d’inconnus. Quel soulagement de revoir Michel 15 min plus tard, il me suivait finalement.
Arrivé au premier contrôle à 02h 54 (16e au total) sous la pluie, avec beaucoup de randonneurs. Nous roulions 2 à 3 de large sur l’autoroute presque déserte. L’accueil et la nourriture est excellente et abondante. On se restaure, et 35 min plus tard nous repartons.
On accumule les km assez bien, la pluie sévit presque toute la journée avec une température d’environ 10 degrés. On passe de contrôle en contrôle, et les bénévoles sont vraiment attentionnés. Les premières vraies difficultés, froid, circulation de camion importante, sont en arrivant au parc national de Jasper. Nous sommes tellement gelés que nous grelottons. Nous avons de la difficulté à changer nos vitesses, nos doigts étant gelés. Les derniers 50 km avant l’arrivée au contrôle de Jasper nous apparaissent très longs. Nous tentons d’accélérer la cadence et finalement nous arrivons à Jasper à 20h 10 (23e au total). Complètement gelés, cela nous prendra un bon bout de temps afin qu’on retrouve une certaine fluidité dans nos mouvements. Nous étions partis à 22h le dimanche soir et 445 km plus loin sous le froid et la pluie, nous sommes fatigués. Maintenant on se change car nos « drop bag » nous attendaient. L’espace est exigu, on fait comme on peut et il m’arrive un pépin, j’égare mon portefeuille. Plus d’argent, aucune ressource et pas le temps de m’occuper de cela pendant un brevet, disons que l’horloge tourne trop vite à notre goût.
Nous nous dirigeons vers un dortoir situé plus loin où il y a à ma surprise un matelas d’environ 1,5 pouce d’épaisseur, pas d’oreiller et des randonneurs qui ronflent. Imaginez. En plus je me couche en pensant à mon portefeuille, disons que le sommeil fut difficile et pas très réparateur n’oubliez pas que mon cou a déjà commencé à me faire souffrir, on en reparle.
Levé à 02h 15, on prend un bon déjeuner et quelle surprise, je retrouve mon portefeuille que j’avais rangé dans une des multiples poches de mon « drop bag ». Quel soulagement on peut maintenant se concentrer sur la journée. Devant nous les cols nous attendent à plus de 2065 m, nous sommes présentement à environ 700 m.
À oui nous nous demandons souvent à quel moment les autres randonneurs du CVRM nous rattraperont et bien nous les croisons au contrôle de Jasper. Merci à France (conjointe de Gilles) pour les carrés aux dattes, disons qu’on est encore en avant mais ils ont quitté Kamloops au départ de 84heures, notre avance s’effrite.
Avant notre départ nous apprenons qu’il y a déjà beaucoup d’abandons à cause de l’hypothermie. Durant le trajet vers Beatty Creek (km 531) le mercure oscille à 4,5 degrés avec une pluie fine. La route est tranquille et on commence à percevoir que la météo s’améliore. En arrivant au contrôle on croise les 2 conjointes de nos amis Marion qui les attendent, disons que oui ils sont plus rapides que nous mais ils sont traités aux petits soins à chaque point de contrôle.
Mon mal de cou est très tenace et commence à me faire ralentir, j’applique onguent, avale des anti-inflammatoire, c’est pénible. Moi qui aime bien me baigner en nature j’arrête à une cascade sur le bord du Icefield Parkway, retire mes vêtements sauf mon cuissard bien sûr et vais me rafraichir. C’est plus froid que je pensais. Malheureusement je me brise une dent à l’avant, les sourires sur les photos à partir de ce moment se feront plus rares. On fait ce brevet en prenant le temps, multiples pauses, photos, vidéo, on est en vacances.
Le premier col à 2065 m d’altitude que je réussis à grimper en 39 X 25 fut un bon test. Les glaciers sont magnifiques. Toujours pas de trace des nos copains du CVRM mais cela sera de courte durée. Le rapide Frédéric nous rejoint et on aperçoit au loin plusieurs voitures et motorisés arrêtés en bordure de la route. Ce sera le deuxième ours que nous apercevrons. Michel prendra un vidéo, nous sommes plus braves qu’hier, car à notre première rencontre avec un ours nous avons décidé de traverser la route et d’attendre une filée de camion afin de s’en éloigner. Pas trop braves les cyclistes, mais il semblait très gros!
Nous avons roulé un peu avec Frédéric. Il semblait vouloir filer et au début du 2e col il s’éloigna rapidement. On reprit notre rythme et réussit à gravir cette longue côte. Quel paysage où nous pouvons admirer ces multiples montagnes et cours d’eau.
Arrivés à Lake Louise à 17h 00 (678 km, 23e au total), nous prenons une bonne pause. Nous n’avons même pas le temps de voir le lac, le sablier coule trop rapidement. Mon mal de cou me tenaille mais nous en avons discuté à quelques reprises, et l’abandon n’est pas une option pour nous.
Nous avons gravi de très longues côtes et de très belles descentes suivaient, sauf que mon état physique m’a restreint, atteignant seulement 67 km/h. Assurément qu’un cycliste en forme aurait pu atteindre des vitesses entre 80 et 90 km/h et peut-être plus!
Toujours pas de trace des deux cousins Marion, on file sur de longues descentes et tout à coup c’est fait, ils nous rejoignent. Le suspens est terminé. Mon mal de cou fait en sorte que notre rythme est un peu moins rapide mais encore correct, on fait une bonne équipe, quel périple de vélo!
Arrivant à Golden à 20h 10 (km 768, 24e au total) les grandes difficultés sont derrière nous. La logistique pour le couché est meilleure à cet endroit, nous avons beaucoup de place pour s’organiser, nous prenons une bonne douche et dormons dans un environnement silencieux sur un matelas de 4 pouces et cette fois-ci nous apportons des vêtements pour se faire un oreiller, on apprend vite.
Après une excellente nuit d’environ 4,5 heures, nous déjeunons. Et oui il y a toujours plein de nourriture au contrôle. Un gros merci aux bénévoles qui sont très gentils.
Quittant vers 05h 00 nous croisons un couple de randonneurs américains. Nous jasons un bout de temps mais dans une pente ils étaient rapides et on les laisse filer peinant à les suivre. Nous apprendrons qu’ils termineront en moins de 70 heures.
Mon mal de cou me fait très souffrir, pas de dépanneurs pour m’appliquer un sac de glace comme au Québec. Dans ce coin de pays les services sont souvent distancés de 125 à 150 km alors c’est très pénible pour moi et le rythme en souffre mais mon ami Michel ne se plaint pas, très chic type.
Pendant ce temps à Kamloops notre ami Léo suit notre progression avec les bénévoles au point d’arrivée et s’inquiète un peu de mon état et il leurs demande s’ils peuvent appeler pour qu’on prenne soin de moi. A Revelstoke (KM 918, 45e au total) on constate que notre progression ralentit beaucoup. J’applique de la glace encore une fois et un randonneur viens me voir et me dit, oui c’est bien beau la glace mais que fais-tu pour te soulager sur la route? Il me s’suggère d’appliquer un pansement de type chauffant. Je lui demande s’il est médecin et me répondit que non. J’appris à la fin que la fille de ce randonneur d’expérience était médecin et recommandait cela.
Je quitte le contrôle seul en avisant Michel que j’allais prendre une petite avance car à ce moment je devais m’arrêter souvent pour soulager ma douleur.J’éprouvais une grande sensation de brûlure comme si on appliquait un fer à repasser dans mon cou mais c’était mieux que l’autre mal. J’avais un morceau de pansement additionnel dans mon sac et l’appliquai plus haut dans mon cou en le faisant tenir avec du ‘tape électrique’ noir autour du cou.
Je voulais finir ce brevet coûte que coûte, il fait beau alors on roule. À ce moment je roule assez bien et pense avoir pris une bonne avance sur Michel, me disant qu’il va falloir qu’il roule pour me rejoindre mais Michel a beaucoup de ressources et me rejoint assez rapidement.
Finalement avant de quitter l’autoroute on prend une longue pause au dépanneur en compagnie d’un randonneur Japonais qu’on a croisé à plusieurs reprises. On reste assis au sol à l’intérieur car il fait assez chaud, on y reste au moins 35 min et repartons direction Armstrong.
Ceux qui me connaissent savent très bien que j’ai une fixation sur le temps, les chiffres, je fais des calculs en roulant et considérant mon état physique, je dis à Michel que personnellement je préfère me rendre au bout de ce brevet cette nuit, il est environ 19h 00.
Mon mal de cou me fait tellement souffrir que je dois m’arrêter à tous les 7 km pour 2 à 3 minutes de là je dis à Michel : tu serais mieux d’y aller seul, ne compromet pas ton brevet pour moi. Je suis confiant de pouvoir finir avant 90 hres mais je devrai m’arrêter tellement souvent que Michel se tannera, mais non il persiste et me dit qu’on a débuté ensemble cette aventure, qu’on y pense depuis novembre 2011 alors on finira ce brevet ensemble.
Arrivant péniblement au contrôle d’Armstrong ( km 1023, 48e au total), vers 20 h50, il fait beau pas de vent. Une charmante dame nous reçoit, disant que plus on avance de moins en moins de randonneurs sont là en même temps, on n’est pas au PBP.
Les messages textes d’encouragement ne lâchaient pas autant du coté de Michel que de mon coté sauf que ma conjointe commençait à se questionner car notre progression ralentissait et elle ne savait pas vraiment pourquoi, ennui mécanique, problème physique? Je ne voulais pas l’inquiéter.
Avec le ruban noir « tape électric » que je me suis enroulé autour du cou et que Michel a renforcé j’ajoute une « leg warmer » comme foulard. Lors des arrêts aux contrôles je dois garder mon casque. J’ai l’air magané, quel plaisir de faire du vélo!
Quittant ce charmant contrôle en campagne, notre dernière nuit nous attend. Nous devons remonter une pente assez longue qui nous ramène à plus de 600 m d’altitude, on l’avait oublié celle là. Arrêtant pour me reposer régulièrement on commence à entendre des hurlements dans la forêt, nos pauses sont parfois écourtées. Le parcours entre Armstrong et Salmon Arm passe par de petits chemins de campagne très sombres et de nombreux chiens nous attendent dans le noir, on voit 4 yeux qui nous regardent et courent après nous. Je prends mon sifflet et d’une bonne bouffée d’air siffle, les chiens arrêtent subitement. Nous voilà sauvés! Je ne suis pas le plus brave avec les chiens en campagne mais j’ai constaté que Michel non plus n’était pas plus à l’aise que moi avec ces bêtes. Arrivé à Salman Arm en pleine nuit, des gaufres nous attendent, quel service. Nous quittons vers Westwold. Va-t-on enfin arriver?
Vers 03h 30 Michel me mentionne qu’il était fatigué, son corps endolori demandait un peu de repos alors on s’arrête à un dépanneur et faisons un somme de 45 min au frais. Arrive un autre randonneur qui a eu la même idée. Nos jambes exposées au froid ont peine à pédaler, on se rappelle que j’ai un leg warmer dans le cou alors l’autre dans mon sac et ce par un 10 degrés. Je décide quand même de porter un seul couvre jambe, ils m’ont trouvé bizarre à l’arrivée du contrôle suivant.
Il nous restait environ 15 km pour atteindre l’avant dernier contrôle car le dernier c’est l’arrivée à Kamlopps, on se rapproche. Arrivé à Westwold vers 6h 16 (37e au total) on reprend un peu de tempo, je souffre mais sais qu’il nous reste seulement 50 km et ce sera terminé alors on se restaure en compagnie de quelques randonneurs sympathiques, on rencontre une randonneuse qui par son physique, son allure nous fait penser à La belle Marie-Josée. Nous quittons pour le dernier segment en montant.
Finalement quelques descentes nous facilite la tache mais on doit s’arrêter souvent et des randonneurs nous dépassent, pas facile pour l’égo!
À 10 km de l’arrivée Michel commençe à texter tout en roulant sur l’autoroute c’était un moment fébrile. Aurait-il pu avoir une contravention?
09h 07 nous arrivons au curling club de Kamloops, Léo nous attend, enfin, 83 :07 je croyais faire ce brevet plus rapidement sauf qu’avec mon état de santé…, de plus 45% d’abandon sur ce brevet, nous sommes quand même satisfaits.
1200 km en trois jours et demi c’est beaucoup de vélo, quel challenge pour une personne où le vélo a été très présent presque toute sa vie, bien entourée des bénévoles fantastiques, une organisation hors pair, un panorama à couper le souffle et que dire de mon fidèle compagnon de route qui aurait pu me laisser là en chemin mais non. À bien y penser peut-être que durant ces nombreux arrêts il était profitable pour se reposer un peu!
Pour le support de mes amis, famille et de ma conjointe Manon. Un très gros merci!
À tous ceux qui ont l’intention de faire un 1200 km allez y, c’est une expérience incroyable. Si vous avez une chance d’échanger avec des randonneurs chevronnés cela pourrait être utile.
Merci Léo pour le support et Michel tu es vraiment une bonne personne.
Espérant que la santé me permettra de continuer à passer beaucoup d’heures avec des randonneurs de partout.
Le Rocky Mountain 1200 2012 est déjà chose du passé.
Alain Cuillerier
Octobre 2012