Tel un accouchement par Jean Robert

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13 per­son­nes sont au départ de ce 600Km du 25 juin 2011. Il fait 15 degrés et le mer­cure mon­tera à 22 degrés env­i­ron pour ce same­di. Ils annon­caient beau­coup de pluie pour aujour­d’hui mais nous n’en aurons qu’une trentaine de min­utes au départ et ce sera tout pour ce same­di jusqu’à 23h où il pleu­vera une heure env­i­ron. Le dimanche il pleu­vra quelques fois mais nous aurons la chance d’être à l’abri.

Manon, la con­jointe de Michel est venue avec un Win­neba­go et atten­dra Michel aux points de con­trôle.

En voulant pren­dre la pho­to de départ je m’ap­perçois que j’ai oublié la bat­terie dans le chargeur chez moi. Je décide donc de pass­er par chez-moi, en vélo, pour récupér­er cette bat­terie, mais cela me rajoute un 30 min­utes et fera en sorte que je ne ver­rai que quelques patic­i­pants durant ce 600Km.

Après quelques heures je m’ap­perçois que ce ne sera prob­a­ble­ment pas un brevet facile, non pas à cause de la pluie mais plutôt à cause d’un vent de face. Nor­male­ment nous avons un vent favor­able à l’aller, ce qui nous per­met de nous ren­dre à la mi-par­cours assez rapi­de­ment, mais aujour­d’hui ce vent est directe­ment de face. Mal­gré que ce ne soit qu’un vent de 10 à 15Km/h ça nous deman­dera pas mal plus d’én­ergie. Comme je suis seul à l’ar­rière et que les autres roulent cer­taine­ment en pelo­ton j’opte d’é­conomiser mes forces et de min­imiser mes arrêts aux con­trôles afin de les rat­trap­er le plus rapi­de­ment pos­si­ble tout en gar­dant des forces pour pou­voir les suiv­re.

Au pre­mier con­trôle (Km 55) il n’y a aucun cycliste. Je mange un bis­cuit, fais le plein d’eau et au moment de repar­tir Michel Tardif arrive. Il m’ex­plique qu’il ne peut pas manger à 4h du matin alors il s’est arrêté déje­uner. Je lui dis que je veux rat­trap­er mes amis et repars aus­sitôt. Dans Magog (Km 140) je rejoins Uryah qui me dit que Jean-François est à l’ar­rière (il me dira plus tard qu’il avait pris un mau­vais embranche­ment), et que mes amis m’avaient atten­du au pre­mier con­trôle et sont une quin­zaine de min­utes à l’a­vant et que je n’avais pas beau­coup d’e­spoir de les rat­trap­er. Deux km plus loin, au stop du cen­tre ville, Uryah a dis­paru (il me dira plus tard qu’il s’est arrêté pour manger). Je m’ar­rête égale­ment une quin­zaine de min­utes pour manger, ce qui per­met à Michel de me dépass­er et je repars. Je rejoins Michel à Hat­ley où il s’est arrêté pour grig­not­er. Il me dit qu’il manque d’én­ergie avec ce vent de face con­tin­uel. Sa con­jointe l’at­tend au con­trôle avec une lasagne et espère que ça va lui redonner un peu d’én­ergie.

Heureuse­ment au deux­ième con­trôle (Comp­ton, Km 181) Mar­tin et Carl sont en train de manger au restau­rant. En mangeant on voit pass­er Michel et Uryah. Carl en prof­ite pour vir­er la roue de son fix­ie de bord en prévi­sion des côtes. On repart ensem­ble après un long repos de 1 heure 15 min­utes pour mes amis et 40 min­utes pour moi.

Au prochain con­trôle (Cook­shire, Km 235) il n’y a aucun cycliste. On décide de pren­dre une quin­zaine de min­utes qui finale­ment se trans­formeront en 40 min­utes env­i­ron. Dans l’in­ter­vale Uryah arrive et mangera avec nous sur la ter­rasse d’une crèmerie. Au moment de par­tir Michel arrive et nous dit être épuisé et va aban­don­ner. On lui dit qu’il a la chance de pou­voir dormir une bonne heure dans son Win­neba­go avant de pren­dre sa déci­sion et on repart.

Nous repar­tons vers 18h30. Nor­male­ment nous auri­ons du avoir un vent plutôt favor­able à par­tir d’i­ci mais mal­heureuse­ment le vent à tombé. Nous rat­trapons finale­ment deux nou­veaux par­tic­i­pants, René et Benoit, juste avant d’ar­riv­er à Notre-Dame-Des-Bois(Km 285). Uryah est déjà là. Nous prenons un bon 30 min­utes de repos. René à un prob­lème mécanique avec son vélo. Il ne peut utilis­er que les deux pignons du cen­tre à l’ar­rière. J’e­spère qu’il a réus­si à ter­min­er son brevet sans prob­lème.

Nous arrivons au con­trôle #4 (Lac-Mégan­tic, Km 329) vers 22h30. Michel est là et nous explique qu’il a dor­mi une heure à Cook­shire avant de repren­dre le vélo mais à finale­ment décidé d’a­ban­don­ner une trentaine de km plus loin, à La Patrie. Il nous informe que Bernard est par­ti du con­trôle où nous sommes il y a quelques min­utes. Au moment de repar­tir il se met à pleu­voir alors nous ne sommes pas pressés de repar­tir et l’on repart vers minu­it lorsque la pluie cesse. Uryah aurait dû être arrivé depuis un bon moment mais il n’est tou­jours pas là. On se dit qu’il a dû aller manger quelques part à Lac-Mégan­tic.

Pas de pluie jusqu’au prochain con­trôle heureuse­ment. La route nous paraît longue. Ce tronçon de 90km sem­ble en avoir 150. Carl nous dit qu’il a de la dif­fi­culté à garder les yeux ouverts. Il s’ar­rête quelques fois pour marcher, his­toire de se réveiller un peu. En arrivant au con­trôle (Lennoxville, Km 420), à 4h30, il nous dit qu’il s’est endor­mi 5 fois sur son vélo et se réveil­lait en sur­sautant, ce qui le gar­dait réveil­lé une dizaine de min­utes par la suite. Il avait juste peur de s’en­dormir dans une descente.

On mange un peu avant d’aller se couch­er aux rési­dences de l’U­ni­ver­sité Bish­op. Nous sommes tous très fatigués. Per­son­nelle­ment j’ai l’estom­ac à l’en­vers depuis un bon bout de temps. Mar­tin a une écoeu­rite aigue à tout ce qui est sucré depuis le con­trôle #2. On dis­cute de ce qui nous pousse à faire ces brevets. Si l’on nous avait demandé à ce moment si un petit Paris-Brest-Paris nous intéres­sait c’au­rait été un non caté­gorique. Encore plus, si l’on nous demandait si le prochain brevet de 600Km du 16 juil­let nous ten­tait c’au­rait été un non sans équiv­oque. Mal­gré tout nous savions que si l’on nous repo­sait la même ques­tion dans deux semaines la réponse serait cer­taine­ment très dif­férente. C’est quand même étrange que la souf­france dis­paraisse très rapi­de­ment de notre mémoire et que ce qui reste en per­ma­nence soit les meilleurs sou­venirs des intérac­tions humaines de ces épreuves.

On dort 2 heures 30 aux rési­dences de l’u­ni­ver­sité Bish­op. Petit fait anodin, j’avais mis mon réveil à 7h50. Ça m’a pris moins de 2 min­utes à m’en­dormir et je me suis réveil­lé par moi-même en me dis­ant que j’avais dû ne pas enten­dre la son­ner­ie puisque je me sen­tais très réveil­lé. En regar­dant ma mon­tre il était 7h44. On ne peut espér­er un som­meil plus répara­teur. On mange au brunch de l’U­ni­ver­sité qui est offert dans le for­fait cycliste pour un ridicule sup­plé­ment de $1.25.

À Magog, Carl arrête à une phar­ma­cie. Mar­tin l’at­tent mais comme je suis pas mal fatigué et ai de la mis­ère à les suiv­re je décide de con­tin­uer très lente­ment pour récupér­er. Je monte la côte de Southière à un faible 6 km/h et beau­coup d’autres à 8 km/h. Ça me fait un grand bien parce qu’une heure après mon estom­ac cesse enfin de se révolter et je peux enfin absorber du gatorade (1/5 garo­tade pour 4/5 d’eau) qui me redonnera enfin de l’én­ergie. Mar­tin me rat­trape et me dit que Carl s’est arrêté dans un dépan­neur et lui a dit de ne pas l’at­ten­dre.

On roule ensem­ble moi et Mar­tin. À Bolton cen­ter je vois un cycliste à l’a­vant. Je le vois qui monte une côte très lente­ment et il sem­ble être très chargé. Je fais la remar­que à Mar­tin qu’il ne roule vrai­ment pas vite. On le rejoint rapi­de­ment et on s’ap­perçoit que c’est Jean-François. Il est en train de faire ce brevet chargé d’au moins 40 livres. Il a apporté tout son atti­raille pour camp­ing. Il a cam­pé à Lac-Mégan­tic et a dor­mi 2h30. Il a pour l’in­stant une moyenne de près de 20km/h. Nous on a env­i­ron 23Km/h de moyenne alors on en con­clu qu’il est très fort.

Au con­trôle (Cow­ans­ville, Km 517) Bernard Croteau est sur son départ et nous explique que sa selle n’est pas très con­fort­able et qu’il a l’im­pres­sion d’être assis sur un 2x4. Je lui par­le alors de ma selle Brook Swift Ti qui est très con­fort­able. Je crois bien qu’il va en acheter une. J’e­spère juste qu’il aura le temps de la for­mer à son postérieur avant le Paris-Brest-Paris.

Nous allons manger au IGA Extra près du con­trôle. Carl arrive, puis Jean-François. Comme Jean-François n’a­vance pas très vite il fait un petits arrêt et repart quelques min­utes avant nous. En pas­sant à St-Césaire (Km 555) nous arrê­tons au IGA. Quelques min­utes après, un vio­lent orage éclate qui dur­era une trentaine de min­utes. Jean-François arrive 10 min­utes après nous tout trem­pé. Il mange un petit quelque chose et repart aus­sitôt sous la pluie.

Pour notre part nous repar­tirons une quin­zaine de min­utes plus tard lorsque la pluie cessera. La pluie a égale­ment fait tomber le vent. C’est super! En route vers le dernier con­trôle mes com­pagnons sont beau­coup moins rapi­des que moi et il ne sem­blent pas avoir la force, ou la volon­té, de s’ac­crocher à moi alors à Cham­bly je décide de rejoin­dre Jean-François qui est à env­i­ron un km de nous. Comme je sais qu’il roule moins vite que mes amis je lui coupe le vent dans l’e­spoir que nous arriveront tous ensem­ble à l’ar­rivée. Jean-François me dit alors qu’il aimerait bien arriv­er à 20h00. On est sur la Rte 112, à quelques km de St-Hubert, et il est 19h25. Selon mes cal­culs ce sera plutôt vers 20h10. Je m’ap­perçois qu’il peut tout de même rouler 30–32Km/h alors on va essay­er. Nous n’ar­riverons mal­heureuse­ment qu’à 20h03. Nous auri­ons pu y arriv­er si ce n’avait été du feu de cir­cu­la­tion très long sur le boul­vard Taschere­au.

Mes com­pagnons arriveront 5 min­utes plus tard. Désolé Carl et Mar­tin, j’au­rais bien aimé arriv­er en même temps que vous, vous qui m’avez atten­du au pre­mier con­trôle. Ce sera pour une prochaine fois.

Jean Robert

25 juin 2011