Un 600Km avec ma tente par Jean-François Le Strat

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Con­traire­ment il y à 3 semaines pour le brevet des 400, j’ai décidé de par­tir en même temps que mes cama­rades. Le same­di 25 juin à 5 heure du matin, nous sommes une petite douzaine à nous élancer pour une ran­don­née de 600 kilo­mètres. Nous par­tons de St-Lam­bert, sur la rive sud de Mon­tréal et nous nous ren­dons jusqu’au Lac Mégan­tic puis revenons au point de départ. On a 40 heures pour com­pléter le par­cours et ain­si valid­er notre Brevet de Ran­don­neurs Mon­di­aux. Et celui de ce jour est le dernier brevet qual­i­fi­catif pour le Paris Brest Paris 2011.

Nous serons une petite dizaine du Québec à y par­ticiper. Pour rouler 600 kilo­mètres en moins de 40 heures il faut rouler plus de 15 km/h, temps de pause com­pris. Et faire plus de 450 kilo­mètres sans dormir est pour moi dif­fi­cile. Je vais donc m’ar­rêter dormir en chemin. Ne voulant pas aller à l’hô­tel, étant équipé et voulant être autonome, j’ai décidé de charg­er mon vélo de deux sacoches arrières, de ma petite tente bivouac, de mon sac de couchage et de mon mate­las de camp­ing. Je vais être alour­dis mais je vais être plus autonome et m’ap­plique une de mes devise: Porte ta charge.

C’est le week­end de la St Jean et cette année le temps n’est pas au beau fixe. Le gros de la dépres­sion est passé la veille et on subit en ce début de ran­don­née des ondes pas­sagères. J’ai décidé de rouler à mon rythme sans essay­er de suiv­re qui que ce soit. Au bout de 27 kilo­mètres, la strap qui tenait mon bivi se détache et ren­tre dans mes rayons et m’im­mo­bilise tout de suite. J’ar­rive rapi­de­ment à extraire le ten­deur de ma roue mais j’ai deux rayons de cassés et main­tenant ma roue est voilée. Il est encore trop tôt pour trou­ver un répara­teur vélo dans le coin alors je con­tin­ue mon chemin ain­si jusqu’à l’ou­ver­ture des mag­a­sins. J’ar­rive avec Uryah au pre­mier point de con­trôle à St Césaire. On est au km 55. C’est à Gran­by que je pour­rais répar­er ma roue.

La bou­tique est à la gare au bord du lac et de la piste cyclable. J’ai demandé à Uryah de ne pas m’at­ten­dre et de con­tin­uer son chemin. Je suis resté 45 min­utes à atten­dre mon change­ment de rayons et j’ai eu le temps de voir pass­er le reste de notre groupe. Je vais faire la voiture bal­ai pour le reste de la journée, je pense!!!

La route était plate pour se ren­dre jusqu’à Gran­by mais la topolo­gie du ter­rain va vite chang­er, on se rend en Estrie. Je con­tin­ue donc tout seul mon par­cours : Water­loo, East­man et Magog. A l’o­rig­ine, je voulais m’al­léger de la par­tie camp­ing de mon stock, au bord du Lac Magog, sachant que nous repasserons par là plus tard dans notre ran­don­née. Cette tac­tique me per­me­t­tra d’abor­der la route des som­mets plus facile­ment. Mais laiss­er mon pack­age à Magog sig­ni­fie que je me devais de revenir ici avant de pou­voir dormir 2 ou 3 heures. Et le tour fait 300 kilo­mètres soit 17 a 18 heures. Je ne veux pas rouler toute la nuit et dormir au matin, donc je con­tin­ue mon chemin tout seul et chargé.

Le prochain con­trôle est à Comp­ton et on doit pass­er par Ayer’s Cliff. A la sor­tie de ce vil­lage, j’ai mal lu les indi­ca­tions de mon plan de route et je me suis retrou­vé sur le mau­vais chemin et j’ai gag­né un petit détour de 5 kilo­mètres sup­plé­men­taires. A Comp­ton, je retrou­ve Michel et sa femme Manon qui l’ac­com­pa­gne avec son véhicule motorisé. Ils me pro­posent spon­tané­ment de m’al­léger un peu et me pro­pose de les rejoin­dre au point de con­trôle de Lac Mégan­tic ou on sera au 325 km et le plus gros des ascen­sions seront der­rières nous. J’ac­cepte aus­sitôt leur propo­si­tion.

La troisième étape nous amène à Cook­shire, 50 km plus loin. On passe par Mar­t­inville, Ste-Edwidge et Sawyerville. Comme on va tous dans le même sens et à peu près à la même vitesse, je retrou­ve Michel et sa con­jointe sur le park­ing du dépan­neur. Ils m’in­vi­tent à me restau­r­er dans leur Camp­ing Car. Michel éprou­ve des dif­fi­cultés de diges­tion et il est dif­fi­cile de rouler de telles dis­tances sans pou­voir manger nor­male­ment. Il ne sait pas s’il va pou­voir finir son brevet et il va faire un plus grand nom­bre d’ar­rêts et voir com­ment il évolue. Il doit être 19 heures quand je quitte Cook­shire. On attaque la par­tie la plus dif­fi­cile du tra­jet: le tour du mont et du lac Mégan­tic.

On prend la 212 vers La Patrie. Et comme le dis la chan­son d’Of­fen­bach (ma patrie est à terre), ce sera la ville du pied à terre pour cer­tains d’en­tre nous dont Michel que je retrou­ve à la sor­tie de Notre-Dame-des-Bois, un peu après 22 heures. Lui et sa femme vont me dou­bler en camp­ing car. Il me ras­sure en dis­ant qu’ils m’at­ten­dront au prochain point de con­trôle pour me remet­tre mon stock. Je con­tin­ue ma route en oubliant de bien faire le tour du lac Mégan­tic par le côte Est.

J’ar­rive au point de con­trôle, le Tim Hor­ton, à 12h30. J’y retrou­ve Uryah et deux autres ran­don­neurs de Québec et Rimous­ki. Eux, ils vont con­tin­uer à rouler dans la nuit jusqu’à Lennoxville où l’on peut se repos­er dans les bâti­ments de l’u­ni­ver­sité Bish­op. Pour ma part, il me reste 100 mètres pour attein­dre le préau de l’air de repos. Je dors dans mon bivouac, qui n’est pas des plus étanche sous la grosse pluie. Pour l’in­stant, cela cra­chine mais je ne prends pas de risques. Je vais dormir jusqu’à 03h15.

A 4h00 je reprends la route. Il fait nuit encore, le jour va se lever dans moins d’une heure. Je suis con­tent d’avoir pu dormir en plein nuit, his­toire de respecter mon rythme de som­meil et en plus pen­dant ce temps là je n’ai pas util­isé mes bat­ter­ies de lumières.

Notre chemin nous amène vers Cook­shire et Lennoxville. C’est une route que je con­nais bien. En Octo­bre dernier, lors de mon Tour du Québec, j’é­tais passé par Nantes et Milan pour rejoin­dre Sher­brooke puis Mon­tréal et enfin Joli­ette. J’avais mis plus de 5 jours pour faire le par­cours mais à l’époque j’é­tais chargé comme un mulet et je venais de faire plus de 4500 kilo­mètres à tra­vers la province de Québec en pas­sant par la Mauricie, le Lac St jean, le Sague­nay et toute la côte Nord jusqu’à Blanc Sablon. Cela était un autre défi. Je me sou­ve­nais des bor­dés de sap­ins de Noël que l’on trou­ve tout le long de ce par­cours.

Vers 7h00 le matin, je rejoins Cook­shire et j’ar­rive tran­quille­ment au con­trôle de Lennoxville. Je suis encore tout seul et j’ai l’im­pres­sion d’être le dernier de notre bande à pass­er par là. Je fais la voiture bal­ai. Je vais ramass­er tout les retar­dataires s’ils exis­tent.

La route est encore val­lonée et je vais m’a­muser dans les grimpettes pen­dant encore quelques heures avant de rejoin­dre la plaine de la mer de Cham­plain et la ville de Cow­ans­ville.

Vingt kilo­mètres avant le con­trôle de Cow­ans­ville je me fais rat­trap­er par le trio infer­nal de Jean, Carl et Mar­tin. Je les pen­sais loin devant moi mais leur coupures som­meil de Lennoxville les avait placés der­rière moi. Ils roulent beau­coup plus vite que moi, ils roulent à 23–24 km/h tan­dis que moi je main­tien mon rythme à 20 de moyenne.

Je n’es­saye pas de les suiv­re, je préfère con­tin­uer à mon rythme et les laiss­er par­tir. Ils m’indiquent toute­fois qu’ils vont prob­a­ble­ment manger à l’épicerie à coté de l’a­vant dernier point de con­trôle de Cow­ans­ville. C’est là que je les retrou­verais.

Les côtes sont main­tenant der­rières nous et je suis bien dans mon rythme pour finir ce dernier par­cours qual­i­fi­catif dans les delais.

Je prends des paus­es moins impor­tantes que mes amis. Ils me rat­trap­er­ont plus tard comme à l’ac­cou­tumé. Je porte tou­jours mes deux sacoches avec mon kit de camp­ing et les roues de mon vélo de tour­ing sont plus gross­es que celle des mes parte­naires de routes donc c’est nor­mal d’aller moins vite que les autres.

Ce sera avant d’ar­riv­er à St-Césaire que je vais recevoir ma douche. Il pleut à vache qui pisse quand j’ar­rive devant une épicerie où je recon­nais les vélos de mes com­pagnons de route. Ils nous reste 50 kilo­mètres à faire et le moral est au beau fixe même si la météo nous réserve encore quelques gouttes. Comme à mon habi­tude, je repars plus tôt et en solo sur le chemin.

Je roule tran­quille­ment quand je suis sur­pris par Jean qui me rejoint. Il roule à bon allure comme d’habi­tude et je me décide à soutenir son rythme. J’ai encore du jus dans les pattes, je n’ai pas encore puisé dans les réserves alors je passe pour la pre­mière fois sur la plaque de 52 dents.

Avec Jean, on va pass­er le Riche­lieu et on va ren­tr­er dans la ban­lieue sud à plus de 30 de moyenne. Les gens qui nous voy­aient rouler à cette allure ne devaient pas penser que nous venions de nous faire une ran­don­née de plus de 600 kilo­mètres en deux jours de vélo. L’ap­pel de la ligne d’ar­rivée nous donne tout les deux des ailes.

C’est finale­ment à 20H03 que nous rejoignons le dernier point de con­trôle. On est dans les délais. Je viens de com­pléter ma série de 4 brevets qual­i­fi­cat­ifs pour le Paris Brest Paris et me voilà Super Ran­don­neur 2011.

Cela tombe bien parce que je décolle dans deux jours pour rejoin­dre la Bre­tagne et pass­er l’été au pays.

Je suis prêt pour la grande aven­ture du mois d’Août: mon deux­ième Paris Brest Paris 2011.

Jean-François Le Strat

25 juin 2011