Un PBP sans vélo par Nathaniel Watson

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Cette année, je n’ai pas réus­si à pass­er le cap. Même en 2019, mes per­for­mances PBP étaient très mau­vais­es. Cette année-là, j’avais fait le Raid Pyrénéen juste avant. Je pen­sais qu’avoir une semaine de repos entre le Raid et le PBP pour­rait suf­fire, mais c’é­tait un peu idiot. J’é­tais épuisé! De plus, j’avais bu de l’eau dans les bois et j’avais un mau­vais virus gas­tro. Mon tra­jet de Ram­bouil­let à Brest a duré 55 heures ! Et c’é­tait tout. Mon frère et moi avons passé de très bons moments sur la côte bre­tonne !

Cette année, après avoir ten­té trois fois sans suc­cès le qua­trième brevet qual­i­fi­catif (le 600 km), j’ai jeté l’éponge. J’avais démé­nagé de Mon­tréal après 28 ans, j’ai 68 ans, je me suis mar­ié et notre mai­son est en chantier depuis trois mois. Trop de dis­trac­tions ! Mais nous avions déjà acheté des bil­lets pour la France, nous avons donc décidé de rejoin­dre l’équipe de bénév­oles. Et j’ai demandé Fougères parce que j’ai tou­jours été fasciné par le château et par son his­toire.

Pete Dusel, le RBA ici dans l’ouest de New York, voulait mon­ter son huitième PBP. C’est un guer­ri­er blessé. Il a 70 ans, souf­fre d’un can­cer de la prostate avancé et d’une mal­adie car­diaque. Il a ter­miné qua­tre fois, a aban­don­né deux fois et a atter­ri une fois aux urgences de Rennes après une chute noc­turne. Nous avons partagé une mai­son pas chère à la cam­pagne, près de Dreux, la semaine précé­dant le départ, pour lui per­me­t­tre de s’ac­cli­mater, de se repos­er et de faire un peu de cheval. Un jour, nous avons par­cou­ru les 40 derniers kilo­mètres du par­cours PBP, de Dreux à Ram­bouil­let et retour, et ce fut un pur bon­heur. Le temps était mag­nifique, les routes aus­si. On aurait dit qu’ils avaient amé­nagé une piste cyclable privée rien que pour nous. Deux jours plus tard, jeu­di, nous reprenons la route de Dreux vers Tin­té­ni­ac. Pete ne s’at­tendait pas à ter­min­er dans le temps impar­ti, mais il pen­sait pou­voir ter­min­er le par­cours.

J’avais voulu assis­ter au dîn­er du CVRQ ven­dre­di soir à Paris, mais nous avons décidé d’as­sis­ter à la réu­nion des bénév­oles de Fougères, qui a eu lieu exacte­ment au même moment. Ma femme, Melis­sa, et moi avons été présen­tés comme des célébrités, étant venus de si loin pour les rejoin­dre. Rien qu’à Fougères, il y avait une équipe d’en­v­i­ron 250 volon­taires, qui se réu­nis­saient et plan­i­fi­aient depuis avril. Daniel Manceau, ancien coureur et vétéran du PBP, en était le patron. Nous avons finale­ment reçu nos T‑shirts, nos pass repas et nos devoirs. J’ai été envoyé tra­vailler avec les mécani­ciens et Melis­sa à la cui­sine.

Dimanche, 16h, la pre­mière vague s’est déclenchée depuis Ram­bouil­let. Nous nous atten­dions à ce que les plus rapi­des arrivent peu après minu­it. 297 kms en un peu plus de huit heures ! Juste un peu plus lent que Milan San Remo ! Incroy­able. Melis­sa et moi avons roulé avec notre petite FIAT dans la nuit, 8 kms vers l’est pour ten­ter de saluer les pre­miers coureurs. La nuit était incroy­able­ment som­bre ! Il n’y a plus vrai­ment de lam­padaires en France !

Nous avons atten­du dans le silence, sous les étoiles… des lumières arrivent… c’est une voiture ? Non! ce sont des vélos ! Et trois coureurs sont passés à 38 km/h. Cinq min­utes plus tard, un groupe d’une ving­taine de per­son­nes. Nous avons sauté dans la voiture et les avons suiv­is en ville, la ligne nerveuse des feux rouges ! Ensuite nous sommes ren­trés à la mai­son pour dormir un peu.

Lun­di matin à 9h, je me suis présen­té au tra­vail et l’heure de pointe com­mençait. Il n’y avait là qu’un seul bon mécani­cien, du nom de Gaé­tan, et il était très bon. J’ai surtout traduit, réparé quelques crevaisons et je l’ai un peu aidé. Peu de temps après, Melis­sa et moi avons com­pris la néces­sité de rem­plir les bidons, de rem­plir les bidons, et c’est à peu près ce que nous avons fait pen­dant trois jours. Le besoin d’eau douce était très intense. Je me demandais com­ment ils géraient cela dans les autres con­trôles. Beau­coup de gens souf­fraient de la chaleur intense. J’ai égale­ment été mas­sothérapeute à quelques repris­es, par­lant un peu d’es­pag­nol, d’alle­mand, de sué­dois, d’i­tal­ien et de français. Je n’ai vu que quelques Mon­tréalais. Marc B., Fred P. et Gilles. Désolé de ne pas voir Pas­cal et les autres. On dis­ait qu’O­livi­er C. était vrai­ment mal en point à cause de la chaleur. Quand je l’ai revu deux jours plus tard, après avoir rat­trapé les autres, j’ai été vrai­ment impres­sion­né ! Bra­vo, mon­sieur Olive ! Quelques coureurs de Rochester, dont Pete, dis­po­saient d’un véhicule d’as­sis­tance et je les ai ren­con­trés au McDon­alds, juste à l’ouest de la ville. Pete a réal­isé un bon 300 km, mais a aban­don­né plus tard dans la journée à Loudéac.

La journée de mar­di a été un peu plus tran­quille, avec quelques coureurs rapi­des de pas­sage au retour, dont le célèbre Jan Heine. Mais mer­cre­di, c’é­tait la prochaine grande vague. La scène au Lycée Jean Guéhen­no ressem­blait à un champ de bataille de la guerre civile améri­caine, avec des corps éparpil­lés sur le sol, à l’in­térieur comme à l’ex­térieur. De nom­breuses per­son­nes y ont été aban­don­nées à Fougères mer­cre­di après-midi et soir. Comme il n’y a pas de train pour Paris à par­tir de là, j’ai con­duit un cycliste alle­mand jusqu’à Rennes où il espérait pren­dre un train le lende­main matin. Nous avions une bonne source d’eau et nous la ver­sions sur la tête et les pieds des gens, ce qui pro­dui­sait beau­coup d’ex­tase. Je n’é­tais pas désolé de ne pas rouler !

Trois jours d’in­tense émo­tion PBP au milieu d’une com­mu­nauté de bénév­oles locaux. Et je n’étais pas privée de som­meil donc je pou­vais vrai­ment en prof­iter ! En totale nous avons passé trois semaines en France à explor­er Paris et la Nor­mandie, et inclu­ant une semaine inou­bli­able à Fougères !